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B. La culture de la corruption : un phénomène à endiguer

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Il a été démontré dans le chapitre premier de ce travail de recherche académique, que la
corruption fait partie de ce que nous avons appelé les « vieux démons » de l’Administration
publique haïtienne. En fait, parler de culture de la corruption est loin d’être excessif.

Elle a eu tellement le temps de s’enraciner dans les moeurs, voire intériorisée, parce ce que transmise
de génération en génération comme une pédagogie au sein de la Fonction publique qu’elle
devient maintenant une gangrène.

En revanche, pour que la Fonction publique soit efficiente et constitue donc un vecteur de
relégitimation de l’Etat auprès des citoyens, elle doit être saine. L’éradication de la corruption
facilitera le changement du regard peu valorisant porté de l’extérieur sur l’ensemble des
Fonctionnaires à la fois par les citoyens, les acteurs internationaux impliqués dans le
processus de modernisation de la Fonction publique, voire les autorités politiques rappelant à
chaque fois que la situation se présente que la Fonction publique est corrompue jusqu’au cou.

A titre indicatif, nous avons déjà rapporté dans le cadre de ce travail de recherche les propos
du nouveau Président de la République Michel Joseph MARTELLY indiquant qu’un poste
dans la Fonction publique vient avec une paire de menottes.

En définitive, il s’agit d’un phénomène à endiguer à défaut de pouvoir l’annihiler. La
Fonction publique ne peut pas être à la fois efficiente et corrompue. Il s’agit de deux
hypothèses s’excluant mutuellement. Or l’objectif à rechercher dans le cadre du processus de
modernisation de la Fonction publique c’est l’efficience orientée vers la satisfaction des
usagers des services publics offerts par l’Administration. Comment alors responsabiliser les
Fonctionnaires Haïtiens dans un environnement social et comportemental laissant tant de
place à la corruption ?

Puisque la logique de la « culture du résultat » est antinomique à la pédagogie de la
corruption, l’Etat haïtien n’a qu’à mettre en branle les instruments juridiques et les moyens
institutionnels dont il dispose en vue de contrer le phénomène.

En effet, la corruption, sous toutes ses formes, reste et demeure une infraction à la loi
pénale, car la législation pénale haïtienne définit et incrimine l’acte de corruption. Donc les
corrupteurs et les corrompus ne pourront pas tirer l’argument du principe cardinal en droit
pénal « nullum crimen nulla poena sine lege »(115) pour échapper à la justice. En réalité, il
existe tout un arsenal juridique de lutte contre la corruption, de la Constitution de 1987 aux
décrets et lois portant sur la question, en passant par les instruments juridiques internationaux
signés et ratifiés par Haïti et qui engagent donc la responsabilité de l’Etat sur le plan
international.

Les tribunaux ordinaires, de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux
administratif, l’Unité de lutte contre la corruption (ULCC) dont la devise c’est : « Intégrité,
Moralité, Transparence », sont autant de leviers institutionnels dans le cadre de la lutte
contre la corruption.

En fait, l’ULCC est un organisme autonome placé sous la tutelle du Ministère de
l’Economie et des Finances et coiffé par un Conseil d’Administration interministériel présidé
par le Ministre de tutelle, assisté de deux autres Ministres : celui du Ministère de la Justice et
de la Sécurité publique et celui du Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales.
Elle est créée en septembre 2004(116) avec la mission de travailler à combattre la corruption
et ses manifestations sous toutes les formes, au sein de l’Administration publique haïtienne en
particulier et dans la vie publique en général.

L’article 4 du décret portant sa création fixe son mandat :

 «Définir une stratégie de lutte contre la corruption avec une large participation du
secteur public et des organisations de la société civile. Une fois cette stratégie
définie, l’unité doit assurer le suivi de sa mise en application et sa révision selon
l’évolution du contexte économique, financier, social et politique du pays ;

 Compiler les textes relatifs au phénomène de la corruption dans la législation
haïtienne, proposer des amendements et élaborer une loi sur la corruption en vue
de favoriser une meilleure transparence et un bon fonctionnement de
l’Administration publique en général et des agents de la Fonction publique en
particulier ;

 Mettre en place un code d’éthique et proposer un pacte d’intégrité devant
encourager l’engagement des tiers à renoncer à la corruption ou à tout autre
comportement contraire à l’éthique dans les appels d’offres pour marchés publics
et l’exécution des contrats de services ;

 Assurer l’application de la Convention Interaméricaine contre la corruption et
s’attaquer en priorité aux points de corruption les plus décriés, y compris les
contrats portant sur les grands projets d’infrastructures à entreprendre pour le
compte de l’Etat haïtien ;

 Mettre en place un système d’informations intégré et de suivi ainsi qu’un système
d’alerte permanente ».

A la vérité le mandat de l’ULCC parait ambitieux. Toutefois, l’Etat haïtien se devra
aussi de clarifier les normes juridiques et d’être cohérent dans les institutions qu’il met en
place.

Quelle logique préside ce mandat accordé à l’ULCC de proposer des amendements et
d’élaborer une loi sur la corruption, sachant que le Pouvoir Législatif est le seul organe chargé
d’élaborer et de voter la loi en Haïti ? Existe-t-il une harmonisation entre le mandat de
l’ULCC et les compétences de la CSC/CA ?

En effet, la lutte contre la corruption sera efficace dans la mesure où le principe de
l’indépendance du Pouvoir Judicaire prend son plein effet. Il aura fallu aussi mettre à la
disposition de la justice les moyens matériels nécessaires à l’efficacité de son action et traiter
les Juges de telle sorte qu’ils soient « immunisés » contre les convoitises des corrupteurs.

La moralisation de la vie publique ne peut se penser sans la moralisation des
détenteurs de pouvoirs publics ou agissant au nom et pour le compte de la puissance publique,
en l’espèce les Fonctionnaires. Or, l’Etat, peut-il miser sur la morale publique pour contrer le
phénomène de la corruption vieux de plus d’un siècle ?

C’est la clarification et l’harmonisation des règles, des procédures et des institutions
qui pourront générer l’efficacité dans cette bataille contre la corruption et non la création de
structures sinon parallèles du moins non intégrées dans une logique d’ensemble.

115 Pas de crime, pas de peine sans loi.
116 Décret du 08 septembre 2004 portant création d’un organisme autonome à caractère administratif dénommé :
Unité de Lutte contre la Corruption, publié au Moniteur du 13 septembre 2004.

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