La Commission Européenne s’est retrouvée dans une difficile position où elle devait maintenir son rôle de gardien des traités et des règles applicables aux aides d’état, dans un contexte de pressions politiques extrêmement intense. Les compromis étaient inévitables, et se sont traduits dans une action pragmatique : articuler des principes fermes avec une approche flexible des règles substantielles, et une approche encore plus souple des règles procédurales.
Cependant, l’approche qui consiste à autoriser d’abord et analyser ultérieurement (« clear now and asses later » semble avoir un prix (79). Il n’est pas si sûr que les objectifs constamment répétés par la Commission de « flexibilité des procédures » et « fermeté des principes » soient compatibles. La rapidité éclatante dont a fait preuve la Commission a pu compromettre sa capacité à s’engager dans une évaluation en profondeur de la mesure et a fortiori dans une analyse économique rigoureuse telle qu’elle s’y est engagée dans le plan d’action initié en 2005. C’est pourquoi des observateurs affirment que la Commission en exploitant habilement la malléabilité de certains concepts juridiques, comme la proportionnalité ou la nécessité, s’est offerte une large marge d’interprétation afin d’autoriser les aides publiques ; tout en « conservant un vernis de rigueur dans son évaluation » (80).
La Commission, en raison de sa position délicate, ne disposait pas réellement d’autres alternatives : les gouvernements n’auraient probablement pas toléré un délai d’autorisation plus long, c’est ce que soulignent à juste titre deux commentateurs (81):
« [speedy decisions] were necessary and probably the only way to maintain some State aid control during the crisis. A more rigorous approach would have risked being ignored by the Member States…It also did not seem entirely excluded that the Member States would change State aid rules if the Commission does not show some flexibility. »
Faut-il pour autant voir, les mesures autorisées comme le simple résultat de considérations politiques et de solutions pragmatiques, et non comme une application de la règle de droit ? Ce n’est pas la position soutenue par ce mémoire. La Commission a su judicieusement s’appuyer sur les principes établis par les lignes directrices pour imposer sa volonté et limiter les dégâts qu’auraient pu engendrer des mesures de soutien non coordonnées, non contrôlées. Il ne faut pas sous-estimer l’influence de la Commission : les gouvernements n’ont pas ignoré ou contourné les règles communautaires, de même les appels à la suspension du contrôle européen des aides d’état ont été totalement écartés. Mais surtout les faits parlent d’eux même, les gouvernements se sont conformés à la Communication bancaire, ils ont suivi l’obligation de notification et le contenu des interventions étatiques était respectueux des prescriptions fournies par la Commission. Les relations entre les États membre et la Commission n’ont pourtant pas toujours été consensuelles, comme le montrent les difficultés entourant la publication des communications de crise suivantes.
79 WERNER, Phillip, MARINA Maier, « Procedure in Crisis? Overview and Assessment of the Commission’s State Aid Procedure during the Crisis », European State Aid Law Quarterly, volume 2 p.181, 2009.
80 DOLEYS Thomas p.14, op. cit.
81 WERNER, Phillip, MARINA Maier p.182 op. cit.
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