Tout en rappelant d’emblée que « les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont pris de
l’avance sur la France en ce domaine », le professeur Jean-Marie GOGUE avance que c’est
« à la suite de la promulgation des décrets d’application de la loi organique relative aux lois
de finances, la LOLF, que le terme « culture du résultat » est apparu pour la première fois
dans la Presse ».(108)
Plus loin, le professeur GOGUE avance : « En France, des méthodes de management
directement inspirées de cette « culture du résultat » existent depuis une vingtaine d’années
dans la plupart des grandes entreprises du secteur privé, et même parfois du secteur public.
C’est ainsi qu’on a vu fleurir dans les années 80 des « contrats d’objectifs » et des « primes
de résultat » calquées sur celles des entreprises américaines »(109).
Pour leur part, Stéphanie CHATELAIN-PONROY et Samuel SPONEM tous deux maitres
de conférences au Conservatoire National des Arts et Métiers, « L’un des objectifs principaux
de la LOLF est de faire prendre aux administrations une orientation nouvelle en les incitant à
passer d’une « culture de moyens » à une « culture de résultats ». À travers elle, la France
rejoint donc de nombreux pays de l’OCDE qui ont fait de la gestion par les résultats la pierre
angulaire de leurs systèmes de gestion publique. Cette promotion de la « culture du résultat »
traduit la volonté du législateur d’améliorer l’efficacité (c’est-à-dire la capacité à atteindre
les objectifs fixés) et l’efficience (la capacité à minimiser les ressources employées pour
atteindre les objectifs) de l’État en mettant en oeuvre une gestion axée sur les résultats, c’està-
dire un mode d’administration qui établisse un lien entre la dépense publique et l’atteinte
d’un résultat concret afin de mesurer la performance d’une politique (ou d’un programme).
Le contrôle traditionnel a priori, qui mettait l’accent sur l’approbation des opérations, avant
engagement, par un contrôleur extérieur, est alors remplacé par un contrôle a posteriori sur
les résultats »(110).
En effet, la gestion par la « culture du résultat » suppose à la fois des objectifs, des
moyens et des résultats. Le professeur Annie BARTOLI ajoute que cela implique trois (3)
logiques : une logique d’efficacité, une logique d’efficience et une logique de budgétisation.
C’est ce qu’elle appelle le triangle de la performance ;(111) sachant que « l’efficacité concerne
le rapport entre le résultat obtenu et l’objectif à atteindre »(112), « l’efficience concerne le
rapport entre le résultat obtenu et les moyens engagés »(113) et le troisième volet du triangle de
la performance, c’est-à-dire la budgétisation « qui correspond à une programmation de
moyens au regard d’objectifs, et au suivi de leur application ».(114)
Tenant compte de ce qui précède, nous pouvons affirmer que l’une des difficultés de
l’implémentation de la « culture du résultat » dans la Fonction publique en Haïti réside dans
l’absence de ce « triangle de performance ». Particulièrement, le cadre budgétaire reste
encore de type traditionnel ; il est fondé sur le principe d’une budgétisation par ministères et
par la nature de dépenses, c’est-à-dire en dépenses de personnel et dépenses de
fonctionnement. Par voie de conséquence, il est difficile de lire les moyens financiers
consacrés aux politiques publiques mises en oeuvre et les objectifs poursuivis ; ce qui ne
responsabilisent aussi peu les Fonctionnaires.
En outre, en dépit de l’article 222 de la Constitution disposant que « les procédures
relatives à la préparation du budget et à son exécution sont déterminées par la loi », il
n’existe aucune loi ou texte réglementaire en Haïti organisant la présentation des lois de
finances. Seule la Constitution offre un certain cadre avec évidemment le niveau de généralité
inhérent à une Constitution qui n’a pas en principe vocation à entrer dans les détails.
Ainsi, l’article 111-2 de la Constitution donne l’apanage de l’initiative législative en
matière de lois de finances au Pouvoir Exécutif, tout en spécifiant que les projets présentés à
cet égard doivent être votés d’abord par la Chambre des Députés.
De plus, au niveau du Titre VII de la Constitution traitant des finances publiques, il est
indiqué à l’article 217 : « …L’Exécutif, assisté d’un Conseil départemental, élabore la loi qui
fixe la portion et la nature des revenus attribués aux collectivités territoriales ».
Pour sa part, l’article 223 dispose : « Le contrôle de l’exécution de la loi sur le budget et
sur la comptabilité publique est assuré par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
administratif et par l’office du budget ».
Enfin, l’article 233 est ainsi libellé : « En vue d’exercer un contrôle sérieux et permanent
des dépenses publiques, il est élu au scrutin secret, au début de chaque session ordinaire, une
commission parlementaire de quinze (15) membres dont neuf Députés et six Sénateurs
chargée de rapporter sur la gestion des Ministres pour permettre aux deux Assemblées de
leur donner décharge. Cette commission peut s’adjoindre des spécialistes pour l’aider dans
son contrôle ».
En conséquence de tout ce qui précède, nous pouvons avancer que dans le cadre du
contrôle de l’exécution des dépenses et des recettes de l‘Etat en Haïti, l’accent est mis sur
l’approbation ou la vérification des opérations plutôt que sur le contrôle des résultats ;
d’ailleurs les dépenses ne correspondent pas à des objectifs précis. Or, les lois de finances
sont effectivement plus lisibles et transparentes quand elles associent les dépenses à des
politiques publiques spécifiques ventilées en programmes. Non seulement cela participe de la
lisibilité et de l’efficacité de l’action publique, cela facilite aussi l’implémentation de la
« culture du résultat » dans la Fonction publique, par l’introduction d’indicateurs de
performance.
Il y a donc nécessité de réformer la gestion publique afin de fixer des objectifs à tous les
Fonctionnaires.
Dans le cadre de cette nouvelle gestion axée sur les résultats, chaque dépense
publique correspondra à l’atteinte d’un résultat concret. D’où la possibilité de mesurer, à
l’aide de critères d’évaluation fiables, l’efficacité des politiques publiques mises en oeuvres et
le degré de performance des Fonctionnaires dans la réalisation des objectifs préalablement
fixés.
Un manager public à tête d’un programme a l’obligation de résultat ou tout au moins
l’obligation de rendre compte de sa gestion. Il y va de l’efficience des politiques publiques et
de la responsabilisation des Fonctionnaires.
108 GOGUE, Jean-Marie. « La culture du résultat », 2008, page 2, document libre en format PDF sur Internet et
disponible à partir de l’URL : http://www.fr-deming.org/CultResultat.pdf La page est consultée le 30 août 2011.
109 Idem, page 3.
110 PONROY ; SPONEM. « Culture du résultat et pilotage par les indicateurs dans le secteur public », in
« Management : Enjeux de demain », Bernard Pras (coord.), édition 2009, pages 163 à 171.
111 BARTOLI. « Management dans les organisations publiques », op.cit., page 106.
112 Idem, page 107.
113 Ibidem, page 109.
114 Ibidem, page 111.
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