Dans leur document de base, les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Autogérées se veulent être agréées sous forme d’EMF de première catégorie, au sens du règlement 01/02/CEMAC/UMAC/COBAC du 15 Avril 2002. Les CVECA sont des sources de financement ou encore des banques très loin du confort de la modernité des banques classiques comme le montre la photo 2.
Photo 2 : Présentation d’une Caisse Villageoise et de Crédit Autogérée
Après des entretiens semi-structurés avec les responsables de caisses, les membres et la lecture des documents mis à disposition par l’organe faitier du réseau A3C, l’étude a pu identifier les produits suivants : l’épargne, le crédit et l’AFAC
4.3.1. Les produits d’épargne
Les caisses collectent l’épargne individuelle et collective des villageois, la sécurise dans un coffre-fort et la rémunère au moyen des crédits qu’elles octroient localement à ses membres. Chaque CVECA décide des produits à offrir à ses membres en fonction du contexte socio-économique dans lequel elle s’insère.Les produits d’épargne sont généralement des Dépôts A Vue (DAV), les Dépôts A Terme(DAT) et les Plans d’Epargne (PE).
Le DAV constitue une épargne non bloquée, non transformable en crédit et non rémunérée. Les adhérents déposent à vue les sommes qu’ils utiliseront rapidement profitant de la sécurité du coffre-fort. Le retrait peut se faire à chaque jour d’ouverture de la caisse. Le DAT quant à lui constitue une épargne bloquée pendant une période déterminée. Les adhérents mettent de côté en prévision de certaines dépenses spécifiques ou des périodes difficiles. L’argent étant bloqué, la caisse s’en sert pour le transformer en crédit. Il est donc rémunéré. Les durées des DAT sont en général inférieures à 12 mois. Le taux de rémunération de l’épargne se situe autour de 8% /an.Le PE correspond à un contrat par lequel l’épargnant s’engage à verser successivement un certain montant à des intervalles de temps bien précis.
C’est un produit qui a d’abord des valeurs pédagogiques (utiliser des petites sommes versées régulièrement) et qui s’adresse surtout aux femmes qui ont une capacité d’épargne dit-on limitée. Le PE est particulièrement utilisé pour faire des crédits.
L’enquête a permis de ressortir le tableau 14 sur l’enveloppe d’épargne (DAT+DAV+PE) des 6 caisses enquêtées au 31 décembre 2011.
Tableau 14 : Montant de dépôts dans les six caisses enquêtées du réseau A3C pour l’année 2011
Du tableau 14, il ressort que les femmes ont épargné en 2011, 106 374 060 FCFA soit 19,09%, les hommes 255 372 280 FCFA soit 45,82% et les groupes 195 612 985 soit 35,10%.
Notons que cette proportion des montants des femmes pourrait être revue à la hausse puisque les groupes sont essentiellement constitués de femmes avec le produit AFAC. Les hommes représentent une source sûre d’épargne pour les EMF car ils déposent beaucoup plus d’argent en DAT que les femmes soit 30,83% contre 12,71%. Ce qui permet aisément à ces établissements d’octroyer des crédits avec ces fonds. Les femmes par contre préfèrent garder elles même l’argent facilement mobilisable ou encore DAV contrairement aux hommes qui, ayant peur de le consommer à l’immédiat préfèrent le garder à la caisse.
4.3.2. Les produits de crédit
Les crédits de la caisse sont octroyés à partir des ressources internes et parfois externes. Ils sont à court terme avec un taux créditeur de 2,2% /mois.
Les ressources externes(ou refinancement) sont exclusivement de l’organe faitier.
Les ressources internes quant à elles sont constituées :
– Des dépôts à terme et les plans d’épargne des membres ;
– Des fonds propres (frais d’adhésion, report à nouveau, parts proportionnelles, etc…)
Les crédits ont été octroyés de la manière suivante au courant de l’année 2011 comme le montre le tableau 15 dans les six caisses de l’étude.
Tableau 15 : Crédits octroyés par caisse et par sexe
Il ressort du tableau 15 que seulement 26,12% de femmes ont eu accès au crédit en 2011 contre 69,05% d’hommes dans les six caisses visitées ceci rejoint les écrits de Siebrand (2001).
4.3.3. Les AFAC : service destiné aux femmes
Le contexte économique actuel du Cameroun en général et du milieu rural en particulier est fortement marqué par un objectif majeur, celui de lutte contre la pauvreté. Si la pauvreté se définit comme la non satisfaction des besoins et qu’elle se présente en terme d’accès et de contrôle des ressources, l’approche d’intégration du genre comme instrument de lutte contre celle-ci est la mieux indiquée pour prétendre à l’amorce d’un développement durable. Telle est la vision des dirigeants du réseau A3C qui ont vu qu’il était primordial de créer un produit spécifique à la mère de l’humanité qu’est la femme.
C’est ainsi que s’est mis progressivement en place l’Association des Femmes Adhérentes de la CVECA(AFAC) qui tire sa particularité de la caution solidaire de ses membres. Ce sont des femmes inscrites en groupes de dizaines ou plus ; ceci en fonction des caisses et qui ont l’avantage de n’avoir que pour garantie imposée la caution solidaire de leurs membres.
En d’autres termes selon les caisses, ce produit est un moyen d’attraction des réunions encore appelées « ékoan » dans la région du Centre et des tontines de femmes cherchant des nouvelles sources de financement pour leurs membres. Les membres de ces associations font des cotisations journalières et hebdomadaires en fonction de leurs revenus, puis la présidente de ce regroupement fait des versements réguliers à la caisse dans le compte de ladite association. Ces membres peuvent par conséquent prendre de gros crédits sous couvert de la caution solidaire du groupe (de l’épargne préalable du groupe dans la caisse). L’octroi ou la demande de crédit par un membre de l’AFAC doit être unanimement acceptée par le reste des femmes de l’association, mais les remboursements posent beaucoup de problèmes entre l’AFAC et la CVECA. Car le non-paiement à une seule mensualité est automatiquement retranché dans l’épargne du groupe. Soixante-cinq pourcent des membres déclarent avoir eu des démêlés avec leur présidente soit pour le non versement de leur PE comme tel à la CVECA soit pour le blocage de leur épargne à la CVECA pour non remboursement de dette de l’un des membres de l’AFAC.
Il n’est pas à denier les avantages de ce service aux membres, parce que selon les caisses, les AFAC servent énormément à l’auto promotion de la femme ; c’est le cas à la CVCEA d’EBOLAKOUNOU où des femmes membres se réunissent pour la transformation du manioc comme le présente la photo 3.
Photo 3 : Femmes de l’AFAC en plein travail de transformation du manioc
Cette photo, illustre les bienfaits des crédits octroyés aux femmes pour financer une activité de groupe.
Notons enfin que ce service peut être vu comme un service non financier car, il est considéré comme une forme d’accompagnement aux services financiers. Par ailleurs, l’étude a constaté l’existence d’une micro-assurance (assorisque) nouvellement introduite dans les caisses et seulement fonctionnelle dans deux des caisses enquêtées. C’est ainsi que les recherches ne se sont pas appesanties sur ce service et l’ont donc exclu des services financiers offerts par les CVECA et CECA dans le cadre de la présente étude.