Introduction
L’objectif de ce travail étant d’analyser les effets du régime de change sur la croissance économique, il paraît nécessaire de faire une revue des différents concepts qui ont trait aux régimes de change et de leur impact sur la croissance. Ce chapitre est composé de trois sections. La première section passe en revue les différents régimes de change. La deuxième section traite des déterminants du choix des régimes de change. La troisième section porte sur l’effet des régimes de change sur la croissance économique.
I.1 Régimes de change : Définition et classification
Cette section présente la typologie et la classification des régimes de change.
I.1.1 Définition et typologie
Le régime de change se définit comme l’ensemble des règles qui déterminent l’intervention des autorités monétaires sur le marché des changes, et donc le comportement du taux de change. Il existe une grande variété de systèmes de change allant du libre flottement à la fixité extrême. Ces régimes sont généralement regroupés en trois grandes catégories : les régimes de change fixes, les régimes de change intermédiaires et les régimes de change flexibles. La séparation entre ces trois groupes n’est pas toujours évidente (Obstfeld et Rogoff, 1995) dans la mesure où, un même régime intermédiaire peut être considéré suffisamment flexible pour être classé dans les régimes flexibles ou assez rigide pour être classé comme fixe (Frankel,2003).
I.1.1.1 Régime de change fixe
C’est un régime qui suppose la définition d’une parité de référence entre la monnaie d’un pays donné et une devise (ou un panier de devises), sur laquelle la banque centrale s’engage à échanger sa monnaie. La banque centrale doit intervenir sur le marché de change, en achetant ou en vendant de la monnaie nationale, afin de rétablir le cours du change fixé. Les régimes de change fixes comprennent les unions monétaires, les systèmes de dollarisation, les caisses d’émission et les systèmes de change fixes ajustables (Yougbaré, 2009). L’union monétaire est le régime de change le plus strict dans lequel le taux de change des pays membres est fixé de manière irrévocable. Plusieurs pays adoptent une monnaie commune ainsi qu’une banque centrale qui met en œuvre la politique monétaire commune et gère les réserves de change de l’Union. La zone UEMOA constitue un exemple d’union monétaire. Le système de dollarisation est un système dans lequel, un pays adopte la monnaie d’un autre comme sa propre monnaie. La politique monétaire domestique, dans ce cas, est abandonnée aux autorités monétaires du pays de rattachement de la monnaie. C’est l’exemple du Panama et de l’Equateur dont la monnaie est le dollar américain. La caisse d’émission ou « currency board » est un régime de change basé sur un engagement explicite de la banque centrale à convertir la monnaie domestique contre une devise particulière à un taux fixe. La monnaie domestique émise est totalement couverte par des actifs en devises (Frankel, 1999). Un exemple de caisse d’émission est l’Argentine de 1991 à 2001. Dans le régime de change fixe ajustable, l’autorité monétaire fixe une parité d’échange de sa monnaie contre une autre devise ou un panier de devises, mais autorise une bande de fluctuations par rapport à ce cours de référence. Comme exemple, en Hongrie, le forint est fixé par rapport à l’euro avec une marge de fluctuation.
Une caractéristique partagée par tous les régimes de change fixes est qu’ils subordonnent la politique monétaire à la défense de la parité de change. Cette réduction de l’autonomie de la politique monétaire croît avec la fixité du taux de change nominal.
I.1.1.2 Le régime de change flexible
Dans un régime de change flexible, le cours de la monnaie est déterminé librement sur le marché des changes, par l’offre et la demande de devises. Ce système est connu sous le nom de « flottement pur » (Frankel, 1999). Les Banques Centrales n’interviennent pas et laissent le marché s’équilibrer librement selon la loi de l’offre et de la demande indiquent que les modifications du niveau relatif des prix aboutissent à une modification parallèle des taux de change. La politique monétaire retrouve alors son autonomie, mais la Banque Centrale abandonne le contrôle sur l’évolution du cours de change nominal.
I.1.1.3 Régime de change intermédiaire
Entre les deux régimes extrêmes, on trouve les régimes intermédiaires, qui se distinguent selon les fluctuations que la Banque Centrale autorise au tour de la parité de référence et selon la fréquence de réalignements de cette parité. Appartiennent à cette catégorie de régime, la parité glissante et le flottement administré ou géré. Dans le premier cas, le taux de change est fixé périodiquement, soit à taux fixe, soit en réponse aux changements de certaines variables indicatrices, comme le différentiel d’inflation passée par rapport aux principaux partenaires commerciaux. Ce système est souvent connu sous le nom de « glissement passif ou adaptatif ». On trouve également le système de change permettant un ancrage sur les anticipations de prix connu sous le nom « glissement actif ou pré-annoncé ». Cette approche consiste à annoncer le taux de dévaluation à l’avance pour plusieurs mois. Enfin, certains pays ont décidé d’opter pour le « crawling peg à bandes glissantes » qui consiste à maintenir le taux de change dans une bande de fluctuations autour d’une parité centrale qui est elle même modifiée périodiquement. Ces modifications sont d’ampleur relativement faible et visent à éviter ou réduire le désalignement du taux de change (Williamson, 1998)(3) qu’induirait une accumulation des différentiels d’inflation positifs avec le pays d’arrimage.
Dans le régime de flottement administré, les taux de change sont flottants, mais des interventions ponctuelles ou coordonnées des Banques Centrales informent les marchés sur la parité considérée comme souhaitable. Il s’agit d’un « flottement impur ». Cette approche permet aux autorités monétaires d’influencer les mouvements du taux de change à travers une intervention active, sans spécifier ou pré-annoncer une trajectoire pour le taux de change, la Banque Centrale ne s’engageant pas sur un taux de change ciblé.
I.1.2 Classifications des systèmes de change
Les régimes de change sont classés à partir de deux grandes approches : l’approche de jure qui se fonde sur les déclarations des pays et l’approche de facto qui se base sur leurs actions. Différentes approches sont exposées en mettant l’accent sur les avantages et les limites.
I.1.2.1 La classification de jure
La classification des régimes de change est sujette à une large controverse. Placer tel ou tel régime dans une rubrique ou une catégorie donnée s’avère aujourd’hui, même pour des institutions spécialisées telles que le FMI, un des plus grands challenges au niveau empirique (Daly, 2007). Le rapport « Exchange Arrangements and Exchange Restrictions », publié annuellement par le FMI depuis 1950 a constitué la principale source d’information sur les régimes de change. La classification du FMI qui demandait au pays de notifier le régime de change qu’ils mettent en oeuvre comme appartenant à l’une des catégories préalablement définies, est connue sous le nom de classification officielle ou classification de jure. Cette classification a évolué au cours du temps comme le montre le tableau n°1.
Tableau n°1 : Évolution de la classification des régimes de change par la revue « Exchange rate arrangements and Exchange rate Restrictions » du FMI
Source : Reinhart et Rogoff (2002)
Cette classification de jure présente les principaux avantages de couvrir un large panel de pays, d’être automatiquement et fréquemment (tous les trimestres) actualisée et de fournir une base de données historiques consistante, puisqu’elle s’étalait jusqu’au début des années 50. Cependant, elle n’arrive pas à cerner les différences entre ce que clament les pays et ce qu’ils font en réalité. Le FMI a révisé cette classification, à cause des limites et lacunes qu’elle contenait. Ainsi, la nouvelle méthode qui a permis de générer une classification plus réaliste, essaie d’identifier les pratiques réelles en matière de gestion du taux de change par une analyse de données financières et la complète, par une information sur les stratégies de politiques monétaires adoptées par les pays membres et les intentions implicites ou explicites des autorités monétaires. Cette nouvelle classification est constituée de huit rubriques.
Tableau n°2 : Classification des régimes de change par le FMI (depuis 1998)
Source : FMI, rapport annuel : Exchange Rate Arrangement and Exchange Rate Restriction (1999)
I.1.2.2 La classification de Facto
La nouvelle classification de facto des différents pays membres du FMI a enregistré une nette amélioration par rapport à la première classification de jure. Cependant, elle est restée d’une étude empirique relativement limitée et son utilisation a soulevé de sérieux problèmes de mesures. En effet, cette classification considère non seulement des données à fréquences annuelles mais elle ne s’étend que jusqu’au début des années 90, ce qui pourrait biaiser les résultats des investigations empiriques qui se basent sur celle-ci. Partant des limites de cette classification au plan empirique, beaucoup de classifications ont vu le jour (Ghosh et al, 1997 ; Levy-Yeyati et Sturzenegger, 1999 ; Reinhart et Rogoff, 2002 ; Bubula et Ötker-Robe, 2002). Deux classifications de facto, celle de Levy-Yeyati et Sturzenegger (1999) et de Reinhart et Rogoff (2002) sont présentées :
I.1.2.2.1 La classification de Levy-Yeyati et Sturzenegger : LYS (1999)
Levy-Yeyati et Sturzenegger (1999) ont essayé de générer une classification alternative à celle du FMI sur la seule base d’analyses statistiques du comportement du taux de change et de la volatilité des réserves internationales, variables considérées comme indicatrices du degré d’interventionnisme des autorités monétaires. La classification LYS (1999) couvre un large échantillon de 184 pays pour la période 1974-2000 et a généré une nomenclature formée de 5 catégories (tableau 3).
Tableau n°3 : Classification LYS (1999)
Source : Levy-Yeyati et Sturzenegger (1999)
Dans cette classification, les auteurs ont d’abord déterminé les valeurs des trois variables considérées (volatilité du taux de change nominal, volatilité de la variation du taux de change nominal et volatilité des réserves de change) pour chaque année et chaque pays. Ensuite, ils ont regroupé les différentes observations en cinq rubriques : Non concluant, flexible, flottement sale, ancrage glissant et fixe. L’avantage de cette classification est qu’elle utilise les mesures des taux de change à la fois en niveau et en variation pour essayer d’identifier les régimes à ancrage glissant. La classification LYS présente certaines limites puisqu’elle ne couvre que 105 pays parmi tous les pays membres du FMI.
I.1.2.2.2 La classification de Reinhart et Rogoff (2002)
Reinhart et Rogoff (2002) soulignent que la classification des régimes comme flottants, intermédiaires ou fixes est problématique dans le sens ou les fluctuations pourraient être attribuées de façon erronée au régime de change en place. Pour générer leur classification dite « naturelle », les auteurs ont d’abord vérifié l’éventuelle présence d’un marché de change parallèle dans chacun des pays de leur échantillon. Lorsque la présence est révélée, Ils procèdent ensuite à une classification statistique basée sur le pourcentage de variations dans le taux de change nominal et sur la probabilité que le taux de change demeure dans une fourchette de fluctuations déterminée. Enfin, dans le cas où il existe un seul marché de taux de change, la classification est effectuée par une confrontation entre les déclarations du pays et les analyses statistiques du régime de facto.
Tableau n°4 : La classification « naturelle » de Reinhart et Rogoff (2002)
Source : Reinhart et Rogoff (2002)
L’échantillon utilisé par ces auteurs était composé de 153 pays, sur la période 1946-2001. En présentant cette nouvelle classification « naturelle », Reinhart et Rogoff (2002) ont amélioré les méthodes existantes et ont permis de prendre en considération les périodes de sévères perturbations macroéconomiques et en incorporant les taux de change sur les marchés parallèles, pour les pays où il existait un double marché des changes.
I.2 Déterminants du choix des régimes de changes
Durant ces dernières années, le débat sur l’intérêt de trouver des critères appropriés sur lesquels le choix du régime de change se fonde, ne cesse de se renouveler. Daly (2007) développe dans son article, les déterminants du choix du régime de change dans les pays émergents. Il présente quatre de ces déterminants, à savoir : la théorie des zones monétaires optimales ; le triangle d’incompatibilité de Mundell ; le phénomène du péché originel et le syndrome de la peur du flottement.
I.2.1 La théorie de la zone monétaire optimale
La théorie de la zone monétaire optimale (ZMO) a été introduite par Mundell (1961) qui explique dans quelle mesure un groupe de pays a intérêt à former une union monétaire par l’adoption d’une monnaie unique. Cette théorie est vue comme une approche qui essaie de comparer les gains microéconomiques apportés par la fixité du taux de change (élimination des coûts de transaction, baisse de l’incertitude liée aux fluctuations des taux de change, amplification des effets externes positifs) aux coûts qui résultent de l’adhésion à l’union monétaire (abandon du taux de change en tant qu’instrument de stabilisation de la conjoncture et perte de l’autonomie monétaire).
I.2.2 Le triangle d’incompatibilité de Mundell
Le triangle d’incompatibilité a été exposé à l’origine par Mundell (1961) et est connu aujourd’hui sous le nom de « trinité économique ou impossible ». A travers ce triangle, les autorités monétaires d’un pays sont contraintes de choisir entre trois principes attractifs à la fois en tant qu’instruments et objectifs : fixer le taux de change pour les besoins de la stabilité relative des prix, bénéficier d’une libre mobilité des capitaux pour des besoins d’efficience et de flexibilité et jouir d’une autonomie dans la conduite de la politique monétaire pour des besoins de stabilisation macroéconomique.
Graphique n°1 : Triangle d’incompatibilité de Mundell
Source : Daly (2007)
Dans ce triangle, les points A, B et C représentent respectivement l’autarcie financière, l’union monétaire et les changes flottants. Au point A (Autarcie financière), il est possible de concilier changes fixes et objectifs économiques internes si les réserves de change sont suffisantes. Au point B (Union monétaire), la mobilité parfaite des capitaux et les changes fixes interdisent toute autonomie à la politique monétaire. Quant au point C (changes flottants), la mobilité parfaite des capitaux et la flexibilité des taux de change permettent l’indépendance de la politique économique. En résumé, un pays ne peut maintenir simultanément des taux de change fixes et un marché des capitaux ouvert tout en poursuivant une politique monétaire tournée vers les objectifs économiques intérieurs.
I.2.3 Le phénomène du péché originel
Ce terme a été introduit à l’origine par Einchengreen et Hausmann (1999). Il désigne l’incapacité pour un pays en général et les pays émergent en particulier à emprunter à l’extérieur dans leurs propres monnaies. Ainsi, ces pays accumulent des dettes en devises avec d’importantes conséquences sur les politiques macroéconomiques et sur la stabilité financière.
Ce phénomène est considéré aujourd’hui comme l’un des facteurs déterminants du choix du régime de change pour les économies émergentes. La plupart des pays de la CEDEAO sont touchés par le phénomène du péché originel car presque tous leurs emprunts sont effectués en devises étrangères. Ce phénomène amène directement à celui du « currency mismatch » qui est le différentiel de valeur entre actifs et passifs en devises détenues par une économie, et évoluant selon le taux de change. Plus explicitement, lorsqu’un pays dévalue sa monnaie, l’endettement de ses agents en devises, compté en monnaie nationale s’accroît. Ce concept est fortement lié au phénomène de péché originel et est aussi considéré comme un facteur déterminant du choix du régime de change.
I.2.4 le syndrome de la « peur du flottement »
La « peur du flottement » est un phénomène qui part de l’hypothèse bipolaire selon laquelle la plupart des pays ont tendance à opter pour l’un des régimes extrêmes, à savoir : la parité fixe ou le régime flexible. Cependant, très peu de pays laissent leur monnaie flotter librement. Ces pays stabilisent le cours de leur monnaie en intervenant sur le marché des changes et sont même prêts à sacrifier d’autres objectifs comme la stabilité des prix et l’emploi. Dans leur étude, Calvo et Reinhart (2002) constatent que la plupart des pays qui déclarent laisser flotter leur monnaie font le contraire. Les facteurs influençant le choix du régime de change sont synthétisés dans le tableau n°5.
Tableau n°5: Les facteurs influençant le choix du régime de change
Source : Ripoll (2001)
I.3 Littérature des effets du régime de change sur la croissance économique
Il existe une variété de littérature théorico empirique sur l’impact du régime de change sur la croissance économique. La théorie sur la croissance et la littérature sur les régimes de change suggèrent que la nature du régime de change adopté par un pays peut avoir une influence sur la croissance économique de deux manières, soit directement à travers ses effets sur les ajustements aux chocs, soit indirectement via son impact sur d’autres déterminants importants de la croissance économique tels que l’investissement, le commerce extérieur et le développement du secteur financier.
I.3.1 Régimes de change et ajustement économique
La transmission internationale des chocs réels et monétaires à l’économie dépend étroitement du régime de change en vigueur (Baxter et Stockman, 1989). L’effet du régime de change sur la croissance peut intervenir à partir d’un effet sur la vitesse d’ajustement aux chocs qui affectent l’économie. Selon Aizenman (1994), une économie qui s’ajuste plus facilement aux chocs devrait jouir d’une croissance de productivité plus élevée, compte tenu du fait qu’elle tourne en moyenne plus près des limites de sa capacité. Dans ce contexte, Friedman (1953) et Mundell (1960 et 1963) soulignent le caractère primordial du régime de change en matière de politique économique. Friedman (1953) défend le régime de change flexible, en soulignant les effets isolationnistes d’un tel système face aux chocs étrangers. Pour lui, le régime de change fixe est générateur de crises spéculatives et d’instabilité. Toutefois, ses travaux s’inscrivent dans une période de faible mobilité des capitaux. Mundell (1960 ; 1963) démontre que les propriétés isolationnistes diminuent avec l’accroissement de la mobilité du capital. En s’opposant à Friedman (1953) et Mundell (1963), Einchengreen (1998) soutient quant à lui, que le régime de change fixe serait plus approprié lorsque les chocs nominaux domestiques prédominent et les mouvements de capitaux sont libres car il impose une discipline aux politiques économiques intérieures. Dans le prolongement de Friedman (1953) et Mundell (1963), Boyer (1978) montre que la localisation du choc importe peu, seul l’aspect monétaire ou réel influence le choix du régime de change. Ainsi, le régime de change fixe est optimal, si les chocs sont monétaires grâce à une intervention sur le marché des changes et si les chocs sont réels, le régime de change flexible est préconisé. En présence des deux types de chocs leflottement géré est préférable.
Outre ses effets sur le processus d’ajustement aux chocs, la théorie suggère que les régimes de change peuvent influencer la croissance indirectement via certains déterminants importants. Parmi ces déterminants importants de la croissance, on peut citer l’investissement, l’ouverture aux échanges extérieurs et le développement du secteur financier.
I.3.2 Régimes de change et investissement
La littérature sur les déterminants de la croissance a été notamment très développée par Barro et Sala-i-Martin (2003). En ce qui concerne l’impact sur le capital, Aizenman (1994) souligne que le régime de change fixe a tendance à favoriser les investissements grâce à la réduction de l’incertitude liée aux politiques économiques, aux taux d’intérêts réels et à la variabilité du taux de change. Cependant, les taux de change fixes peuvent également entraîner des pressions protectionnistes et réduire l’efficacité d’un stock de capital donné et ce, à cause des déséquilibres durables des taux de change qui affectent l’allocation de l’investissement à travers les secteurs. Quant au régime de change flexible, il favorise généralement une grande incertitude et plus de volatilité du taux de change. L’impact empirique de cette volatilité du taux de change sur l’investissement est ambigu. Ainsi, Goldberg (1993) trouve un impact négatif de la volatilité du taux de change sur l’investissement américain à un niveau peu désagrégé, tandis que Campa et Goldberg (1993) ne trouvent aucun impact. Dans le même sens que Goldberg (1993), Guérin et Lahrèche-Révil (2001) montrent à partir d’une analyse empirique que la volatilité des taux de change réduit l’investissement des pays de l’Union européenne. Pour Bohm et Finke (2001), sans tenir compte du type de régime de change, la volatilité ne peut exercer qu’un effet négligeable sur le niveau des dépenses d’investissement. Dans une analyse transversale de la croissance d’un échantillon de 54 pays en développement, sur les périodes 1970-1980 et 1980-1990, Guillaumont et al (1999) ont montré que l’instabilité des taux de change effectifs réels est un facteur de moindre croissance, parce qu’elle réduit le taux d’investissement et surtout la productivité globale des facteurs .
I.3.3 Régimes de change et commerce international
Les régimes de change peuvent affecter la croissance économique à travers leurs effets sur le volume du commerce international. Selon la théorie du commerce international, la relation négative entre la volatilité du taux de change et les échanges commerciaux repose sur l’aversion au risque (Clark, 1973). Cependant, le relâchement de certaines hypothèses qui sous-tendent cette relation permet de montrer que la volatilité du taux de change peut être bénéfique au commerce international. Ainsi, Franke (1991) explique la faiblesse du lien négatif en partant du fait que les techniques de couverture permettent aux entreprises de réduire le risque de change et la volatilité des taux de change peut créer les conditions propices à des échanges commerciaux et des investissements rentables.
La littérature récente sur le sujet a trait aux répercussions des unions monétaires sur le commerce bilatéral des pays membres. Krugman (1993), à partir de la théorie du cercle vicieux des unions monétaires, montre que les pays de l’union ont tendance à se spécialiser en fonction des avantages comparatifs d’où surviendront les cycles divergents compatibles avec les chocs asymétriques. En s’opposant à Krugman (1993), Rose (2000) trouve que l’utilisation par deux pays d’une monnaie unique accroît leurs échanges. En s’inspirant du modèle utilisé par Rose (2000), Frankel et Rose (2002) montrent que les pays ayant la même monnaie ont tendance à accroître les échanges commerciaux non seulement entre eux mais aussi avec les autres pays. Enfin, Rose (2004) conclut que l’augmentation du volume du commerce bilatéral induite par l’adhésion à une union monétaire est significative et comprise entre 30% et 90%.
Graphique n°2 : La théorie du cercle vertueux des unions monétaires
Source : Auteur, à partir de Frankel et Rose (2002)
L’union douanière, à travers l’augmentation du commerce bilatéral entraîne une synchronisation des cycles et des chocs symétriques.
I.3.4 Régimes de change et développement financier
Il faut noter que le degré de développement du secteur financier est un facteur non négligeable qui joue un rôle important dans le choix du régime de change. Mundell (1963) fut parmi les premiers à exposer succinctement les implications de l’accroissement des flux financiers et de l’intégration des marchés financiers. Il montre que, dans un monde où les capitaux circulent de plus en plus vite, la politique monétaire devient contrainte et s’avère souvent inefficace à influencer les conditions économiques réelles domestiques lorsque le taux de change est fixe.
La monnaie, endogène, s’ajuste alors à l’économie. Cela implique donc une sensibilité accrue de la croissance aux perturbations qui l’affectent. Avec l’intégration de marchés financiers internationaux, les flux de capitaux constituent également un mécanisme de propagation des crises financières et de change et rendent la croissance plus instable (Yougbaré, 2009). Les risques provenant de la finance prennent la forme d’une exposition extérieure en devises.
Cette exposition peut provenir du « péché originel » qui est l’incapacité des pays en développement à emprunter sur le marché financier dans leur propre monnaie.
Aizenman et Hausmann (2000) soutiennent que les gains, découlant de l’adoption d’un régime de change fixe, peuvent être supérieurs pour les économies émergentes que pour les pays industrialisés, en raison du degré de développement de leurs marchés financiers respectifs. Cependant, Chang et Velasco (2000) mettent en garde contre la conjugaison d’un secteur financier sous-développé et d’un taux de change fixe. En se basant sur la typologie de Reinhart et Rogoff (2004), Husain et al (2004) utilisent un échantillon de 158 pays couvrant la période 1970-1999 et concluent qu’en termes de croissance, le choix d’un régime de change dépend essentiellement du niveau du développement économique. Ainsi, pour les pays en développement, la rigidité du régime de change est associée à une inflation moindre mais sans affecter la croissance. En régime de changes flexibles, ces pays affichent une inflation plus élevée mais ne bénéficient pas d’une meilleure croissance. Pour les pays développés, en revanche, les résultats de l’étude semblent suggérer qu’une plus grande flexibilité du taux de change est associée à une inflation moindre et une croissance économique plus élevée. Ceci révèle donc toute l’importance du développement du système financier.
Conclusion
Ce chapitre a permis de montrer que les régimes de change sont constitués de trois grands groupes : les régimes de change fixes, les régimes de change intermédiaires et les régimes de change flexibles ; en outre, il existe deux approches de ces régimes, à savoir l’approche de jure et celle de facto. Il a été présenté la littérature du lien entre régime de change et croissance économique. Certaines études ont montré l’existence du lien, tandis que d’autres trouvent qu’il n’est pas significatif. On passe maintenant aux caractéristiques de la zone CEDEAO au vue de cette revue de littérature.
3 Cité par Yougbaré (2009)
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