Les résultats présentés dans cette partie seront discutés par rapport à la réalité des pratiques paysannes. L’analyse porte sur le coût de production représenté par la fonction objective et sur les contraintes techniques que constitue l’utilisation de la main-d’œuvre et des engrais chimiques.
4.2.1. Allocation du facteur travail
PP: Pratique paysanne
OP: Optimum théorique
Figure 1 : Répartition du facteur travail en pratique paysanne et en situation d’optimum théorique (Cas des années 4 à 7)
La figure 1 montre la quantité de main d’œuvre requise pour les opérations en phase de production en pratique paysanne (PP) et en situation d’optimum théorique (OP) pour les années où la plantation est jeune. Ces années sont représentées ici par les années 4 à 7.
Nous voyons à travers cette figure 1 que l’opération de transport suivi de l’opération de désherbage puis de celle de la récolte est plus exigeante en main d’œuvre en caféiculture. Le manque de la main d’œuvre pour ces opérations constituerait une source de perte de récolte et donc de revenu pour les producteurs.
En comparant les quantités de main d’œuvre pour ces opérations en situation paysanne et en situation d’optimum théorique, des remarques suivantes se dégagent :
1. Pratique paysanne correspond à l’optimum théorique, c’est le cas des opérations comme l’application d’engrais qui nécessite 4 hj, du séchage qui nécessite 15 jours de séchage solaire et du transport2 (transport aller-retour maison décortiqueuse).
2. Quantité de main d’œuvre en pratique paysanne inférieure à celle de l’optimum théorique, c’est le cas de l’opération de désherbage, 24 hj (2 passages de désherbage) contre 29hj (pratiquement 3 passages de désherbage), de l’opération d’égourmandage, 3 hj (un passage) contre 7 hj (deux passages), du traitement d’insecticide 3 hj contre 4hj et du transport1 (transport de la récolte du champ à la maison), 60 hj contres 64 hj.
La première explication donnée à cette dernière remarque est que le paysan manquerait de la main d’œuvre pour pouvoir atteindre le seuil optimal. Ce manquement est souvent lié au non disponibilité de la main d’œuvre familiale et au manque de moyen financier pour faire recours à la main d’œuvre salariale.
PP: Pratique Paysanne
OP: Optimum théorique
Figure 2 : Répartition du facteur travail en pratique paysanne et en situation d’optimum théorique (Cas des années 20 – 25)
La figure 2 montre également que pour les années 20-25, dernières années de vie utile de la plantation où les récoltes ne dépassent pas le niveau moyen de la zone (récolte inférieure à 600 kg / ha), la pratique paysanne en terme de répartition de quantité de main d’œuvre entre les opérations est d’une manière générale différente de la situation optimale. Elle diffère de celle de la situation optimale pour les opérations de récolte, de transport1 et de l’égourmandage. Elle correspond pratiquement à celle de la situation optimale pour les autres opérations.
En effet les opérations de traitement insecticide et d’application d’engrais constituent des opérations qui nécessitent de la main d’œuvre qualifiée; ainsi la quantité de main d’œuvre nécessaire pour leurs exécutions est connues et s’impose aux paysans. Cette quantité varie entre 3 et 4 hj quelque soit l’âge de la plantation (figure 1 et figure 2).
En ce qui concerne les opérations de récolte et post récolte, la figure 1 et la figure2 montrent une même situation en termes de comparaison entre la situation en PP et celle de l’OP. La récolte et le transport1 sont les plus exigeantes en main d’œuvre et il est souvent très difficile pour le paysans de mobiliser une quantité suffisante de cette main d’œuvre. Cette difficulté s’exprime à deux niveaux :
– insuffisance de la main d’œuvre familiale
– manque de liquidité pouvant leur permettre de payer au comptant ces opérations.
En effet, selon la pratique paysanne de la zone, les opérations de récolte et post récoltes sont souvent confiées aux manœuvres qui sont rémunérés en nature (par le tiers de la récolte).
Ainsi pour un rendement de 700 kg / ha, la rémunération en espèce s’élève à 145 600 FCFA. La valeur monétaire du second moyen de rémunération est fonction du prix de vente du produit. Ainsi pour un prix de vente égal à 624 FCFA, les deux pratiques de rémunération s’équivalent. Par contre pour un prix inférieur à 624 FCFA, la rémunération en nature se révèle avantageuse pour le producteur. Elle constituerait ainsi un moyen de partage de risque de perte lié au bas prix de vente de la récolte. Ainsi étant donné que ce prix d’achat est souvent bas, en optant pour la rémunération en nature de certaines de ces activités de production, le producteur adopte un comportement jugé ici rentable.
Pour ce qui est du cas des opérations d’entretien dont le désherbage comme principale opération, il a été trouvé que la quantité de main d’œuvre qu’elle demande varie en fonction de l’âge de la plantation et selon que l’on se trouve dans un système où le recépage est pratiqué (figure 3)
Figure 3 : Evolution du besoin en main d’œuvre pour le désherbage en situation optimale
La figure 3 montre que la quantité de main d’œuvre pour le désherbage en situation optimale varie en fonction de chaque type d’année.
Les années 4 à 7 (An4-7) représentent les premières années de production avant le recépage, elles nécessitent en situation d’optimum théorique 29 hj pour le désherbage soit environ trois passages de désherbages par an.
An10-12 ainsi que An15-17, représentent les années de récolte effective après chaque recépage, elles sont caractérisées par des rendements situés au-dessus du rendement moyen de la zone (rendement supérieur à 600 kg / ha), elles nécessitent 21 à 24 hj soit deux passages de désherbage annuel en situation d’optimum théorique.
An9, An14 et an19 représentent les premières années après chaque recépage, elles sont caractérisées par des rendements très faibles (récolte faite sur « tire – sève ») et par un besoin élevé en main d’œuvre pour l’entretien. Ainsi, pour le désherbage, il faut 32 à 33 hj soit trois passages de désherbage par an en situation d’optimum théorique. C’est surtout ces situations observées au cours de ces premières années après le recépage qui constitueraient un frein aux producteurs à opter pour le recépage.
An8, An13 et An18, représentent ici des années de recépage, elles sont caractérisées par des rendements inférieurs au rendement moyen de la zone.
An20-25 représente les dernières années de vie utile de la plantation, elle nécessite que 12 hj soit un passage de désherbage par an. En bref, pour le désherbage (sarclage), principale activité d’entretien en caféiculture, l’optimisation théorique du facteur travail correspondrait aux seuils suivants :
3 désherbages sur plantations de 4 à 7 ans,
2 à 3 désherbages sur plantations de 8 à 19 ans,
1 désherbage sur plantations de 20 à 25 ans.
Soulignons que ces résultats confirment ceux de RUF et RUF (1986) dans leurs travaux de recherches menés en Côte d’Ivoire et au Togo sur les risques de l’intensification en caféiculture. Suivant ces résultats, nous pouvons retenir que l’entretien se valoriserait mieux sur jeunes caféiers. Ceci expliquerait la pratique paysanne selon laquelle les vieilles plantations de café ne sont pas entretenues. Le seul sarclage fait dans quelque rare cas se fait tout juste avant la récolte; ceci dans le but de faciliter la récolte.
Dans un système où le recépage est pratiqué, il a été trouvé que cette opération demande de manière optimale 20 hj.
4.2.2. Allocation du facteur intrant
Les intrants qui sont souvent utilisés en caféiculture sont les engrais chimiques et les insecticides. Dans les pratiques paysannes, l’utilisation des intrants est très négligée. Selon les résultats du modèle, le coût de ces intrants ne compte que pour 20 % environ du coût annuel de production. La dose d’engrais à l’optimum théorique est de 200 kg / ha par an au cours des années 4 à 8 et de 150 kg / ha pour les autres années, contre 100 kg / ha par an en pratique paysanne. Ici également le paysan est en dessous du seuil optimal théorique. La principale raison évoquée est le manque de moyen financier pour s’en approvisionner. Le facteur travail nécessaire pour l’épandage d’engrais selon les résultats du modèle ne pose pas de problème pour le paysan qui utilise jusqu’à 4 hj contre 3 hj en situation d’optimum théorique. La raison selon laquelle le producteur cherche à réduire son risque de perte dû au bas prix d’achat du produit expliquerait aussi valablement le fait qu’il utilise moins l’engrais.
4.2.3. Le coût minimum de production
De notre modèle, il ressort que le coût minimum de production du café sur le plateau Akébou–Akposso s’élève à 5 416 570 FCFA / ha pour les 25 ans de vie utile de la plantation, soit 405,74 FCFA comme coût de production d’un kilo de café marchand. Le coût annuel d’exploitation varie entre 171 280 FCFA et 260 840 FCFA.
Ce coût de production repose essentiellement sur le facteur travail, la part de l’engrais est faible (Figure 4).
Cmot : coût de la main d’œuvre totale
Cint : coût des intrants
Autre coût : autres coûts liés aux amortissements
Figure 4 : Répartition des différents coûts par rapport au coût total annuel
D’une manière générale, le coût de la main d’œuvre représente la plus grande partie du coût total annuel. Il occupe lui seul plus de 60 % du coût total. Ce qui signifie que pour produire une unité de café dans ce système, il faut plus de 60 % du facteur travail, c’est à dire moins de capital que de travail. Cette part importante du facteur travail dans le processus de production fait de ce facteur la principale variable de décision pour les producteurs et de ce système un système qualifié d’intensif en travail. Le besoin en main d’œuvre dans ce système varie entre 134 hj et 210 hj par an et sur un hectare de café.
Le tableau 3 ci–après nous montre une vue générale sur les charges de production durant le cycle de production.
Tableau 3 : Vue générale des charges de production du café
Cumo = coût unitaire de la main d’œuvre
Qtémo = quantité de main d’œuvre