La Cote d‘Ivoire compte actuellement environ 20 millions d‘habitants implantés surtout dans la moitié sud, dont 3 millions à Abidjan. Il est peuplé de 60 ethnies, plus les étrangers, évalués à 26% de la population totale(107)comme il a été évoqué antérieurement.
Dix ans après la mort du président Félix Houphouët-Boigny, on a vu resurgir, avec le débat sur l’Ivoirité, une revendication nationaliste occultée par l’Houphouëtisme. Ce concept censé reconstruire une identité nationale a été interprété et utilisé à des fins diverses par les hommes politiques et a créé ainsi un sentiment d’exclusion et de marginalisation progressive de certains groupes.
L‘interprétation politique d‘Ivoirité confère ainsi une connotation explicitement nationale à ces sentiments anti-immigrants et proclame les droits individuels du citoyen ivoirien, par rapport à ceux de la population immigrante.
De plus, le défaut d‘application des différentes législations sur la nationalité (Codes de nationalité de 1960, de 1972 et de 2004), l‘arrêt de la production des cartes d‘identité nationale depuis l‘an 2000 ou le manque de leur diffusion parmi la population ont créé des problèmes d‘identification, source de méfiance et de tension. Le problème d‘identification qui s‘exprime en termes de reconnaissance ou non de l‘appartenance d‘un individu à une communauté ou un groupe social donné, ou alors de la négation de son identité pour diverses raisons, est en effet intrinsèquement lié aux questions de la participation citoyenne et d‘accès à la propriété, donc aux facteurs de production ou aux services sociaux de base.
Ceci a entraîné l‘infiltration d‘une forte tension dans tout le tissu social. Non seulement les étrangers sont accusés d‘accaparer les emplois dévolus aux Ivoiriens, mais tant les étrangers que les ressortissants aux patronymes « nordiques » deviennent l‘objet de tracasseries policières routinières.
En témoigne, l‘Accord de Paix d‘Ouagadougou(APO) du 4 mars 2007(108) qui stipule que le « défaut d‘une identification claire et cohérente, de même que l‘absence de pièces administratives uniques attestant l‘identité et la nationalité des individus constituent une source de conflits ».
Ci-après les défis et principaux obstacles relevés par notre analyse :
• Les conflits entre les autochtones et les migrants :
Ces conflits dont les parties proviennent de groupes ethniques différents (généralement un groupe de souche –les autochtones– contre un groupe d‘étrangers –les allogènes– ou de migrants internes –les allochtones), risquent davantage de dégénérer en actes violents.
En effet, pour convaincre les autochtones de céder leurs terres arables à la population migrante, le gouvernement avait choisi de ne pas introduire de système structuré et réglementé de transfert de propriété des terres mais de se baser sur le système très informel de tutorat, qui reste la norme acceptée. Dans ce système, les premiers propriétaires de la terre, les autochtones, accordent aux migrants, allochtones ou allogènes, l‘accès à l‘usufruit d‘un lopin de terre, mais sans leur céder formellement le droit de propriété sur cette terre. La base de ces conflits est que ces autochtones deviennent alors les dits « tuteurs » des migrants, qui ont l‘obligation morale de leur fournir une forme de rémunération à titre d‘échange contre la faveur.
• L‘identification générale des populations : Le manque d‘une identification générale des populations se traduit par (i) l‘absence de déclaration à l‘état civil, (ii) la remise en question de l‘existence juridique des populations concernées et de leur allégeance à un Etat, (ii) contraintes de l‘exercice de la libre circulation et de certains droits civils, politiques, sociaux et économiques.
• Faible taux d‘enregistrement des naissances dans plusieurs zones :Ceci risque d‘alimenter les conflits liés à l‘identification de citoyens et l’incapacité de la société à leur donner une éducation.
107 Banque Mondiale.- Gouvernance locale et crise nationale en Côte d‘Ivoire, Version préliminaire.- avril 2008 ; Revue du DSRP-I, MEMPD, juin 2008
108 République de la Cote d‘Ivoire.- Accord Politique d‘Ouagadougou.- 04 Mars 2007, Page16
Page suivante : 3.1.3 Le secteur de la sécurité, le désarmement, la démobilisation et la réinsertion