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4) Les nouvelles conditions de travail du journaliste : entre business, sensationnalisme et manque de temps :

« La forme devient ainsi plus importante que le contenu. Ce qui est recherché, c’est l’effet plus que les faits. Cette approche […] crée cependant un effet de sélection de l’information en fonction des besoins du médium. Il en va de même pour la couverture médiatique du religieux. »

Alain Bouchard, chargé de cours en sciences religieuses et président du Conseil de la société québécoise pour l’étude des religions.

30 % des journalistes français considèrent que leurs conditions de travail sont insatisfaisantes, et 68 % pensent que l’exercice de leur métier a évolué plutôt négativement (sondage CSA réalisé en 2007, cf. annexe 2).

Des chiffres peu étonnants au regard des évolutions qu’a subi le monde des médias ces dernières décennies. Dominés par la télévision, la presse, la radio et le web s’alignent sur les techniques qui ont fait le succès du petit écran. Prégnance de l’image, formats courts et rythmés, etc., les mutations structurelles des médias ont induit une accélération de la production de l’information et par conséquent du temps d’enquête du journaliste.

Tout va plus vite, plus fort et cela souvent au détriment de la qualité. Les professionnels eux-mêmes reconnaissent le phénomène, et aujourd’hui un journaliste sur trois pense que ses pairs font mal leur travail en matière de déontologie et d’éthique (cf. annexe 2).

Ce nouveau siècle a vu naître avec lui des nouvelles pratiques médiatiques.

A ce sujet, Alain Bouchard, spécialiste québécois en sciences religieuses, rapporte une anecdote tout à fait emblématique. Un jour qu’il attend pour une interview dans les bureaux d’une chaîne de télévision, son regard est « attiré par une feuille plastifiée ». Listant les critères attendus d’un bon reportage, le document se présente de la manière suivante :

1. Impact : images significatives et percutantes.
2. Ambiance : son ambiant pour vivre l’émotion.
3. Implication : reporter en action sur le terrain.
4. Histoire : le texte colle aux images.
5. Clarté : langage simple, phrases courtes.

Etonné, Bouchard constate que les apparences, plus que le fond, semblent être prioritaires. En effet, quatre critères sur cinq correspondent à la « mise en scène » de l’information : les images doivent êtres marquantes, l’émotion doit transparaître, le journaliste doit se montrer « en action » comme pour justifier sa légitimité et théâtraliser son travail, enfin le style du texte doit être le plus simpliste possible.

A elle seule, cette vulgaire feuille plastifiée résume les nouvelles conditions de travail des journalistes qui, entre business, sensationnalisme et manque de temps sont tour à tour victimes ou bourreaux de l’information.

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