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A. La complexité du problème du « faible » niveau de qualification des fonctionnaires

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Aux termes de l’article 236-2 de la Constitution haïtienne du 29 mars 1987, actuellement
en vigueur en Haïti, il est spécifié, expresis verbis : « La Fonction publique est une carrière.
Aucun fonctionnaire ne peut être engagé que par voie de concours ou autres conditions
prescrites par la Constitution et par la loi… ».

Pour sa part, le décret portant révision du Statut général de la Fonction publique(32),
précisant les conditions d’accès à la Fonction publique, dispose, respectivement, en ses
articles 50, 51 et 52 : « Le recrutement vise la sélection sur concours des candidats à la
Fonction publique apte à exercer certaines fonctions. » ; « Les concours dans la Fonction
publique peuvent être internes ou externes. Ils sont organisés soit sur épreuve, soit sur titre,
selon la nature des emplois à pourvoir. » ; « Les modalités de concours dans la Fonction
publique sont établies par arrêté du Premier Ministre ».

Par voie de conséquence, il est clair que les conditions d’accès à la Fonction publique sont
juridiquement encadrées en Haïti. De plus, le professeur Enex Jean-Charles rappelle que le
concours, comme mode de recrutement des fonctionnaires, « représente une garantie
fondamentale du principe d’égale admissibilité à la Fonction publique. »(33).

En revanche, entre les prescrits du corpus juridique haïtien relativement à l’accessibilité et
au recrutement des fonctionnaires et les pratiques observées au niveau de l’Administration
publique, la panne n’est pas toujours franchie.

D’abord, dans un pays où la proportion des personnes ayant atteint le niveau universitaire
n’est que de 1.1%(34), il parait évident que les ressources humaines qualifiées soient, en
principe, rares. Qui plus est, le niveau de la quasi-totalité des universités en Haïti ne dépasse
pas la licence générale(35), mis à part le fait que, de surcroît, les cursus offerts par les
différentes facultés ne sont pas toujours actualisés et adaptés aux nouveaux besoins du marché
et de la société en général.

Ensuite, ajouter à tout cela, les pratiques de copinage, pantouflage, militantisme, trafic
d’influence et clientélisme au niveau de l’Administration publique en Haïti. Dans ces
conditions, c’est le cas de le dire, le problème de la qualification des fonctionnaires est, pour
le moins, complexe. Certes, il existe une Ecole nationale d’Administration financière
(ENAF) dont la réouverture n’a eu lieu qu’en octobre 2005 et qui offre surtout un programme
de formation en deux ans de technicien en finances publiques. Néanmoins, cette école dont la
pauvreté du cursus parait évidente et gérée par le Ministère de l’économie et des finances est
amplement insuffisante pour fournir à l’Administration publique des cadres qualifiés avec une
formation adaptée en vue de sa performance malgré le peu de moyens ; ce qui requiert un fort
niveau d’inventivité(36).

De plus, vu la complexité de ce problème, telle que exposée plus haut, même une grande
école de la trempe de l’ENA (Ecole nationale d’Administration) en France ou encore de
l’ENAP (Ecole nationale d’Administration publique) au Canada ne suffirait pas en Haïti,
semble-t-il, pour faire face à cette crise chronique de manque de qualification des agents
publics permanents de l’Etat, puisque le problème est aussi lié à de vieilles pratiques
sociopolitiques et administratives.

En effet, le RNDDH (Réseau national de défense des droits humains), dans un rapport
publié en juillet 2011, intitulé : « (37)Haïti Corruption : Le RNDDH appelle à la fin du
gaspillage et du copinage au sein de l’Administration publique »(38), dénonce, entre autres, la
constance du copinage comme caractéristique de l’Administration publique haïtienne. Le cas
dénoncé ici est celui de parlementaires qui seraient gracieusement rémunérés par le Ministère
de l’intérieur en qualité de « consultants », alors que suivant les prescrits de la Constitution
haïtienne de 1987, le mandat parlementaire est incompatible avec toute autre fonction
rétribuée par l’Etat, nonobstant celle d’enseignant.(39)

D’aucuns pourraient toujours arguer qu’il s’agit ici d’un cas touchant des contractuels.

Cependant, nous devons faire remarquer que ces genres de situation ne sont pas étrangers à la
Fonction publique proprement dite, car les informations sur les places vacantes, donc sur les
concours en vue d’accéder à la Fonction publique ne font pas toujours l’objet de publication.

Cette situation a pour effet de limiter ou de relativiser le but recherché dans l’institution du
concours, par la Constitution, comme mode principal d’accession à la Fonction publique.

Cet ensemble, ajouté au problème de l’attractivité de la Fonction publique et celui de la
fuite des cadres (B), explique, en partie, la complexité de la carence de qualification dans la
Fonction publique.

32 Op. cit.
33 ENEX, Jean-Charles. Manuel de droit administratif haïtien, page 299.
34 Suivant les données statistiques de l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), l’équivalent de
l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) en France. Ces données sont mises à jour
sur le site web de l’IHSI en date du 14 août 2011 et la page est consultée à la même date.
Cf : http://www.ihsi.ht/rgph_resultat_ensemble_education.htm#
35 Bac+4 et mémoire de licence avec soutenance ; ce qui correspond, en grosso modo, au Master 1 français dans
le système LMD.
36 C’est d’ailleurs dans cette optique qu’un programme de maîtrise en Administration publique, baptisé : « Projet
d’appui au renforcement de la gestion publique du pays (PARGEP) a été inauguré, sous le Gouvernement de
Madame Michèle Duvivier Pierre-Louis, au campus universitaire de l’Institut de la francophonie pour la gestion
de la caraïbe (IFGCar) avec l’appui du Gouvernement canadien, via l’ENAP du Québec, en juin 2009.
La note est publiée sur le site web du journal Le Nouvelliste en date du 03 juin 2009. La page est consultée le 10
août 2011.
Cf : http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=70909&PubDate=2009-06-11
37 Curieusement, tous les parlementaires dont les noms ont été cités se sont présentés aux récentes élections sous
la bannière de la plateforme Inite (Unité, en français) de l’ancien président René Préval et du sénateur Joseph
Lambert. Douze d’entre eux ont été réélus. Or, c’est le Gouvernement sous la présidence de René Préval qui est
encore sur place, gérant les affaires courantes, vu que les deux Premiers ministres choisis par le nouveau
Président de la République, Michel Joseph Martelly, n’ont pas été ratifiés par le Parlement.
Cette information a été recueillie sur le site web du journal Le Nouvelliste. Sa substance a été publiée en date du
29 juillet 2011 et nous avons consulté la page le 10 août 2011.
Cf : http://www.lenouvelliste.com/articles.print/1/95458
38 Cf : http://www.rnddh.org/IMG/pdf/RNDDH_CORRUPTION_1.pdf
Pages 1 et suivants. Le lien est consulté le 10 août 2011.
39 Cf : article 129-1 de la Constitution.

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