La planification sectorielle cible l’action de l’Administration publique. Elle propose des politiques, programmes et normes spécifiques concernant les missions de l’État, et veille à leur application. Elle coiffe donc la gestion de l’offre des services collectifs, s’assure de leur équitable distribution et structure l’entretien des infrastructures et équipements publics(1). Cette planification trouve dans la circonscription provinciale ou préfectorale son relais local. Et ce, du fait que c’est au niveau de cette dernière que s’implantent les différents services des administrations centrales. En effet, cette circonscription apparaît incapable d’assurer une telle coordination entre les politiques ascendantes et les politiques descendantes, et ce, en raison de ses modestes caractéristiques par rapport à la région.
La capacité de la région à construire la dynamique d’un territoire se concrétise par sa capacité de la mobilisation des richesses de ce territoire en vue de la mise en place d’un réseau d’échanges local et de la création d’une synergie entre les secteurs de développement parce que le territoire, en tant que tel, ambitionne à mener à bien une action territoriale « descendante » et à conduire avec réussite un projet « ascendant » mobilisateur(2).
A vrai dire, les politiques sectorielles demeurent inertes dans l’absence d’une plate forme locale, voire d’une faisabilité du territoire pour les accueillir parce qu’elles visent uniquement un secteur donné. Ces politiques, pour être effectives, devraient être intégrées et déclinées au niveau territorial au travers des projets horizontaux et des approches intégrées. Pourtant, la vivacité de ces politiques descendantes est tributaire de sa synthèse et sa combinaison avec celles ascendantes dont l’espace régional est seul habilité à le faire.
Par ailleurs, parmi les reproches adressés à la politique de planification au Maroc se trouve l’absence d’une articulation entre la planification nationale et la planification régionale(3). Or, les actions, aussi bien de l’Etat que des collectivités locales, demeurent sans utilité en l’absence d’une véritable articulation voire harmonisation, car le succès de la politique de planification à plusieurs niveaux, appliquée aux relations entre l’Etat et les collectivités locales, dépend du pouvoir d’organiser concrètement ce processus entre deux extrémités à première vue incompatibles. Face à cette réalité, il serait souhaitable de mettre en place une politique contractuelle fondée sur une option égalitaire de l’exercice du pouvoir économique(4) entre l’Etat et les régions pour assurer une telle harmonisation entre deux démarches dont l’une ascendante et l’autre descendante sur un espace qui s’en trouve au croisement.
En guise de conclusion, on peut admettre que la région, en tant que collectivité décentralisée en plein essor, constitue, aussi bien au Maroc qu’aux autres Etats unitaires, le pari pour remodeler un système politique à mouvement centripète. Les Etats dont l’organisation administrative repose sur la décentralisation territoriale ont tendance à se décentraliser de plus en plus tout en faisant de la région l’entité la plus fiable pour ce mouvement de transformation. Les Etats régionaux ; l’Espagne, l’Italie et la Belgique en constituent des grands témoins.
Le Maroc, et à l’instar de ces pays, ne peut pas rester en isolement en ce qui se produise dans le contexte international. Tout en imitant, dans un premier temps, le système administratif français, il s’est facilement intégré dans la vague de remodélisation des systèmes administratifs. Il a pris de la décentralisation, et plus particulièrement de la collectivité régionale, un point focal pour son changement. Or, ce n’est pas par hasard que la constitution du 30 juillet affirme dans son premier article premier que l’organisation administrative du Royaume repose sur la décentralisation territoriale et la régionalisation avancée. Bien qu’il soit un remède au problème politique, le renforcement du statut de cette entité vise aussi bien la modernisation de l’Etat que la reformulation des rapports entre celui-ci et la région. Ces rapports devraient être bâtis beaucoup plus sur la négociation et la collaboration que sur l’autorité et la subordination. Si les rapports de tutelle sont déjà organisés par le législateur de manière à ce qu’il y ait une collaboration entre l’Etat et les régions, la répartition des compétences constituait un grand labyrinthe. Mais cela n’exclue pas qu’il y ait au fond de cette répartition une tendance coopérative voire collaborative entre l’Etat et la région.
Au demeurant, la planification qui a demeuré pendant longtemps une politique exclusive de l’Etat, sa décentralisation s’impose fortement aujourd’hui. Face à un tel défi, la région apparaît comme un espace propice pour assurer l’harmonisation entre la planification nationale et la planification locale, car elle se trouve au croisement d’une offre descendante des subventions publiques et des besoins spécifiques montants. Pour ce faire, cette collectivité intermédiaire aura besoin des moyens nécessaires.
Quoiqu’elle soit habilitée, grâce à sa personnalité morale, à conclure des contrats, ceux-ci ont demeuré fort ambigus devant l’absence d’un cadre juridique clair à cet effet. Et la doctrine a, à maintes reprises, sollicité l’application des contrats de plan tels qu’ils sont appliqués en France dès 1982 avec un encadrement juridique très limpide. Bien que ces contrats aient changé de l’intitulé à partir de 2006 (contrats de projets 2007-2013), le fond reste le même et le contrat de plan demeure une technique efficace pour résoudre le problème de l’articulation entre la planification régionale et la planification nationale.
1 Planification nationale et planification locale ; réflexions préliminaires, Rapport, MPCE, PNUD, Décembre. 1999
2 M. Dalil, Démocratie participative et développement local, in : REMALD, Série « Thèmes Actuels », n°73, 2011, p. 214
3 T. Zair, op.cit, p. 268
4 Ibid.