Lorsqu’il s’agit de la valeur épistémique, le modal can a un rôle particulier. La valeur
fondamentale qu’on lui attribue généralement dans ce cas est la possibilité logique, tout
comme may. Cependant, les différences sont évidentes. Étant donné la trop grande influence
de la valeur radicale de can, à savoir, la capacité, ou la possibilité matérielle, sa valeur de
possibilité logique est normalement incompatible avec un énoncé assertif au présent, où il
faudra utiliser may. Toutefois, dans des assertions négatives ou interrogatives, can
épistémique est possible, car les formes négatives et interrogatives, ou même l’ajout de -ED,
donnent à la possibilité matérielle un caractère théorique, qui la rapproche de la possibilité
logique. Le modal can remonte au vieil anglais cunnan, et à la base indo-européenne gn-, qui
a servi à former le verbe know. Ainsi, l’étymologie contenue dans can correspond au savoir,
qui s’est développé en savoir comment faire (know how to), puis en be able to. La possibilité
matérielle liée au modal aura donc très souvent une influence dans son emploi épistémique,
d’où les confusions fréquentes entre les deux valeurs, voire l’impossibilité de la valeur
épistémique. Can ne permet pas d’exprimer l’équiprobabilité de l’actualisation d’un
événement, car il ignore, non plus légèrement comme dans le cas de may dans les énoncés
assertifs, mais totalement le négatif. Bien que l’incertitude de can concernant un fait soit
toujours présente, elle n’est pas aussi forte qu’avec le modal may, un degré supérieur de
certitude est atteint, d’où son association fréquente avec le modal must (quasi-certitude), dont
il est la forme retenue dans les énoncés négatifs en anglais britannique.
A la différence de may not, la négation ajoutée à can porte sur le modal et non sur l’évènement
(peut-être cela a-t-il une influence sur le fait que la forme contractée mayn’t est beaucoup plus
rare que le courant can’t ?). Par conséquent, la traduction en français de l’énoncé it cannot be
true serait il n’est pas possible que ce soit vrai, par opposition à it may not be true, glosable en
it may be false (il est possible que ce ne soit pas vrai). Au présent, la valeur épistémique de
can(not) est donc principalement la non-possibilité.
1. Pooh! You can’t be silly enough to wish to leave such a splendid place?
2. And Lucky Dick can’t be one of these clever men; he must be less intact, even faintly
destroyed.
Dans ces deux exemples, l’association de can avec l’adverbe not autorise une interprétation
épistémique du modal. En 1, le point d’interrogation renforce l’idée d’hypothèse et d’une
incertitude quant à la réalisation de l’évènement. L’emploi de can’t pour parler de la relation
souligne cependant le fait que l’énonciateur serait un peu étonné d’apprendre le contraire.
L’exemple 2 est pertinent car il montre que la valeur épistémique de can(not) est à rapprocher
de must. Les modaux sont ici placés sur le même plan et ont un degré de certitude par rapport
à l’évènement à peu près similaire. Néanmoins, le fait que can épistémique reste proche de
may lui donne une valeur légèrement plus faible que must.