L’objectif du remplacement du V.C.F. par le V.E. peut être vu, au premier abord, comme un enjeu environnemental.
Effectivement, le V.E. semble tout à fait approprié à l’usage en agglomération et on ne peut qu’être déconcerté devant sa non-généralisation, il y a 15 ans.
Il aurait réduit considérablement les pollutions atmosphériques et sonores en milieu urbain et périurbain.
III-2-a Les deux pollutions majeures urbaines et périurbaines
Il est évident que le V.E. contribue à un environnement urbain et périurbain de meilleure qualité, dans le sens où, à terme, s’il y a substitution des V.C.F. par les V.E., les deux pollutions majeures, que sont la pollution sonore et la pollution atmosphérique locale, seront quasiment annihilées.
Ainsi, il est discernable que solutionner ces deux pollutions majeures, c’est aussi améliorer l’espace de vie des citoyens, c’est vivre dans une ville où l’on respire « moins sale » et où l’agression sonore des moteurs thermiques disparaît (santé humaine).
C’est conséquemment améliorer le cadre de vie très rapidement. On peut donc appréhender ce changement sous un angle purement environnemental, mais il peut s’appréhender sous un angle social où la ville devient plus « vivable ». Une autre conséquence apparaît aussi.
En agissant sur les deux pollutions majeures citadines par cette substitution des V.C.F. par les V.E., on peut vraisemblablement, par la même occasion, contribuer à plus de déplacements en mode doux.
Le V.E. ne sera pas simplement un remplacement de la voiture par la voiture. Il ne résoudra pas les problèmes de places et d’engorgement des voiries c’est certain mais il pourra inciter à se déplacer à pied, en patins, en trottinette, à vélo ou à promener ses enfants en poussette et plus généralement à adhérer aux modes doux, dans une ville où les gaz d’échappement et où les agressions sonores des moteurs de V.C.F. (véhicules particuliers, utilitaires ou deux-roues) auront quasiment disparu.
Bien sûr, cette assertion demanderait une étude précise dans laquelle, il serait fort intéressant de quantifier la part de la population citadine ou périurbaine qui « refuse » les déplacements en modes doux à cause d’une atmosphère locale dont l’air est vicié et hautement nuisible à la santé (nous le verrons dans les enjeux de santé publique) ou bien à cause de gênes sonores ou olfactives.
On pourrait prendre en compte dans cette étude d’autres éléments, qui peuvent contribuer à l’adhésion aux déplacements en mode doux, comme par exemple, la présence de douches dans les entreprises ou de véritables pistes cyclables comme on peut en trouver en Suisse.
Mais le lien entre accroissement des déplacements en mode doux et confort sonore et absence de gaz d’échappement est à approfondir.
Une autre dimension sociale se manifeste dans cet enjeu environnemental. En effet, qu’en est-il des citoyens qui n’ont pas d’autres choix que de marcher en ville, ou faire de la bicyclette pour des raisons économiques et donc subir continuellement les pollutions atmosphériques locales et leurs conséquences délétères?
Ici, la substitution du V.C.F. par le V.E., si elle ne résout pas directement la dimension sociale abordée précédemment, apporte incontestablement une réponse immédiate à cet enjeu environnemental, pour les adeptes des déplacements en mode doux par obligation ou par choix.
Soulignons d’ailleurs, que le V.E., s’inscrit complètement, comme nous l’avons abordé dans la partie précédente, dans la chaîne des déplacements modaux et apparaît comme un maillon « propre » dans les trajets domicile -> travail et contribue encore ici à la diminution des pollutions atmosphériques locales et sonores pour ce type de trajets plutôt périurbains.
III-2-b Les véhicules à carburant fossile et les gaz à effet de serre (CO2,…)
Avec la substitution du V.C.F. par le V.E., l’enjeu environnemental s’appréhende non seulement à l’échelle locale mais aussi à une échelle beaucoup plus large.
Le schéma, ci-dessous, illustre assez bien la responsabilité des V.C.F. dans les gaz à effet de serre (GES), mais aussi, la croissance de leur contribution aux GES (+ 23%) entre 1990 et 2004. (Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et Ministère de l’écologie et du développement durable, 2006, p.14).
UTCF : Utilisation des terres, leur changement et la forêt
Et nous n’oublierons pas de mettre en exergue que sur cette même période, le lancement du V.E. en France, est arrêté en plein démarrage !
Même si, sur le schéma précédent, la contribution des V.C.F. aux GES est simplement mais clairement exprimée. Une étude plus fouillée (Verdon, Varnaison-Revolle, Lebondidier.et Verry, 2008, p.15) sur ce thème souligne qu’en France, les transports contribuent à 27 % des émissions de GES dont plus de 90% sont dues au transport routier.
Le tableau ci-dessous, issu de cette même étude (Verdon et al., 2008, p.15) synthétise non seulement ce constat mais fait apparaître par des chiffres plus précis la part croissante des transports routiers dans les émissions de GES.
Dans le tableau, page suivante, toujours issu du même document (Verdon et al.,2008, p.17), on note la part prépondérante du transport individuel en voiture dans la contribution au GES, mais on remarque aussi la part non-négligeable des transports de marchandises, qui en milieu urbain et périurbain se traduisent par plus de véhicules utilitaires.
Verdon et al. (2008) soulignent d’ailleurs que « L’observation de la circulation routière permet de compléter l’analyse. Elle montre que si la circulation des voitures particulières a bien atteint un palier, celle des poids lourds surtout celle des véhicules utilitaires légers sont toujours en croissance. Les véhicules utilitaires légers sont de plus en plus utilisés, d’une part par les particuliers pour leurs déplacements personnels et d’autre part pour la logistique urbaine en remplacement de poids lourds.
La circulation des deux-roues motorisés connaît elle aussi, depuis 1998, une croissance soutenue (+ 50 % entre 1998 et 2005) […]. Les progrès technologiques réalisés depuis 1990 concernent principalement la voiture particulière (baisse de consommation unitaire de 16 % entre 1990 et 2005). Mais les véhicules utilitaires légers et les poids lourds n’ont pas bénéficié des mêmes évolutions et cela grève le bilan des émissions de gaz à effet de serre du transport routier. La part des émissions de ces véhicules est passée de 40,6 % en 1990 à 44,2 % en 2005. Il y a donc là un enjeu technologique important. » (p.15-17).
Il est nul besoin d’ajouter quoi que ce soit à cette citation, si ce n’est que la substitution du V.C.F. par le V.E. s’impose comme la solution immédiate, car il paraît extrêmement difficile d’arrêter la circulation des VCF dès « demain » en France, sans période et solution de transition !
III-2-c D’autres impacts environnementaux mais difficiles à cerner…
III-2-c-1 La production d’énergie…
Lorsque l’on aborde l’utilisation du V.E. ou du V.C.F., on aborde conséquemment la problématique de la production d’énergie. Il s’avère alors nécessaire d’analyser le mode de production de l’énergie nécessaire à la locomotion et, bien sûr, de ses conséquences environnementales à la fois pour un V.C.F. et un V.E..
De l’extraction du pétrole à la goutte d’essence des V.C.F. ou à la production d’électricité pour les V.E., le tout ramené au kilomètre parcouru, quel serait le modèle le plus dommageable pour l’environnement ?
Ce point « énergie/environnement », ramené au kilomètre parcouru pour un V.C.F. ou un V.E., mériterait aussi une étude approfondie en y intégrant les impacts connexes.
On pourrait, par exemple, reprocher au V.E. le mode de production de l’énergie électrique (centrale nucléaire, centrale thermique à énergie fossile, production à partir d’énergies renouvelables, etc.) dont il a besoin.
Cependant, en ce qui concerne l’Europe, dans la mesure où L’Union Européenne pousse à s’affranchir des modes de production d’électricité basés sur la combustion d’énergie fossile, la substitution des V.C.F. par le V.E. ne peut être que salvatrice face aux GES.
Par exemple, en France, la production de l’énergie électrique ne génère que, selon EDF, moins de 50 g/kWh (www.entreprises.edf.fr/accueil-102002.html).
Mais que prennent vraiment en compte ces 50 g/kWh ?
Toutefois si nous nous orientons vers le développement mondial du V.E., il convient alors de produire de l’énergie électrique pour alimenter toutes ces batteries de traction.
Or, la production d’énergie électrique repose au niveau mondial, plus sur le charbon et le pétrole que le nucléaire ou les énergies renouvelables.
Nous n’aborderons pas le sujet d’exploitation des énergies renouvelables ou nonrenouvelables au regard du développement durable qui demande à lui-seul une étude complète.
Cependant, nous pouvons souligner que selon les options de sources de production choisies, l’impact environnemental, mais aussi social et économique sera bien évidemment différent.
Produire de l’électricité à base, par exemple, de charbon, nucléaire, éolien ou hydroélectrique n’aura certainement pas le même impact quant à la problématique du réchauffement climatique et donc des GES…
III-2-c-2 Petit aparté sur l’électricité « nucléaire » …
Il me semble toutefois important d’attirer l’attention du lecteur sur la production d’électricité basée sur l’énergie nucléaire.
Si cette production d’électricité « nucléaire », hormis en France, a été, pendant quelques lustres, délaissée, elle semble aujourd’hui retrouver les faveurs de nombreux pays, notamment au regard de la problématique du réchauffement climatique et donc des GES.
Cependant, ce nouvel engouement occulte quelque peu la problématique non résolue de la dangerosité d’utilisation de cette source d’énergie, des contraintes de sécurité technique et politique qui l’entourent mais aussi de la gestion des déchets radioactifs, de leur stockage et de leurs effets délétères.
Si le nucléaire apparaît, au regard de l’émission des GES, comme une solution relative, il conviendra aussi d’étudier cette source d’énergie sous l’angle du développement durable.
Les enjeux économiques et politiques sont autant à considérer que les enjeux sociaux, de santé publique et environnementaux.
De nombreuses questions peuvent alors nous interpeller car les ressources en uranium ne sont pas renouvelables, un accident de type Tchernobyl peut se reproduire et que se passerait-il si une démocratie fragile accède à cette énergie et qu’elle devient une dictature belliqueuse ?
Si cette problématique dépasse la nôtre, il m’a semblé nécessaire de la soulever car elle est aussi connexe au V.E.
III-2-c-3 Le véhicule électrique : plus d’électricité à produire ?
Certains estiment que le V.E. demandera des capacités supplémentaires de production électrique non négligeables.
A ces « rumeurs », et en ce qui concerne les pays dit « développés », mes entretiens au Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) à Grenoble, m’ont apporté deux éclaircissements :
– la consommation électrique annuelle d’un V.E., correspond à la consommation d’un chauffe-eau électrique utilisé pour une famille de 4 personnes sur une année.
Si le chauffe-eau électrique est remplacé par un chauffe-eau solaire, si cette famille s’équipe d’un V.E., sa consommation électrique n’augmentera pas. Les structures de productions électriques supplémentaires et nécessaires annoncées pourront se voir nettement réduites si nous abordons la problématique du V.E. par une approche globale et transversale ;
– la plupart des pays dit « développés », mais aussi « émergents » ou « en voie de développement » ont, a priori, recours à des modes de production électrique basés majoritairement sur la combustion d’énergie fossile et donc émettant des GES.
A priori, même si les véhicules électriques utilisaient de l’énergie électrique produite à partir de centrales à pétrole ou charbon les plus polluantes et si l’on substituait le parc complet de V.C.F. par des V.E., le bilan global serait quand même fort intéressant et en faveur du V.E..
D’ailleurs, une présentation de Renault (constructeur de V.C.F.), qui concerne cette approche du « puits à la roue », tendrait à attester ce dernier point de vue et confirmerait que le V.E. est à préférer au V.C.F. dans tous les cas (voir représentation page suivante).
(source : www.n2m-moveo.com/pdf/Presentation_renault.pdf)
Bien sûr, tous ces éléments demanderaient à être corroborés par des études indépendantes, mais il est notable d’observer que ces résultats sont délivrés par un
constructeur de V.C.F. .
Une dernière remarque me semble aussi intéressante pour contrecarrer la rumeur concernant les nécessaires capacités supplémentaires de production électrique pour le V.E..
Comme la plupart des V.E. « rechargeront » majoritairement la nuit, ils consommeront finalement une partie de la surproduction nocturne actuelle d’énergie électrique. C’est ainsi que ces soi-disant nécessaires capacités supplémentaires de production électrique semblent encore une fois se réduire, en tout cas dans les pays développés.
III-2-c-4 De la matière première au produit fini jusqu’à sa fin…
Pour compléter les enjeux environnementaux, il conviendrait aussi d’évaluer les pollutions générées et comparées de la fabrication jusqu’à la fin de vie (avec recyclage ou sans) d’un V.E. et d’un V.C.F., impacts connexes inclus (santé humaine, faune, flore, bâtiments et matériaux).
Il m’est difficile d’émettre un avis sur cette question qui nécessite, indéniablement, une étude approfondie.
III-2-c-5 L’impact sur la santé humaine, la faune, la flore, les bâtiments…
Finalement, pour traiter et clore, cette sous-partie, il me semble plus pertinent de citer l’extrait d’un document de recherche associant plusieurs disciplines et plusieurs chercheurs qui soulignent toute la complexité liée à l’enjeu environnemental.
C’est ainsi que Nicolas, J.-P., Duprez, F., Durand, S., Poisson F., Aubert P.-L., Chiron M., Crozet Y., Lambert J. (2002) écrivent : « les impacts de la pollution atmosphérique concernent, nous l’avons vu, la santé humaine, les bâtiments, l’agriculture comme les écosystèmes. La diversité des types de polluants émis et des récepteurs potentiels conduit à une extrême complexité des processus à suivre et à décrire, d’autant plus qu’il est nécessaire de jouer avec des échelles géographiques et temporelles très différentes pour faire ressortir les enjeux qui y sont liés.
Les indicateurs de la pollution fournissent une image globalement positive des évolutions, tant au niveau des concentrations mesurées que des émissions estimées, passées et futures. Il reste malgré tout (il restera toujours !) des zones d’incertitudes qui mériteraient d’être mieux éclairées. L’évolution des particules les plus fines, de diamètre inférieur à 1 μm, ainsi que des concentrations d’ozone de fond en constituent deux exemples, bien entendu non exhaustifs.
Il apparaît, compte tenu des connaissances actuelles, que les impacts à long terme sur la santé humaine constituent l’enjeu majeur. Les travaux épidémiologiques dans le domaine peuvent bien entendu être discutés.
Mais compte tenu de leurs résultats et de l’ampleur des risques, il nous semble difficile de ne pas faire jouer le principe de précaution pour les prendre en compte dans les décisions publiques ayant un effet sur la pollution atmosphérique.
Il faut aussi insister sur l’idée que ces enjeux ne sont pas simplement objectivables par des mesures physiques, biologiques ou épidémiologiques des polluants et de leurs impacts. Ils relèvent aussi des représentations collectives des risques environnementaux ainsi que des canaux, plus ou moins formellement institutionnalisés, qui permettent leur expression. Et ces représentations peuvent évoluer au cours du temps, avec l’amélioration des connaissances ». (p.27).
Et ils soulignent aussi que « de réels efforts de communication doivent […] être accomplis pour diffuser les résultats des évaluations socio-économiques et en faire un véritable outil de débat accessible aux décideurs et au public. Le conseil général des Ponts et Chaussées (CGPC) estime que « sans de tels efforts d’ouverture et de dialogue […], le calcul économique risquerait de rester cantonné dans un cercle restreint d’initiés, limitant son influence réelle sur le processus de concertation, de débat public et de décision. » (P91).
Ces dernières citations nous font part explicitement de la complexité à laquelle les chercheurs sont confrontés pour déterminer les impacts de la pollution atmosphérique mais soulignent la nécessité de faire jouer le principe de précaution devant les impacts sur la santé humaine évidents.
Ils mettent aussi en exergue la nécessité de diffuser les informations issues de ces recherches et notamment celles qui abordent les enjeux économiques et sociaux pour contribuer à des prises de décisions politiques en corrélation avec les enjeux de santé publique.
Au regard de ces constats, on perçoit que l’utilisation du V.C.F. est délétère et que sa substitution par le V.E. doit s’imposer logiquement car elle est aussi salvatrice.
Enfin, j’invite le lecteur à s’intéresser à ce riche document écrit par Nicolas et al. (2002).