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4.4.1 Qui veut la paix prépare la guerre(207)

S‘il y avait des pays où les populations avaient fêté la fin de l‘année 2010 dans l‘angoisse, la Côte d‘Ivoire y figure en bonne place. En effet, la crise postélectorale avait replongé les ivoiriens dans l‘incertitude de lendemains apaisés. Pris en tenaille entre une intervention militaire imminente et les menaces d‘exécution extrajudiciaires qui planaient sur certains citoyens, ils vivaient plus que jamais la peur au ventre.

C‘est dans ce contexte de ni guerre ni paix que le dialogue s‘était poursuivi entre le président Laurent Gbagbo et les trois émissaires de la CEDEAO.
Il ne pouvait en être autrement quand on savait que Yayi Boni, Ernest Koroma et Pidro Pires se rendaient à Abidjan pour inciter le chef de l‘Etat à quitter le pouvoir pendant que celui-ci posait comme préalable la reconnaissance de son élection par ses pairs.

La base de discussion était donc déjà faussée et ne pouvait donner les résultats escomptés dans la mesure où les positions étaient tranchées. Quel consensus pourrait-on avoir à l‘issue de la visite des médiateurs ce lundi 3 janvier 2011, vu que Laurent Gbagbo avait, dans son discours de Nouvel An, réaffirmé qu‘il était et demeurait le président élu de la Côte d‘Ivoire ?

D‘autant plus que les trois émissaires de la CEDEAO avaient été reçus avec un renfort en la personne de Raila Odinga, Premier ministre du Kenya, qui avait dit haut et fort dès le départ qu‘il fallait l‘option militaire pour déloger Laurent Gbagbo du palais présidentiel.

Le choix du Kenyan ne s‘était pas fait au hasard : d‘abord son pays avait connu une crise similaire qui avait connu son dénouement avec la formation d‘un gouvernement d‘union nationale ; ensuite, Raila Odinga épousait les idées de la CEDEAO et pourrait tenir un discours ferme face au locataire du Palais de Cocody, comparativement aux trois chefs d‘Etat, considérés comme plus conciliants.

Mais avec une telle prise de position officielle de va-t-en-guerre, que pouvait bien apporter un Premier ministre face à un président qui ne voulait pas entendre parler de son départ ?

Dans tous les cas, le Kenya n‘est pas la Côte d‘Ivoire et Raila Odinga n‘était pas comparable à Alassane Dramane Ouattara (ADO). De ce fait, un compromis à la kényane avec ADO comme chef du gouvernement de Gbagbo était difficilement envisageable.

En fin de compte, l‘opération militaire que la CEDEAO voulait entreprendre risquait d‘être la solution finale et les chefs d‘état-major des armées affûtaient leurs armes. Certes, la communauté internationale pourrait apporter son soutien financier et logistique à l‘initiative ; mais quel en serait concrètement le mode opératoire ?

Déjà que les coeurs ne battaient pas à l‘unisson au sein de l‘institution sous régionale sur cette question, on se demandait comment l‘intervention armée allait être mise en oeuvre. Et même si elle était menée avec efficacité, on imaginait le bain de sang que cela pouvait engendrer, surtout qu‘il n‘y aurait pas d‘effet de surprise, le camp Gbagbo ne dormant pas sur ses lauriers et se préparant aussi à cette éventualité nuit et jour.
Comme quoi, qui veut la paix, prépare la guerre. Finalement par quel bout fallait-il prendre cette affaire, étant dit que sous toutes ses coutures il y avait des inconvénients ?

Cela dit, il fallait se garder des menaces tous azimuts, qui s‘avéraient inopérantes, pour ne pas se rendre ridicule. Jusque-là en effet, les ultimatums n‘avaient rien donné et Laurent Gbagbo était toujours aux affaires ; pas plus que les appels à la désobéissance civile et à la grève générale des travailleurs, lancés par le président légitime et son Premier ministre, Guillaume Soro. A force de brandir le fouet sans réussir à intimider l‘enfant de Mama, la Communauté internationale et la « République du Golf » se discréditaient et confortaient chaque jour l‘assise et la mainmise de Gbagbo sur le pouvoir.

207 L’Observateur Paalga – 04/01/11

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