Si la preuve des actes de contrefaçon peut être rapportée par tous les moyens du droit
commun(109), le titulaire de droits victime d’actes de contrefaçon aura tout intérêt(110) à utiliser
également la voie d’exception offerte par le Code de la Propriété intellectuelle qu’est la
saisie-contrefaçon(111). Il s’agit bien là d’une voie d’exception venant quelque peu tempérer le
principe français selon lequel il incombe au demandeur de faire la preuve de ses
prétentions(112). Celle-ci lui sera utile pour éviter la carence d’éléments rapportant la preuve de
la matérialité de la contrefaçon, c’est-à-dire de la masse contrefaisante, dans l’optique de
démontrer l’importance du préjudice subi au titre du gain manqué.
Toute personne disposant du droit d’agir en contrefaçon peut demander au TGI compétent,
par requête, l’autorisation de pratiquer la saisie-contrefaçon. Lorsqu’elle est accordée, la
saisie-contrefaçon donne lieu à une saisie description et éventuellement à une saisie réelle, ce
que le magistrat précise.
Dans le cadre d’une saisie description s’accompagnant d’une saisie réelle, la saisie portera sur
un échantillon des objets contrefaisants eux-mêmes mais aussi sur les instruments qui ont
servi à leur fabrication. La question s’est posée de savoir si l’huissier instrumentaire (ou le
commissaire de police) pouvait également saisir des documents commerciaux afin d’établir
l’étendue de la contrefaçon alléguée. Après quelques hésitations(113), la jurisprudence s’est
fixée sur une réponse affirmative à cette question, l’opération de saisie-contrefaçon pouvant
donc porter sur des documents commerciaux, par exemple des documents comptables(114).
L’avantage de cette solution est d’éviter que de telles preuves ne disparaissent par la suite et
éventuellement de faire l’économie du recours à une expertise in fine. Aujourd’hui cette
possibilité ne saurait être remise en question car la loi du 29 octobre 2007 de « lutte contre la
contrefaçon », transposant la directive communautaire du 29 avril 2004 a ajouté aux
« produits ou procédés prétendus contrefaisants » pouvant faire l’objet d’une saisie réelle
« tout document s’y rapportant ».
Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle qui se dit victime d’actes de contrefaçon
trouvera donc dans la saisie-contrefaçon une occasion de se constituer de solides preuves afin
de démontrer son gain manqué : son étendue (évaluation de la masse contrefaisante), le prix
des produits contrefaisants mais également dans une certaine mesure la perte subie, par
exemple la piètre qualité d’un produit contrefaisant pouvant démontrer la dépréciation d’une
marque ou du produit breveté… Une utilisation plus systématique de cette voie permettrait
sans doute d’étayer les demandes de dommages et intérêts et ainsi d’offrir aux magistrats
matière à indemniser.
Le demandeur devra cependant être diligent car la recevabilité de telles preuves est soumise à
un délai pour introduire l’action en contrefaçon à compter de l’exécution de la saisie, soit à
compter de la date figurant sur le procès verbal(115).
109 Cass. civ, 30 mai 1927, Ann. propr. ind. 1928.33.
110 Il y va de l’intérêt du demandeur de la victime en contrefaçon mais cette voie n’est nullement un préalable
obligatoire à l’action en contrefaçon.
111 La loi du 29 octobre 2007 a étendu le champ de la saisie-contrefaçon aux indications géographiques (art 29 de
la loi et art L.722-4 du CPI) et aux produits semi-conducteurs (art 19 de la loi et art L.622-7 du CPI).
112 Selon l’article 1315 du Code civil, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ».
113 De rares décisions avaient répondu à cette question par la négative, par exemple : Bourges, 19 fév. 2001, Ann.
propr. ind. 2001, p. 263.
114 Paris, 6 fév. 2004, Société Diramodic c./ Sté RB Fashion et Toboggan, PIBD 2004, 791-III-461 qui admet que
« la matérialité de la contrefaçon porte nécessairement sur l’étendue de celle-ci ».
115 Ce délai était de quinze jours avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, celle-ci prévoit que le nouveau
délai sera précisé par décret.
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