Les tensions entre Ivoiriens et immigrés ont alors été exacerbées davantage, et ce, par un concept raciste : l‘ivoirité. C‘est Henri Konan Bédié, Président de l‘Assemblée nationale et, après la mort du « Vieux » en 1993, président par intérim, qui, pour se débarrasser du concurrent Alassane Ouattara (premier ministre d‘Houphouët) aux présidentielles de 1995, brandit ce nouveau concept d‘ivoirité : pour être président il faudra désormais être né de père et de mère ivoiriens (un « vrai ivoirien »).
Ce qui n‘est pas le cas d‘Ouattara, qui vient du Burkina… mais qui a pourtant été Premier Ministre de la Côte d‘Ivoire !
Car Henri Konan Bédié ne pourra vraisemblablement pas gagner contre Alassane Dramane Ouattara : ce dernier est populaire, vient du FMI, a piloté les réformes et est donc soutenu par la communauté internationale. D‘où l‘arme de l‘ivoirité pour évincer Alassane Ouattara, le « mauvais ivoirien », du Nord, et musulman. Henri Konan Bédié gagne mais il a ouvert la porte de la division ethnique mais également, de manière indirecte, religieuse (que Houphouët avait au contraire évitée) entre chrétiens (plutôt au sud) et musulmans (au nord), ces derniers se sentant solidaires d‘Alassane Dramane Ouattara.
Si Henri Konan Bédié, qui est aussi champion des détournements de fonds d‘aide, est démis par un putsch à Noël 1999 mené par le général Robert Gueï, ce dernier aura lui aussi le malheur de ne pas faire taire les démons tribaux en les utilisant plutôt pour assoir son pouvoir dans la division, nourrissant la grogne dans les rangs. Et après un putsch raté de soldats nordistes essentiellement musulmans, Robert Gueï pratiquera des purges qui donneront naissance aux prémices de la rébellion du Nord. Si Laurent Gbagbo quant à lui, avait boycotté les élections de 1995 par solidarité avec Alassane Ouattara, il se ralliera à cette idée dangereuse d‘ivoirité en 2000. Le jour de son investiture est marqué par le drame de Yopougon où des gendarmes massacrent des pro-Alassane Ouattara déçus que leur candidat ait été à nouveau évincé.
Le concept d‘ivoirité a été officiellement abandonné en 2003, à la faveur des accords de Marcoussis, mais il a durablement gangrené le pays.
Crise économique, incertitude sur la propriété et racisme ont réalisé un cocktail détonnant. Trois domaines où les hommes politiques ont une responsabilité effarante : choix d‘un modèle économique rigide, échec à mettre en place des institutions efficaces, promotion de la division raciale. Autant de causes historiques qui permettent de mieux comprendre la situation actuelle.