1. Amélioration des pratiques agricoles
La recherche d’une meilleure efficacité des programmes agri-environnementaux laisse envisager des perspectives d’amélioration des pratiques agricoles proposées. Sur le bassin versant de la Seille, les agriculteurs respectent, dans leur grande majorité, les normes mises en place. La réglementation imposée par la Directive nitrate a permis de réduire les pratiques les moins respectueuses de l’environnement, particulièrement en ce qui concerne l’épandage des effluents. Les programmes départementaux successifs se sont améliorés au cours du temps : le premier programme départemental (1996-2000) ne prenait pas suffisamment en compte les spécificités territoriales du bassin versant ; le deuxième programme intégrait des paramètres supplémentaires concernant les infrastructures et la mise en place des CIPAN ; le troisième programme misait sur la pédagogie en faveur d’une gestion facilitée pour l’exploitant, en plus de prévoir le maintien de bandes de végétation rivulaires ; enfin, le quatrième programme prévoit la couverture végétale des sols depuis 2011.
Des marges de progression sont encore possibles sans remettre en cause la productivité. Elles permettraient de se rapprocher des objectifs de qualité de l’eau :
– Mieux valoriser les déjections par la prise en compte de la complémentarité entre fertilisation minérale et fertilisation azotée organique. Un contrôle plus élaboré des pratiques d’épandage et des plans de fumure pourrait être envisagé.
– Encourager le maintien ou la réimplantation des éléments paysagers structuraux qui réduisent le ruissellement et les flux de nitrates vers le cours d’eau : bandes enherbées suffisamment larges et haies arbustives. Un effort de promotion autour des MAEt « Haies » devrait être fourni pour pallier à l’échec de contractualisation rencontré sur le bassin versant.
– Généraliser de manière encore plus efficace le couvert végétal en hiver.
– Encourager l’allongement des rotations.
– Poursuivre les études en cours de drainage sur filtres végétaux (botte de paille à la sortie des drains par exemple).
– Poursuivre les efforts engagés pour la préservation des zones humides qui constituent des zones de dénitrification naturelles.
De manière plus générale, il pourrait être intéressant de réfléchir à une meilleure adaptation des pratiques professionnelles aux enjeux économiques et environnementaux :
– Expérimenter, financer et encourager le partage d’expériences des nouvelles pratiques agricoles favorables à la qualité de l’eau : mécanisation, rotations, équipements de pointe…
– Mener une réflexion sur les opportunités d’échanges de parcelles ou d’assolement en commun.
– Réviser la prime à l’herbe pour une politique de l’herbe économiquement viable et favorable au maintien des prairies sur les parcelles hors périmètres MAE et Natura 2000.
– Envisager la mesure régulière des reliquats d’azote après récolte sur les parcelles afin d’orienter les exploitants vers un ajustement des apports.
– Equilibrer les orientations des MAEt, trop dirigées vers la préservation de la faune et de la flore remarquables, et faisant de la qualité de l’eau un objectif secondaire.
2. Evolution des relations entre acteurs
L’interrelation entre acteurs est un aspect primordial de l’efficacité d’un programme agri-environnemental et de la dynamique territoriale dans lequel il s’insère. A ce titre, trois structures principales sont à même d’établir des liens entre les politiques publiques et les agriculteurs dans un rôle d’impulsion et de dynamisation : les Chambres d’agriculture, les Agences de l’eau et les Collectivités.
Par ses atouts de communication et sa proximité avec les agriculteurs, la Chambre d’agriculture départementale constitue une interface de choix à même d’assurer la promotion des PAE, comme en témoigne le programme Agri-Mieux qui connait un fort dynamisme sur le bassin versant de la Seille grâce à l’effort de ses gestionnaires. Aucune structure ne pourrait substituer ce type d’interface.
Les collectivités et les Agences de l’eau doivent également coordonner et articuler leurs actions afin de faire gagner en efficacité aux dispositifs.
Le cas du programme de renaturation de la Seille illustre à quel point il peut être laborieux d’établir un consensus autour d’un projet pourtant essentiel. Trois syndicats se partagent la Seille : le Syndicat Intercommunal d’Aménagement Hydraulique de la Seille en aval, le Syndicat Interdépartemental d’Assainissement et de Curage de la Seille en secteur médian et le Syndicat Intercommunal du Bassin Versant Amont de la Seille. La sensibilisation autour de la nécessité d’un programme de renaturation, initiée il y’a plus de 10 ans par l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse, a eu un impact hétérogène sur les différents syndicats. Suite à l’absence de soutien des élus, des représentants des différents syndicats, de la DDAF et des riverains de longue date des communes concernées, ce sont finalement les agriculteurs qui ont contribué à débloquer le projet. Sensibilisés par le chantier de démonstration mis en place par l’AERM et définitivement convaincus par les effondrements de berges en bordure des parcelles par l’érosion de la rivière, les exploitants sont parvenus à faire entendre raison au syndicat de curage.
Tout projet territorial à finalité environnementale voit son efficacité conditionnée par la présence non seulement utile, mais obligatoire de chacune des parties concernée.
3. Vers la coordination et l’adaptation territoriale
La coordination des mesures agri-environnementales
Les dispositifs agri-environnementaux permettant la lutte contre la pollution azotée d’origine agricole sont nombreux et présentent leurs avantages et leurs inconvénients respectifs. Néanmoins, seules leur coordination et leur généralisation à l’échelle du territoire mènent à une gestion pérenne et efficace de la qualité de l’eau.
A titre d’exemple, le succès du dispositif CTE « Collectif du Saulnois » sur le bassin versant de la Seille est imputable à l’action collective qui a été menée. Sur bien d’autres territoires, le CTE fait l’objet d’un bilan mitigé résultant d’un manque de moyens et d’efforts pour la maitrise financière du dispositif et la coordination de sa mise en place. En résulte une implantation fondée sur des démarches individuelles et privilégiant l’aspect quantitatif à l’aspect qualitatif.
Les périmètres Natura 2000, notamment sur la vallée de la Seille, témoignent dans ce sens. Les résultats obtenus en termes de réduction de la pollution azotée d’origine agricole montrent l’intérêt d’une bonne articulation des dispositifs agricoles. Ils constituent un exemple de gestion agri-environnementale concertée.
En dépit du zonage de la Directive nitrate qui induit déjà des restrictions en termes de pratiques agricoles à l’échelle de bassins versants, l’absence de généralisation des mesures au sein d’un programme d’action cohérent est à déplorer sur la majorité des territoires concernés.
A ce titre, la réalisation d’un SAGE permet de prendre en compte un ensemble d’actions telles que la restauration de cours d’eau et les opérations d’assainissement. Il peut constituer un outil efficace pour l’amélioration de la qualité de l’eau. La possibilité pour les collectivités locales de s’associer en Etablissements Publics Territoriaux de Bassin permet également d’homogénéiser les pratiques en surmontant le morcellement administratif et des compétences. De manière plus générale, la mise en place des Bonnes Conditions Agricoles et Environnementales (BCAE) pour la conditionnalité des aides de la PAC dès 2013 devrait apporter une certaine généralisation des pratiques favorables à la qualité de l’eau et resituer l’objectif de bon état des eaux prévu par la DCE au premier plan.
A l’échelle des parcelles, la forme des contrats agri-environnementaux rend leur articulation complexe, notamment en ce qui concerne les MAEt. Ces mesures territorialisées, pourtant efficaces, ne peuvent être cumulées avec les autres engagements agri-environnementaux « de base » que sont la PHAE, le CTE, le CAD ou les MAE de type rotationnelles. De même, la forme des contrats de type CTE et CAD n’est pas directement négociée à l’échelon locale mais avec les représentants du secteur agricole à l’échelon national. Dans ce contexte, comment adapter les programmes agri-environnementaux aux spécificités territoriales tout en permettant leur coordination ?
L’adaptation des politiques agri-environnementales aux enjeux territoriaux
La territorialisation des programmes agri-environnementaux est une des clés de la gestion de la qualité de l’eau. Elle permet de répondre au mieux aux enjeux locaux en conciliant politiques publiques agricoles et politiques de préservation de la ressource en eau.
La mise en place des MAEt est une première étape dans la volonté de renforcer les échelons régionaux et locaux avec la mise en place de zonages prioritaires où l’adéquation entre les mesures proposées et les enjeux territoriaux de préservation est censée être optimal. Dans ce cas, comment élaborer un programme agri-environnemental d’ensemble sachant que chaque zonage possède ses particularités ? Autrement dit, les zonages proposés par les MAEt sont-ils cohérents avec la généralisation des mesures recommandée à l’échelle du bassin versant ? Si non, quel compromis trouver entre des zonages très spécialisés où sont appliqués des MAEt à l’échelle de la parcelle, et un programme agri-environnemental à l’échelle du bassin versant ne pouvant pas prendre en compte toutes les spécificités territoriales ?
La localisation des MAEt dans des zones éligibles aux critères de délimitation variables dans le temps et l’espace est un inconvénient souvent évoqué dans le bilan mitigé du dispositif. Ces mesures font pourtant parties des dispositifs les plus efficaces dans les périmètres où elles sont appliquées en complément d’autres mesures et soutenues par une gouvernance locale (périmètres Natura 2000 + suivi Agri-mieux par exemple). Les MAEt ne sont cependant pas transposables telles quelles à l’ensemble du bassin versant en raison de leur spécialisation à l’échelle de la parcelle et de la difficulté qui en résulterait pour leur coordination.
Ainsi, sur un bassin versant de grande taille relativement hétérogène, il parait favorable, dans un premier temps, d’assurer une coordination globale des dispositifs agri-environnementaux, tout en ciblant des zones spécifiques aux enjeux primordiaux pour lesquelles sont conçues des mesures adaptées. Ce fonctionnement avec zonages permet de résoudre les problèmes liés à la fertilisation azotée dans les secteurs les plus soumis à la pression agricole, sans suffire à améliorer durablement la qualité de l’eau de manière significative sur l’ensemble du bassin versant. En ce sens, ce système peut éventuellement constituer une première étape, mais ne peut pas être une finalité en soi vis-à-vis des objectifs de la DCE.
Page suivante : 3. Vers le développement d’une MAEt « Systèmes de culture économes en intrants » ?