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Chapitre III : L’Afrique subsaharienne, entre démocratie et conflits armés

Avril 1885, juin 1990, voici cent cinq ans, cent ans plus cinq que l’Afrique a subi la colonisation, l’indépendance sous toutes ses formes et la guerre froide. Après plus d’un siècle de « domination » par l’occident, le continent s’ouvre à la démocratisation. La conférence France-Afrique de 1990, donne le ton qui rompt avec le lien organique entre la France et ses colonies, longtemps vécues dans trois dimensions principales des sociétés subsahariennes : celles des lignes historiques de l’inégalité sociale, des répertoires culturels autochtones du politique, et de l’économie politique de l’Etat postcolonial.(74)

Au lieu d’en assurer la prospérité des pays africains, l’avènement de la démocratie qui « est l’art du compromis, un compromis obtenu par la médiation. Le compromis permet d’avoir la paix, de partager, d’éviter l’exclusion et en somme de créer les conditions d’un débat sain, nécessaire à la prise de conscience.»(75), semble donner un coup d’accélérateur à des conflits particulièrement internes, violents, lesquels ont entamé la vie socio-politico-économique des la majorité des pays qui y sont soumis.

Le discours de circonstance prononcé par le Président François Mitterrand jette la base d’une Afrique qui voit sa structure être refondue et réorganisée : « Si l’on veut redonner confiance dans les chances de l’Afrique, ce sera par une stabilité retrouvée, avec des administrations en bon état de marche, avec une gestion scrupuleuse et un certain nombre de dispositifs, soit anciens, soit nouveaux……. » (76).

Dès lors, le « vent d’Est », c’est à dire les vagues de bouleversements sociopolitiques, survenues dans les pays d’Europe de l’Est et d’Europe centrale au cours de la même période, vont atteindre les pays d’Afrique subsaharienne avec leurs corollaires, des crises marquées par de vives manifestations populaires, revendiquant la fin des pouvoirs autocratiques et néocoloniaux, et la mise en place des systèmes démocratiques, multipartites.

Peut-on dire comme Gérard Conac, que c’est « le réveil du Constitutionnalisme en Afrique » ?(77) Partant de ce contexte, la quasi-totalité des Etats d’Afrique subsaharienne francophone entre dans un processus de transition démocratique. Les élites politiques africaines vont tenter d’élaborer des stratégies politiques et géopolitiques diverses qui ont pour but la naissance d’un Etat de droit ; il s’agit d’un processus de reproduction des savoirs pour assurer à la collectivité son implication et sa marche vers une réelle émancipation. Cette phase qui est la conjonction des facteurs tant externes qu’internes, vont entrainer de nouvelles formes de structures sociales et, favoriser l’expression d’une liberté tant pacifique que violente.

Aux frustrations de domination politique, économique et sociale, certaines catégories de populations qui vivent sous l’emprise d’un régime, se saisissent de la démocratie pour se soulever en décriant l’injustice sociale, la persécution des minorités ou du groupe ethnique défavorisé. La lutte porte le nom de la libération et la revendication s’articule autour d’une demande d’autonomie vis à vis du pouvoir central. Le phénomène culturel qui vient se greffer à ce type de revendication donne l’occasion aux religieux de confronter leur expression à celle des politiques qu’ils ne jugent plus crédibles, décriant leur manque de vision divine à « paître les troupeaux de Dieu » ; d’où nécessité pour les églises de s’exprimer et prendre le flambeau de la liberté. Dès lors, la religion n’apparaît plus comme moyen d’unité mais source de division et de tension.

74- La problématique de la démocratie en Afrique Noire. « La Baule, et puis après »
www.politique-africaine.com/numero/pdf/043005.pdf
75- Professeur Georges Burdeau, Cité par Fousseyni Samaké In : Le Soleil en ligne. Cahier & Spéciaux : Le Comité Afrique de l’Internationale Socialiste. http://www.primature.sn/le soleil/interso.htm/.
76- La Baule 1990 – Discours du Président François Mitterrand.
77- Gérard CONAC (éd.), L’Afrique en transitions vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993.

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