La lecture de ces événements ivoiriens par de nombreux intellectuels africains en premier lieu, ensuite par un certain nombreux de spécialistes occidentaux de l‘Afrique, reste un peu surprenant. La quasi uniformité de la réaction de la classe pensante en Afrique à ces événements (cette tentation quasi pavlovienne de se situer par opposition à l’occident /communauté internationale), est aussi suspecte que l’unanimité du soutien apporté par les pays occidentaux à Alassane Ouattara. Mais là où il y a seulement suspicion d’inféodation de ce dernier aux intérêts occidentaux, les premiers (intellectuels africains) ont semblé manquer de discernement et de recul, en concentrant leurs forces à la seule dénonciation des inconvénients de l‘ingérence étrangère occidentale. Leur jugement a peut-être été obnubilé par la rancoeur accumulée par des siècles d‘oppression et de mépris que l‘occident a infligé aux peuples colonisés. L‘on ne dira pas que cette soif d‘en découvre pour recouvrer liberté et véritable indépendance ne soit pas légitime, encore faut-il garder suffisamment de sang-froid et de discernement pour l’exercer à bon aloi (c’est à dire de manière appropriée sur le timing et les chances de réussite).
En cette affaire, nombre de tenants de la nouvelle oligarchie intellectuelle africaine, loin d‘incarner la conscience critique et éclairée de la société africaine face aux défis colossaux de la mondialisation et de la mauvaise gouvernance, se sont malheureusement mués en alliés objectifs de politiciens corrompus et souvent sans envergure d‘homme d‘Etat, contribuant à fragiliser les efforts encore balbutiants pour instaurer la démocratie et la bonne gouvernance en Afrique, continent où ces valeurs peinent à s‘enraciner. D‘éminents intellectuels et personnalités africains se sont exprimés lors de cette crise ivoirienne, dont la phase critique a duré 5 mois, entre l‘apparition des premières tendances de résultats du second tour fin novembre 2010 jusqu‘à la chute et la capture de Laurent Gbagbo en avril 2011. C’était un sentiment d‘incompréhension qu‘inspiré les cris de Gaston Kelman : “Où étais-tu (communauté internationale) donc quand Nelson Mandela croupissait dans les geôles de la honte et du racisme …” .
C’est bien la pression de cette même communauté internationale qui a contraint le régime d’apartheid à plier, pendant que dans les manifestations anti-apartheid, on avait peine à trouver un nombre conséquent de manifestants de race noire ! Faut-il rappeler ici que pendant ce temps, la Cote d‘Ivoire d‘Houphouët Boigny, le Gabon d‘Omar Bongo jusqu‘au Zaïre de Mobutu (République démocratique du Congo actuel), des pays bien Africains, collaboraient plus ou moins ouvertement avec le régime de l‘apartheid ? C‘était un sentiment de douleur que l‘on éprouve lorsque sous la plume de Guy-Patrice Lumumba, homme politique congolais, fils du héros panafricain Patrice Émery Lumumba, l‘on lut le 23/12/2010 : “J’affirme mon soutien au combat du président Laurent Gbagbo pour une Afrique libre et indépendante”.
La teneur de nombreux articles publiés sur ce conflit par de nombreux Africains a semblé être plus motivée par l‘obsession de régler son compte à l‘ex puissance coloniale, la France, au point de donner parfois le sentiment que les souffrances endurées par le peuple ivoirien en entier étaient reléguées à un second plan. Non, pas que l‘on ne soit pas d‘accord avec ces auteurs sur les dangers d‘une confrontation armée et sur les risques qu‘une intervention étrangère fait peser sur l‘indépendance et la souveraineté des peuples africains. Le désaccord portait sur le fait que la responsabilité du pourrissement de la situation fut exclusivement attribuée aux puissances étrangères (occidentales), et que les seules responsabilités africaines ne soient que le fait d‘agents africains manipulés par l‘occident. Des acteurs africains ont bel et bien eu leur part de responsabilité majeure en propre, qu‘il convient de reconnaître et d‘assumer. L’anti-impérialisme ne doit pas conduire à rejeter par principe tout ce qui est soutenu par l’occident, au risque de jeter le bébé avec l’eau du bain.
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