Au sein d’un même service les valeurs divergent souvent d’un éducateur à l’autre. Les échanges d’idées peuvent alors prendre la forme de rapports de force d’un jeu d’identification/différenciation suscitant des conflits. Cependant j’estime que le processus de collaboration peut s’établir dans l’esprit d’une interdépendance où chacun, selon son propre système de valeurs ou son originalité, devient une pierre contribuant à la coloration positive de l’édifice organisationnel. En ce sens, l’institution peut encourager des solidarités intermembres et façonner un sentiment d’appartenance à un groupe de travail, pour « regarder ensemble dans la même direction » au sens de Saint-Exupéry.
Si je ne passe pas par l’évaluation de mes pratiques en réunion, je risque de dévier seul et à tort vers une lecture erronée ou réductrice des situations rencontrées.
D’autre part, selon moi, analyser collégialement sa pratique permet d’éviter de reproduire des isomorphismes du milieu d’origine. La reproduction de ces isomorphismes empêche d’atteindre les objectifs définis par l’action éducative et constitue un frein à l’évolution des personnes. Ainsi, dans le cas du jeune Damien présenté plus haut, permettre à ce dernier d’étendre son temps d’ordinateur avec des limites ambivalentes, en soirée au Foyer, n’est-ce pas soutenir en quelque sorte l’absence de limites posées par ses parents lorsqu’il est chez eux le week-end ? Je rappelle que l’adolescent va généralement, dans ce contexte de séjour en famille, prolonger sa navigation dans le cyber-espace jusque tard dans la nuit.
Il est important que les autres acteurs socio-sanitaires (médecins, psychothérapeutes, logopèdes, psychomotriciens…) adhèrent à cette logique de complémentarité dans la sphère d’exercice. Pour faire au mieux, cette philosophie doit s’améliorer, au fil du temps et de l’évolution de la praxis et des méthodologies, en concertation pluridisciplinaire.