Avant de plonger dans l’observation de stratégies/outils d’autonomisation de l’apprenant mis en oeuvre par ces deux méthodes, je voudrais partir d’une conceptualisation de la notion d’Autonomie. « Le concept d’autonomie s’oppose à ceux de dépendance et de contrainte auxquels est lié l’individu privé de sa liberté ou obéissant à une autre loi que la sienne ; “L’autonomie est possible non pas en termes absolus mais en termes relationnels et relatifs” (Morin, 1999, p.145) »(25).
Les deux méthodes analysées dans ce travail semblent accorder un intérêt au développement de l’autonomie chez l’apprenant dans l’acception qui nous intéresse le plus « la capacité de l’apprenant de prendre en charge son apprentissage » (J-P Cuq, 2003, p. 31). La méthode qui accorde un intérêt tout particulier dans son discours de présentation et dans l’ensemble de ses matériels c’est Tout Va Bien 1, laquelle offre des activités qui font les apprenants réfléchir aux stratégies d’apprentissage qu’ils déploient (activité métacognitive). Cette aide méthodologique leur enseigne à observer/ connaître leurs profils d’apprentissage, leur suggère des astuces, enfin leur apprend à apprendre et les rend donc autonomes. C’est dans le traitement relativement systématique des stratégies d’apprentissage (Section « Réfléchissons ! ») et d’autoévaluation où Tout Va Bien 1 accorde une place beaucoup plus importante que Latitudes 1, et d’autres méthodes, au développement de l’autonomie chez l’apprenant, sans perdre de vue la notion de groupe et la dimension collective. Voyons quelques exemples : « Comment mémoriser plus facilement une situation ? (…), commentez avec vos voisins », « Pensez aux nouveaux mots de cette leçon. Comment avez-vous fait pour les mémoriser ? (…) », « Comment faites-vous pour comprendre globalement un dialogue long et complexe ? », « Depuis la Leçon 1, vous avez réalisé beaucoup de dramatisations. Quelle est votre stratégie ? », « Comment procédez-vous quand vous improvisez un dialogue ? ». Cette section faisant de l’apprentissage un contenu à être traité de manière explicite, permet à l’apprenant la mise en oeuvre d’une maîtrise métacognitive sur ses propres compétences et stratégies, ce qui fait penser à la prévision de « temps de retour sur les cheminements » prônée par le CECR (p. 132).
D’autre part, les deux méthodes proposent à l’élève des actions pour s’auto-évaluer avec un accompagnement partiel du professeur, accompagnement qui est encore plus discret dans Tout Va Bien 1. Le Portfolio proposé par Tout Va Bien 1 constitue un outil d’autoévaluation permettant plus d’autonomie, autonomie d’évaluation et d’apprentissage, que les 4 « Autoévaluations » procurées par Latitudes 1. Tout Va Bien 1 offre d’ailleurs un outil pour la co-évaluation qualitative (livre de l’élève p. 56), il s’agit d’une grille pour « apprendre à évaluer la production orale d’autres étudiants » en termes de composantes pragmatiques et linguistiques. Cela permet à l’apprenant de définir ses objectifs et lui apprend à évaluer ses/les acquis.
En outre, Tout Va Bien 1 promeut d’autres pratiques réflexives « qui explicitent, en miroir, le fonctionnement individuel de l’individu, (…) »(26), dans la rubrique Grammaire. La présentation des contenus met l’accent sur les similitudes entre les langues latines et s’appui sur les acquis grammaticaux antérieurs de l’apprenant. Les éléments grammaticaux sont toujours accompagnés d’une réflexion faisant à l’apprenant déduire la règle grammaticale, par exemple : « Observez les verbes suivants. Quelles ont les terminaisons ? ». « Observez les questions suivantes. Que remarquez-vous ? ». « Les adjectifs possessifs ont-ils toujours des formes différentes pour le masculin et pour le féminin ? ».
« La démarche de Latitudes 1 vise à mener l’apprenant vers une autonomisation en le rendant responsable et conscient de son apprentissage » (Livre de l’élève p. 2). Cependant, cette intention de rendre l’apprenant autonome et conscient n’est ni factuelle ni évidente nulle part, et elle reste attachée, même dans le discours de l’Avant-propos du livre, aux possibilités d’autocorrection par le biais du cahier d’exercice, et aux possibilités qu’auront les apprenants d’accomplir éventuellement des « tâches », en agissant en groupe. « Par la tâche les élèves deviennent effectivement actifs et le travail prend sens à leurs yeux. La tâche favorise leur engagement personnel dans l’apprentissage »(27), certes mais tel qu’il a été déjà dit, la notion de « tâche » prônée par le CECR n’a pas été bien intégrée dans cette méthode, et les activités proposées sous l’étiquette de « tâches » ne le sont pas.
25 Pillonel, M., Rouiller, J., « Faire appel à l’auto-évaluation pour développer l’autonomie de l’apprenant »
26 Cuq, J.-P., Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde. Paris, 2003.
27 Ribba, P., « De l’approche communicative à l’approche actionnelle : apports du CECR » (2006).