Au niveau institutionnel et administratif, la crise aura créé un environnement conduisant à une baisse de rendement des services publics. Les institutions fondant l‘Etat de droit telle la justice étaient fortement critiquées par les populations pour leurs dysfonctionnements. La prolifération des armes de guerre avait contribué à la dégradation de la sécurité(114).
D‘une part, l‘absence ou la présence quasi perceptible de l‘administration publique dans la partie ex-assiégée du pays, avait occasionné la mise en place d‘une administration et d‘une économie parallèles, alors que les services publics dans la zone sud avaient subi une forte pression face au flux massif des populations.
D‘autre part, la machine administrative ivoirienne avait été “grippée” par les pillages durant la crise postélectorale(115).
Bien qu‘un grand nombre de travailleurs aient répondu à l’appel en se rendant à leurs différents services après la chute du président Gbagbo, le constat sur les lieux de travail se voulait plutôt triste d’autant que les locaux se trouvaient pour la plupart dans un état de désolation.
Les nombreux pillages qui avaient précédé pour certains et suivi pour d’autres la capture de M. Gbagbo, avaient “grippé” la machine administrative ivoirienne.
Lors d’une tournée organisé du le week-end du 22 au 25 Avril 2011 dans les locaux de certaines institutions du pays, le secrétaire général de la présidence et ministre d’Etat du gouvernement Ouattara, Lanciné Gon Coulibaly, avait fait un état des lieux les plus bouleversants.
Les locaux non fonctionnels : La présidence de la république, la primature (bureaux du premier ministre) et les ministères avaient été littéralement pillés. Les vandales qui avaient mis sens dessus dessous les bureaux avaient emporté les ordinateurs, des climatiseurs, des meubles et des véhicules. Les coffres forts de ces institutions n’avaient pas été épargnés.
Le ministre Gon Coulibaly avait à l’issue de sa tournée lancé un message invitant les personnes en possession des véhicules administratifs pris dans le parking au sous-sol de la présidence, à les ramener dans un délai raisonnable.
Les services administratifs décentralisés situés dans le quartier administratif du Plateau et ceux de certains autres quartiers tels que Cocody et Yopougon avaient subi aussi la furie des pillards.
C’est l’exemple du Bureau National d’Etudes Techniques pour De développement (BNETD) à Cocody et de l’Agence de la caisse nationale de la prévoyance sociale (CNPS) dans le quartier de Yopougon, qui avaient été laissés dans un état lamentable et méconnaissable par les pillards.
Selon un sous-directeur au ministère de l’Economie et des Finances, Patrice Edoukou, de nombreuses données informatiques avaient été mises hors d’usage par les quidams.
“On a assisté parfois à une destruction des éléments permettant le fonctionnement normal de l’administration. Même si les employés sont présents au service, la reconstitution des fichiers et documents électroniques de gestion est difficile et cela risque de prendre un peu de temps”, avait estimé M. Edoukou.
Les policiers et gendarmes à qui il avait été demandé de regagner leurs services en vue de la reprise du travail de sécurisation étaient aussi confrontés à ce même scénario.
La plupart des commissariats de la ville d’Abidjan et même de certaines villes de l’intérieur du pays comme San Pedro avaient été saccagés, les armes et autres matériels avaient été emportés.
Cette situation ne s’avérait pas ainsi facile pour les policiers et gendarmes qui devraient remplacer les soldats appelés à regagner les casernes, signe d’une normalisation effective.
Le temps pour la normalisation : En dépit de la volonté de nombreuses personnes de reprendre leurs fonctions pour s’inscrire dans la mouvance de la reprise, un temps devrait alors être accordé à la normalisation.
Pour certains observateurs, ces difficultés allaient de manière inévitable retarder l’exécution du programme de gouvernement du président élu Alassane Ouattara qui avait promis de faire de la Côte d’Ivoire un pays moderne et modèle en l’espace de cinq ans.
“Il faut réhabiliter ou reconstruire tout ce qui a été abîmé. Cela va prendre plusieurs mois. Il faut acquérir de nouveaux véhicules pour les agents en charge de la sécurité et pour les services de l’Etat. Cela aussi se fera sur une certaine durée”, avait estimé l’un d’eux.
L’impact sur le programme présidentiel : De l’avis de celui-ci, après la phase de restauration et de l’approvisionnement en matériels et en produits, une autre phase tout aussi importante qu’est la cohésion nationale devrait suivre, et pourrait modifier sur le plan du calendrier “le programme d’action” de M. Ouattara.
En attendant, le gouvernement Ouattara s’attelait à tout mettre en oeuvre pour que le pays sorte de sa torpeur et retrouve son animation d’antan.
Les activités avaient ainsi repris lentement, avec l’espoir d’atteindre dans les temps à venir une vitesse de croisière, pour tourner de manière sûre la page de la crise postélectorale ivoirienne.
La Côte d’Ivoire avait abordé un nouveau virage de son histoire sociopolitique avec l’arrestation le 11 avril du président sortant ivoirien Laurent Gbagbo par les forces pro-Ouattara soutenues par les casques bleus de l’ONU et la force française Licorne.
La crise postélectorale ivoirienne avait opposé durant plus de quatre mois Laurent Gbagbo, investi président par le Conseil constitutionnel, à Alassane Ouattara, déclaré élu par la Commission électorale ivoirienne (CEI) et reconnu par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine (UA) et l’ONU.
Le conflit jalonné par des violences meurtrières avait fait plus d’un millier de morts depuis la mi-décembre 2010, selon l’ONU.
114 Voir à ce sujet l‘annexe 1 et 2 sur la chronologie des crimes et faits marquant la période sous étude.
115 Xinhuanet (Chine) – 27/04/11