Une des conditions de la commémoration est la « nécessité d’une mémorisation matérielle. Il faut la réalité d’un enregistrement afin que l’oubli ne soit qu’un enfouissement et non une disparition pure et simple »(122). Dans le cas du web-documentaire, l’image et le texte sont les supports de la commémoration. C’est à travers les entités visuels et textuels que se construit le processus de mémorisation. Nous avons constaté que le lien entre l’image et le texte est essentiel dans le webdocumentaire historique. Ils sont le support matériel de la mémoire car essentiels à l’intellection. Le web-documentaire, de par sa structure tabulaire, permet à l’internaute d’analyser à volonté les données, les contenus. Le fait de maîtriser la lecture permet une meilleure mémorisation car l’internaute est en mesure d’imposer un rythme adapté à ses capacités de compréhension. D’autant plus que les documents d’archive font sens dans le processus de lecture. Ils ont un impact sur le lecteur puisqu’ils incarnent une période, un événement, une personne. Cette incarnation est nécessaire à l’engagement intellectuel de l’internaute. L’image est dotée d’une force d’incarnation exceptionnelle. Dans l’article Rhétorique de l’image, R. Barthes évoque l’une des caractéristiques de la photographie qui engage « une révolution anthropologique dans l’histoire de l’homme car le type de conscience que [la photographie] implique est véritablement sans précédent; la photographie installe en fait, non pas une conscience de l’être-là de la chose (que toute copie pourrait provoquer), mais une conscience de l’avoir-été-là »(123). C’est sur cette conscience de l’avoir-été-là que repose la démarche commémorative. Un lien matériel est tissé entre le présent et le passé. Le web-documentaire historique est cette conscience là du fait de sa dimension visuelle notamment.
L’image a un pouvoir de sacralisation. C’est d’autant plus le cas de l’image d’archive. Le webdocumentaire joue sur le fait que le souvenir s’appuie sur l’image (mentale ou matérielle). L’intérêt du webdoc historique réside également dans la manière dont il met en scène le souvenir. Le processus même de remémoration est mis en abîme par le biais du truchement de l’image. Nous pouvons citer un cas précis : Adieu Camarades. Cet exemple est extrêmement significatif de notre constat et de la manière dont le souvenir est mis en scène dans le webdoc historique. Chaque témoin est mis en scène de manière à ce que l’internaute perçoive, à travers ces gestes, le ton de sa voix et son discours, le processus de remémorisation. Il est face à la caméra et tient dans sa main soit une carte postale soit une photo. C’est à partir de cette photo qu’il se lance dans un récit d’une partie de sa vie passée. L’image active le discours et revitalise le souvenir.
Vidéo d’un témoignage du webdocumentaire Adieu Camarades
Quant à l’internaute, il voit cette image et le témoin à l’écran. C’est à travers le récit et l’image présente que va se construire soit un phénomène de remémorisation soit d’intellection. D’autant plus que se superpose parfois à ce récit des images animées d’archive. Ces images ne servent en aucun cas le processus de remémorisation du témoin mais bien celui de l’internaute. Il s’agit d’un procédé récurrent dans les webdocs historiques.
122 ATLAN, Henri et MORIN, Edgar, Sélection, réjection op cit.
123 BARTHES, Rolland, Rhétorique de l’image, in Communication, 4, 1964, p.47
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