3.1. Analyse descriptive bivariée
a. Niveau de mortalité régionale
Le graphique 4.1 nous montre les risques de décès infanto-juvénile en fonction de la région. La relation entre la mortalité infanto-juvénile et la variable région est significative au seuil de 5 %. Pour l’ensemble du pays on constate que le risque de décéder avant cinq ans est assez élevé (152 ‰). La région Ouest enregistre le meilleur quotient (104 ‰), suivie de la région Nord-Est (110 ‰) et du Centre (179‰).
Par contre, le Sud enregistre le quotient le plus élevé (213 ‰). Le meilleur quotient qu’enregistre la région de l’Ouest (Dakar et Thiès) par rapport aux autres régions pourrait s’expliquer par sa forte urbanisation et ses bons taux de couverture en infrastructure et personnel qualifié de santé. A cela on peut ajouter le fait que la région Ouest bénéficie de conditions naturelles non favorables au développement des maladies respiratoires et diarrhéiques, contrairement à la région Sud qui est humide et favorable au développement d’agents pathogènes. Meme si par ailleurs la région de résidence constitue une variable pour laquelle on relève d’importants différentiels. L’effet mécanique de la région sur la mortalité des enfants reste à vérifier d’où la nécessité de voir l’effet des variables économiques, culturelles dans la suite de cette partie.
Graphique 4.1: Variation des risques de décès infanto-juvénile selon la région (‰)
Source : Exploitation des données de l’EDSS, 2005
b- Occupation de la mère
Au niveau national, toutes les variables économiques sont significativement associées à la mortalité des enfants au seuil de 5%, mais leurs significativités varient selon les régions. Les résultats montrent qu’à l’exception de la région du Nord, l’activité économique de la mère est une variable associée à la mortalité des enfants de moins de cinq ans au seuil de 5%.
Ainsi cette variable témoigne de l’influence de l’activité économique de la mère sur la mortalité des enfants. Les enfants issus des mères exerçant dans le domaine agricole ont le risque de mortalité le plus élevé, dans les trois régions respectives du Centre, de l’Ouest et du Sud (214‰, 135‰, 245‰ naissances vivantes) comparativement aux autres. Ils sont suivis par les enfants des femmes salariées dans les régions du Centre et du Sud (186‰, 208‰) et par les enfants des femmes sans emplois dans la région de l’Ouest (121‰).
Ce résultat cadre avec ce que nous avons rencontré dans la littérature. A titre d’exemple COULIBALY, à partir d’une étude menée sur la Côte-d’Ivoire a trouvé que «Les enfants issus des mères exerçant dans le domaine agricole ont un risque de mortalité le plus élevé, comparativement aux autres (205 décès pour mille naissances vivantes) (KOULIBALY 2007, p 65).»
A l’intérieur des régions du Centre et du Sud, les enfants des Commerçantes et des femmes sans emplois courent presque les mêmes risques de mourir avant cinq ans. Soit respectivement (167‰, 167‰) pour la région du centre et (185‰, 187‰) pour celle du Sud Ils ont moins de risques de décéder par rapport à ceux des femmes exerçant un emploi salarié. Ces statistiques contredisent la tendance au niveau national qui stipule que les enfants des femmes salariées sont moins exposés que les enfants des femmes non salariées.
c- Occupation du conjoint
En ce qui concerne l’activité économique du conjoint, elle est associée à la mortalité des enfants de moins de cinq ans au seuil de 5% au niveau national et dans les régions du Centre et du Sud. Dans la région du Sud, les quotients de mortalité des enfants de moins de cinq ans sont 169‰ chez les enfants des femmes dont le conjoint est salarié, 193‰ chez les enfants des femmes dont le conjoint est commerçant et 248‰ chez les enfants dont le conjoint de la mère est un agriculteur. Pour la région du centre, ces quotients de mortalité des enfants de moins de cinq ans sont 147‰ chez les enfants des femmes dont le conjoint est commerçant, 163‰ chez les enfants des femmes dont le conjoint est salarié, et 209‰ chez les enfants dont le conjoint de la mère est un agriculteur. Pour la région du centre, les enfants dont le conjoint de la mère est commerçant sont moins exposés au décès que ceux des femmes dont le conjoint à un emploi salarié, mais pour la région du Sud, c’est le contraire.
d. Niveau de vie
Les résultats montrent que la condition de vie du ménage est significativement associée aux risques de décès des enfants de moins de cinq ans. On constate que, aussi bien au niveau national que dans toutes les régions, plus les conditions de vie s’améliorent, moins est élevé le risque de décès chez les enfants de moins de cinq ans (graphique 4.4). Selon les résultats, les enfants appartenant aux ménages de niveau de vie faible courent plus de risque de décéder que leurs homologues habitants dans les ménages où les conditions de vie sont moyennes ou meilleures. Ces résultats corroborent avec ceux obtenus par plusieurs chercheurs. En effet, les ménages qui ont un niveau de vie élevé sont plus prédisposés à offrir aux enfants des conditions de vie qui leur permettent d’assurer un plein épanouissement sanitaire et par conséquent moins de risque de décéder, alors que les enfants issus de ménage à faible niveau de vie sont plus exposés aux risques de décès, du fait d’une faible protection sanitaire.
e. Ethnie de la mère
Les résultats issus du croisement entre l’ethnie de la mère et la mortalité des enfants de moins de 5 ans montrent qu’au seuil de 5%, l’ethnie de la mère est significativement associée à la mortalité des enfants au niveau national. Au niveau régional, c’est seulement pour la région Ouest que le résultat est significatif au seuil de 5%. Les enfants de mère Sérère sont les plus désavantagés du point de vue de la survie. Ceux-ci courent plus de risque de décéder (117 ‰). Les mères de la modalité autre (Diola-manding-Soninké) ont le plus faible risque de mortalité des enfants de moins de 5 ans (54‰).
f. Milieu de résidence
On voit que le milieu de résidence est significativement associé à la mortalité des enfants au seuil de 5% au niveau national. Il l’est aussi pour les régions du Centre et du Sud. Par contre le milieu de résidence n’est pas significativement associé à la mortalité infanto-juvénile dans les régions du Nord-Est et de l’Ouest. Pour les régions du Centre et du Sud nous constatons que les enfants dont la mère réside en milieu urbain ont plus de chance de survie que leurs frères et soeurs dont la mère réside en milieu rural. Soit respectivement 110‰ et 190‰ au Centre contre 142‰ et 228‰ au Sud. La tendance pour ces deux régions cadre avec ce qui est constaté dans la littérature. Par exemple au Burkina Fasso, en exploitant les données de l’EDSBF de 2003, RIPAMA trouve qu’au niveau national, les enfants dont les mères résident dans les villes sont plus avantagés. Ils courent moins de risque de décéder 103‰ que leurs homologues dont les mères résiden en milieu rural 131‰ (RIPAMA, 2005).
g. Niveau d’instruction de la mère
Le niveau d’instruction de la mère est associé au risque de mortalité des enfants. Au seuil de 5%, le niveau d’instruction de la mère est associé au risque de mortalité des enfants et présente une relation négative avec la mortalité des enfants de moins de 5 ans. Les enfants issus des femmes non instruites ont une mortalité plus élevée que les enfants des mères instruites, dans toutes les régions à l’exception de la région du Nord-Est (voire graphique ci-dessous). Cette influence négative du niveau d’instruction serait due au fait que la scolarisation est un facteur de délaissement des coutumes et des traditions. En effet, la scolarisation a tendance à être un facteur de modernisation et d’occidentalisation.
h. Niveau d’instruction du conjoint
Le niveau d’instruction du conjoint influence de la même manière que celui de la mère la mortalité des enfants. Au seuil de 5%, le niveau d’instruction du conjoint est associé au risque de mortalité des enfants et présente une relation négative avec la mortalité des enfants de moins de 5 ans. Les enfants dont le conjoint de la femme est sans niveau et de niveau primaire ont une mortalité plus élevée que les enfants dont le niveau du conjoint est secondaire ou supérieur, dans toutes les régions (voire graphique 4.7). Cette liaison serait due au fait que les femmes intellectuelles avec les caractéristiques du point précédent, épousent aussi pour la plupart des hommes intellectuels.
i. Différentiels selon les variables intermédiaires
Au niveau national et pour les régions du centre et du Sud, on constate que l’intervalle inter génésique est associé à la mortalité des enfants. Il se présente comme une variable de différenciation du niveau de la mortalité des enfants de moins de 5 ans. Pour la région du Sud, les enfants qui sont nés au plus 24mois après la venue au monde de l’enfant précédent ont presque 2 fois plus de risque de décéder que les enfants nés au moins 36 mois après la conception de l’enfant précédent (soit 246‰ et 179‰).
Cette mortalité différentielle selon l’intervalle inter génésique est un résultat attendu. En effet, l’on pourrait attribuer cette différence significative du risque de décès selon l’intervalle inter-génésique à l’épuisement de la mère dû à un intervalle de temps très court et aussi à la concurrence entre frères et soeurs en matière d’alimentation et de soins comme le souligne DACKAM: «Lorsque l’intervalle entre l’enfant précédent et l’enfant présent est court (moins de 2 ans), les ressources familiales ainsi que l’attention de la mère seront partagées entre les deux enfants. Cette compétition handicape l’enfant actuel (plus jeune) qui a besoin de toute l’attention de sa mère (DACKAM, 1987, p 187).»
En ce qui concerne le sexe de l’enfant, on constate que les garçons nés dans la région de l’Ouest décèdent plus (115‰) que les filles qui naissent dans la même région (91‰).C’est la seule région ou on a une association entre la mortalité des enfants de moins de cinq ans et le sexe de l’enfant.
Tableau 1: Risque relatif de la mortalité infanto-Juvénile selon la région
Source : Exploitation des données de l’EDSS, 2005
3.2. Analyse explicative
Après avoir identifié les facteurs explicatifs de la mortalité des enfants et leurs mécanismes d’actions au niveau national, il est maintenant aisé de passer à l’explication des déterminants de la mortalité pour chaque région. Le tableau :2 donne les résultats des modèles saturés des quatre régions retenues. Les tableaux des régressions logistiques pas à pas pour chaque région sont en annexe.
a- Région Nord-Est
Dans la région du Nord-Est, lorsqu’on introduit toutes les variables retenues pour l’analyse, on obtient le modèle «saturé». Cette région fait preuve d’une particularité dans la mesure où aucune variable parmi les variables de l’étude n’est associée à la mortalité des enfants de moins de cinq ans. Ceci voudrait dire que les interventions pour la réduction de la mortalité des enfants de moins de cinq ans dans les régions administrative de St Louis, Matam et Louga, qui se baseraient sur des variables économiques, socioculturelles, et biodémographiques de notre étude, pourraient ne pas produire les résultats escomptés. Ce résultat montre la nécessité d’une étude particulière sur les déterminants de la mortalité des enfants qui est encore assez élevée (110‰) dans cette partie du pays. Il montre une limite des programmes conçus à partir des indicateurs agrégés qui pourraient se révéler impertinent dans certaines régions et confirme aussi la nécessiter de l’approche régionale de la planification du développement qui doit se baser sur les réalités de chaque région.
b- Région Centre
Le modèle d’analyse saturé, dans la région du centre qui se trouve être la région de référence dans le modèle national, a permis de constater que la mortalité des enfants de moins de cinq ans dans les régions administratives de Kaolack, Fatick et Diourbel se voit influencer par l’occupation du conjoint de la femme. Les enfants de la région du centre dont le conjoint de la mère exerce une activité agricole ont 48,8% plus de risque de décéder par rapport aux enfants dont le conjoint de la mère exerce une activité salariale. Il n’ya pas de différence devant la mort, entre les enfants des femmes dont le conjoint est commerçant et ceux dont le conjoint de la mère est salarier.
Comme nous l’avons constaté avec la région du Nord, dans celle du Centre, il apparait que l’écrasante majorité des variables classiques jusqu’ici utilisées pour capter les facteurs explicatifs de la mortalité des enfants et plus particulièrement dans les pays en voie de développement, se trouvent non explicatives dans cette partie du Sénégal.
c- Région Ouest
Dans cette région, les résultats du modèle saturé montrent que, l’activité économique de la femme, le niveau de vie du ménage, le niveau d’instruction du partenaire de la femme et intervalle inter-génésique ont un effet net significatif sur le risque de décès des enfants. La région de l’Ouest composée des régions administratives de Dakar et de Thiès est la seule région ou le niveau d’instruction du conjoint et l’intervalle inter-génésique sont des déterminants de la mortalité infanto juvénile. En effet, à Dakar et à Thies, les enfants des commerçantes ont moins de 61,6 % de risque de décéder avant cinq ans par rapport aux enfants des femmes sans emplois.
En comparant aussi les enfants selon l’occupation de la femme, on constate que les enfants des femmes exerçants une activité salariale ont plus 13,6% de risques de décéder avant cinq ans par rapport à ceux dont la mère est sans emploi. Il faut aussi remarquer que dans cette région, le niveau de vie est significativement associé à la mortalité des enfants.
Les enfants issus des ménages à niveau de vie faible et moyen ont respectivement 4,64 et 1,55 fois plus de risque de décéder avant cinq ans par rapport aux enfants issus des ménages ayant un niveau de vie élevé.
Au niveau des variables socio-culturelles, l’Ouest fait aussi l’exception car c’est ici seulement qu’on retrouve, des variables socio-culturelles explicatives de la mortalité des enfants. Un enfant qui est né en ville dans les régions de Dakar ou de Thiès se voit bénéficier d’un avantage de prés de 50% par rapport au risque de décès qu’un enfant qui est né dans le milieu rural des même régions. On constate aussi que le niveau d’instruction est un déterminant de la mortalité des enfants. Plus le niveau d’instruction du partenaire de la femme est élevé moins l’enfant est exposé au risque de décès avant cinq ans.
Les enfants dont le partenaire de la mère a le niveau primaire et ceux dont le partenaire de la mère a un niveau secondaire ont respectivement 57,3% et 63% moins de risque de décéder avant cinq ans que les enfants dont la partenaire de la mère est sans niveau d’instruction. Dans cette région de l’Ouest aussi, l’intervalle inter-génésique est une variable qui discrimine les enfants quant à leur exposition au risque de décès. Un enfant qui est né dans l’intervalle de moins de 24 mois par rapport à son prédécesseur a plus de 15% de risque de décéder qu’un enfant né entre 25 et 36 mois par rapport à son prédécesseur.
d- Région Sud
Les résultats d’analyses montrent que dans cette région, le niveau de vie du ménage, l’âge au premier accouchement et l’état matrimonial, ont un effet net significatif sur le risque de décès des enfants. Ainsi, ces variables sont les déterminants de la mortalité des enfants de moins de cinq ans dans cette région qui est composée des régions administratives de Kolda, Tambaconda et de Ziguinchor.
Ici, l’exposition au risque de décès des enfants varie en sens inverse avec le niveau de vie. Plus le ménage a un niveau de vie élevé mois les enfants sont exposés à la mort. Les enfants issus des ménages ayant un niveau de vie faible ou moyen ont respectivement 3et 2,9 fois plus de risque de décéder avant cinq ans que les enfants issus des ménage qui ont un niveau de vie élevé. Comme la région de l’Ouest, la région du Sud fait preuve d’une particularité.
Dans le Sud il ya deux variables biodémographiques qui se trouvent être des déterminants de la mortalité des enfants à savoir l’âge au premier accouchement et l’état matrimonial. Concernant ce premier, il faut remarquer que le risque de décès d’un enfant de 0 à 5 ans est 1,59 fois plus chez les enfants des femmes de mois de 25 ans. Cependant, il n’y a pas de différence d’exposition à la mort entre les enfants des femmes ayant accouchées entre 25- 39ans et celles qui ont accouché au delà de 40 ans. Quant à l’état matrimonial, il influence la mortalité des enfants. En effet, un enfant d’une femme non mariée par rapport à un enfant d’une femme mariée, a 1,77 fois plus de risque de décéder avant cinq ans.
Tableau 2: Risque relatif de la mortalité infanto-Juvénile selon la région
Source: Exploitation des données de l’EDSS, 2005
3.3. Discussion des résultats
a. Facteurs économiques
Ces résultats obtenus sur les variables économiques au niveau national cadre avec ce qu’ont montré des études antérieures réalisées dans d’autres pays comme le Burkina Faso, la Cote d’Ivoire…
En effet, le fait qu’un enfant résidant dans un ménage où les conditions sont mauvaises soit exposé à une mortalité relativement élevée témoigne de l’influence qu’exercent les conditions de vie du ménage sur la mortalité des enfants. Cette influence pourrait s’expliquer par le cadre de vie qu’on appréhende par le type de toilette, les matériaux de construction, le mode d’approvisionnement en eau,… et qui est un facteur pouvant conduire à la prolifération de certaines maladies, qui si elles ne sont pas bien soignées, peuvent s’avérer mortelle pour l’enfant. On constate le plus souvent que les ménages vivant dans de mauvaises conditions de vie représentent les pauvres de la classe sociale. Ils sont très souvent contraints d’offrir des soins de mauvaise qualité à leurs enfants faute de moyens.
Un mauvais choix du type de traitement peut précipiter l’enfant à la mort. La région administrative de Kaolack et Diourbel étant parmi les régions administratives les plus pauvres du pays, cette pauvreté pourrait être à l’origine des quotients de mortalité infanto juvénile-élevés au centre. L’activité économique de la mère est une variable économique au niveau individuel qui est significativement associée à la mortalité des enfants dans le modèle saturé national, de la région de l’Ouest et du Sud.
Les résultats de notre travail montrent que ceux sont les enfants de femmes qui exercent une activité salariale qui sont plus exposés au risque de décès. Les mères engagées sur le marché de l’emploi sont supposées disposer de peu de temps à consacrer aux taches maternelles. Au contraire, celles qui ne sont pas engagées dans une activité économique consacreraient beaucoup plus de temps à leur activité maternelle. Plus la mère a du temps à consacrer à l’enfant, plus grande sont supposées les chances de survie de ce dernier.
Selon (COULIBALY, 2007), une étude au Etats unies, réalisées par Woodbury en 1925 a monté une forte association entre le travail de la mère à l’extérieur et le risque de décès de l’enfant durant la première année d’existence. Les enfants dont la mère travaille courent plus de risques de mourir par rapport à ceux dont la mère est ménagère. Le fait qu’une mère travaille à l’extérieur peut avoir des effets sur la mortalité de l’enfant à travers l’alimentation au lait maternel, l’attention et les soins accordés aux enfants (AKOTO et TABUTIN, 1989).
A ce problème de non disponibilité de la femme pour s’occuper de son enfant s’ajoute dans le contexte du Sénégal, le fait que les personnes qui s’occuperaient de l’enfant quand sa mère est au travail seraient des jeunes filles qui n’ont pas d’expériences en matière d’entretiens des enfants ou de vieilles femmes qui n’ont pas une maitrise des pratiques modernes, dont l’allaitement au biberon.
b. Facteurs culturels
On a pensé au début de cette étude que la religion, l’ethnie, le milieu de résidence, l’instruction de la mère et celle du conjoint influencent la mortalité des enfants. La religion n’a pas pu être analysée car avec plus de 94% de musulmans, une analyse différentielle selon la religion n’est pas pertinente.
Concernant l’ethnie, si elle se révèle non déterminante dans l’explication de la mortalité des enfants de moins de cinq ans, c’est parce qu’en dehors de la langue parlée, il est très difficile de catégoriser un individu à partir de son comportement, selon son appartenance ethnique au Sénégal. Cette homogénéité des comportements ethniques serait dûe au fait que les pratiques ethniques traditionnelles s’amenuisent, cédant ainsi la place aux pratiques induites par l’adoption de la religion musulmane qui est pratiquée par l’écrasante majorité de la population.
L’hypothèse selon laquelle le niveau d’instruction de la femme et même celui du conjoint a un effet sur la mortalité des enfants a été émise par beaucoup d’auteurs. L’acquisition de connaissances, de savoir et de savoir faire, et aussi la transformation de l’esprit au niveau culturel et intellectuel à travers la fréquentation scolaire quel que soit le type d’enseignement (laïc ou confessionnel, enseignement général, technique ou professionnel), amèneraient la mère à adopter de nouveaux comportements bénéfiques à la survie de l’enfant.
Le niveau d’instruction pourrait également être un indicateur de la catégorie sociale de la femme : plus le niveau d’instruction de la femme est élevé, plus elle a la chance de disposer d’un revenu élevé ou d’avoir un mari aisé ou riche. Une femme/un conjoint instruite/ instruit a donc plus de chance de disposer de revenus suffisants lui permettant d’accéder librement au marché des biens et services médico-sanitaires et cette facilité d’accès aurait des répercussions sur la survie des enfants dans les régions de l’Ouest et du Sud. Concernant le milieu de résidence, à la lumière du contexte de l’étude, il est tout à fait permis de penser que la répartition des infrastructures et du personnel de santé seraient à l’origine du risque de décès plus accentué en milieu rural par rapport au milieu urbain dans les région administratives de Dakar et de Thiès.
c. Facteurs intermédiaires
Les résultats des analyses révèlent que l’intervalle inter-génésique est une variable qui influence la mortalité des enfants dans la région de l’Ouest. Cette variable indique la période qui sépare la date de naissance de l’enfant et celle de son précédant. Le risque de décéder est élevé lorsque l’espacement entre deux naissances successives est inférieur à 24 mois ce résultat cadre avec ce que la littérature expose en la matière.
En effet, certains auteurs relèvent que cela est la conséquence à la fois du syndrome d’épuisement maternel et la concurrence entre frères et soeurs en matière d’alimentation et de soins surtout dans les «sociétés de pénuries». La concurrence aux ressources familiales ainsi que l’embarra de la mère entre les deux enfants qui ont tous besoin de toute l’attention de la mère seraient en confirmation pour le cas des femmes de la région Ouest du Sénégal.
Dans la partie sud du pays, l’âge de la femme au premier accouchement et son état matrimonial sont significativement associés à la mortalité des enfants de moins de cinq ans. Par rapport à cette première variable, le constat qui a été fait par de nombreux chercheurs est que le risque de décès des enfants de moins de cinq ans est corrélé à l’âge de la mère et est une fonction en forme de U.
Ce risque élevé aux jeunes âges de la mère serait dû au fait qu’elles n’ont encore pas atteint la maturité physique pour supporter une grossesse. Ce désavantage pourrait entraîner un faible poids de l’enfant à la naissance. On peut aussi évoquer le manque d’expériences des mères quand aux prises de décisions en matières de soins et d’alimentation à accorder à l’enfant.
En ce qui concerne l’état matrimonial, le fait que les enfants des femmes qui ne sont pas en union soient plus exposés aux décès pourrait s’expliquer par le fait que la société n’accepte pas les naissances hors mariage et dispose des coutumes facilitant les remariages pour les femmes divorcées ou veuves. Ce faisant, toute femmes qui s’écarte de ces normes pourrait se voire rejetée par son entourage et par conséquent se retrouver isolée dans toute chose pour le reste de sa vie. Du cout, on s’attendrait à ce que sont enfant soit très exposé au décès.
Nous ne saurions se prononcer sur l’échec ou la réussite des programmes de développement et de planifications familiales qui ont été mis en oeuvre avant cette étude dans la mesure ou nous n’avons pas d’informations sur leur situation de référence, mais une chose reste vraie, c’est que le niveau de vie des ménages, l’occupation de la femme, l’âge au premier accouchement et l’intervalle inter-génésique sont des variables clefs pour sauver nos enfants qui meurent beaucoup actuellement au Sénégal. Nous sommes d’avis avec Javier P de Cuellar qui disait au ’Forum du Peuple’ de 1985, que: «Le décès d’un enfant quand celui-ci est évitable est une blâme qui s’adresse à l’ensemble de l’humanité»(2).
2 Javier P de Cuellar(25 octobre 1985),’Forum du Peuple’