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Discussion

Cet instant, si rare

Les infirmiers libéraux suivent régulièrement des patients dans le cadre des soins palliatifs.

26% d’entre eux déclarent prendre en charge des patients dans le cadre de soins dits palliatifs assez souvent. 64% parfois, 10% très souvent.

Les résultats de l’enquête exploratoire indiquent une prise en charge périodique, et récurrente dans la pratique des libéraux. Malgré tout, il est rare qu’ils puissent mener le suivi jusqu’au décès du patient.

En 2009, seuls 27% des décès eurent lieu à domicile, les réponses infirmières sont donc le reflet de cette réalité, avec en moyenne entre 1 et 2 décès par an à domicile.

De ce fait, les infirmiers ne sont que très rarement confrontés à cette situation, et à l’instant particulier qui succède au décès.

Cet infirmier, présent à l’instant

58% des infirmiers admettent être toujours appelés par la famille lorsque survient le décès. 26% le sont assez souvent, 16% parfois.

Cette présence de l’infirmier est à mettre en lien avec la disponibilité qu’il accorde à cet instant. En effet, 61% d’entre eux proposent spontanément d’être appelés par les proches lors du décès.

81% des infirmiers acceptent d’être contactés la nuit si le décès intervient sur ce temps là. 42% d’entre eux sont amenés à donner leurs coordonnées personnelles de façon systématique, et 26% assez souvent. Ils acceptent ainsi clairement d’être sollicités hors des horaires de travail établis, sur un temps consacré à la vie personnelle.

Après le décès 42% des infirmiers affirment passer entre 1H et 2h au domicile. 35% restent sur place entre 30 minutes et une heure. Plus rares sont ceux qui restent sur une période très courte (moins de 30 minutes) ou très longue (plus de deux heures).

Ce temps imparti peut être considéré comme conséquent dans le cadre d’une tournée de soins à domicile. La charge de travail des infirmiers libéraux, bien que variable, reste relativement lourde.

Ce défunt, objet de tant d’égards

Le corps objet de tous les soins :

La réalisation de la toilette du défunt semble très inégale, d’un infirmier à l’autre. Les professionnels semblent partagés concernant ce soin.

Bien qu’absent du référenciel des soins infirmiers, il était largement effectué il y a quelques années. Ainsi, plusieurs infirmiers précisent avoir fait évoluer leurs pratiques, la toilette étant bien plus pratiquée par le passé.

26% des infirmiers interrogés n’effectuent jamais ce soin. Plusieurs d’entre eux ont argumenté ce choix, expliquant qu’à présent, la toilette est prise en charge par les entreprises de pompe funèbres, et que celle ci disposent de techniques bien plus adaptées. En revanche, 23% admettent la réaliser de façon systématique. Les raisons évoquées sont multiples.

Certains y voient un hommage rendu au patient, au travers de ce dernier soin. Cela rejoint les écrits de Louis Vincent Thomas, explicitant le fait que la toilette ne réponde plus uniquement aux exigences de l’hygiène, mais davantage à la notion d’hommage. Cette déférence vis à vis du défunt est clairement mise en évidence. Certains infirmiers expliquant respecter un engagement pris antérieurement avec le patient, ou évoquant un ultime devoir.

D’autres y voient une manière de mettre fin à la prise en charge, de boucler la relation avec le patient, en approchant une dernière fois ce corps devenu familier :

« Faire la toilette peut donc être une manière de terminer un processus d’accompagnement et de laisser partir l’autre. (111)»

Il est à noter que 43% des infirmiers ont répondu parfois. Cette nuance pourrait mettre en lumière une disparité de leur conduite, en fonction du contexte. La réalisation du soin pourrait être fonction de différents facteurs plus ou moins objectifs, parmi lesquels la relation établie avec le patient, sa famille, ou les engagements tenus préalablement.

Le souci de l’image

L’image renvoyée par le corps semble avoir une importance capitale aux yeux des infirmiers.

97% d’entre eux estiment que la présentation du défunt a un impact sur les proches.

Les commentaires libres qualifiant cette image ont été nombreux, se rejoignant pour la plupart. L’expression du visage est largement évoquée, et les qualificatifs « apaisé » et « serein » sont parmi les plus cités. Cette volonté peut être mise en lien avec plusieurs concepts détaillés précédemment.

Apparaît clairement le désir de dissimuler les effets dévastateurs de la mort sur le corps, notion soulevée par Louis Vincent Thomas. Eviter que le visage ne reflète la douleur, l’inconfort, la crispation. Sans doute ce souci de l’image est il une volonté de rendre la confrontation à la mort moins violente pour les survivants. Bien que le proche voit au delà de l’image en elle même, comme le précisait Patrick Baudry, cette vision demeure une préoccupation réelle. Ce souci du dernier souvenir visuel fait référence à la mémoire, la mémorisation de la scène étant sous jacente.

Quelques infirmiers évoquent la beauté se dégageant du visage, ce qui, nous l’avons vu précédemment, rejoint une conception plus ancienne, apparaissant dans les écrits de la période romantique.

Cette préoccupation portée sur le visage est bien souvent partagée par les proches :

« Les proches sont très sensibles à l’aspect du visage qui, souvent, a retrouvé une certaine sérénité et même une beauté effaçant toute marque de souffrance. Parfois un sourire se dessine. Dans d’autres cas, le visage abimé par la maladie reste difficile à regarder malgré les soins apportés. (112)»

Le positionnement du corps est cité, précisément des mains et des bras, Il est choisi avec soin, en accord avec la famille.

Plusieurs infirmiers soulignent l’importance de faire disparaître rapidement le matériel médical. Cette attitude peut avoir une portée symbolique, faisant disparaître le monde du soin, désormais devenu illégitime, laissant ainsi place aux rituels.

L’intérêt porté à l’apparence du défunt est en lien direct avec l’exposition de celui ci au regard. Cette présence des proches auprès de lui est un temps d’observation avant tout. L’image a donc une importance, qui, bien que relative, est prise en compte par la grande majorité des infirmiers.

Le respect des croyances

81% des infirmiers admettent que les croyances du défunt ont un impact sur les soins qu’ils réalisent. Le rituel inhérent à chaque religion intègre le soin, particulièrement la toilette, le positionnement du corps et des mains.

Plusieurs objets symboliques ou religieux peuvent être disposés auprès de défunt.

Les infirmiers expliquent suivre dans ce cas les recommandations de la famille.

Ce proche, au cœur de l’attention

Ce proche, bien connu de l’infirmier :

L’ancienneté de la relation avec le patient est intimement liée à la connaissance des proches. En effet, en intervenant au domicile du patient, l’infirmier est intégré au domicile, à l’intimité, et rencontre forcement les proches, les amis, la famille.

97% des infirmières affirment avoir suivi les patients avant qu’ils ne soient en soins dits palliatifs. 43% d’entre eux ont pris soin de ces patients depuis plus de deux ans. 37% entre un et deux ans. 15% entre 6 mois et un an. Les prises en charge pour des durées inferieures à 6 mois apparaissent extrêmement rares.

Les interventions à domicile sont donc conduites sur de longues périodes, permettant un contact étroit et récurrent avec la famille et les proches du patient.
Les infirmiers ont sans doute une connaissance assez importante des proches, du contexte de vie, et des relations familiales entretenues par chacun.

Une aide concrète :

Lorsque survient le décès, la famille doit effectuer différentes formalités.

Les infirmiers sont amenés à expliquer certaines d’entre elles aux proches. Ainsi, 45% le font assez souvent, et 49% parfois. Le constat du décès par un médecin semble être bien connu des familles. D’après les réponses infirmières, ce constat ne serait mal connu que dans 29% des cas. En revanche, les conditions de transport du corps leur apparaissent comme mal connues dans 90% des cas. Les commentaires libres ont permis de mettre en évidence plusieurs aspects distincts : le délai de conservation du corps à domicile, le libre choix d’une entreprise de pompes funèbres, le lieu ou sera déposé le corps en attente de l’inhumation, ou de la crémation.

Rétrospectivement, une nuance aurait sans doute pu être portée à la question. Sachant qu’il peut s’agir en effet d’une méconnaissance réelle des démarches, mais aussi d’un trouble lié à la situation, le proche perdant sa capacité à réfléchir, à rassembler ses idées, perdant en quelque sorte ses moyens.

Cet aspect a été évoqué à juste titre par différents commentaires, évoquant bien le trouble, le fait d’être submergé et paralysé par l’émotion suscitée.

Un échange, plus subtil :

Au delà des soins au corps et de l’aide apportée concernant certaines démarches, les infirmiers sont amenés à échanger avec les proches. Echange qui se traduit par une discussion plus ou moins approfondie.

Ainsi, 42% établissent cette discussion assez souvent, 29% parfois, 26% toujours.

Cette conversation permet d’aborder plusieurs thèmes récurrents, mis en évidence par les commentaires.

Ainsi les remords, les regrets sont très présents dans le discours des proches. La vie du défunt est évoquée, les un regrettant les jours heureux, les évoquant avec nostalgie. D’autres relatant les erreurs, les conflits, les mots prononcés trop vite, les actes malheureux.

« Si le souvenir-regret est voisin du remords, c’est que le regret de l’irréversible et le remord de l’irrévocable ne peuvent être entièrement dissociés…L’homme regrette son bonheur enfui, sa jeunesse « en allée », mais il ne regrette pas moins, à l’inverse, la faute qu’il a commise ;il regrette celle-ci et ceux là, celle ci parce qu’il voudrait ne l’avoir jamais commise, ceux là parce qu’il voudrait les revivre. (113)»

Les proches reviennent aussi sur le vécu de la maladie, et les circonstances du décès. Certains ayant besoin d’être rassurés sur l’absence de souffrance, le soulagement de la douleur.

La quête de sens apparaît dans cette discussion, elle est évoquée par de nombreux infirmiers. Le proche recherchant la faute, l’erreur commise, justifiant une fin de vie considérée comme injuste. Les croyances éventuelles sont intimement mêlées à cette quête.

Enfin, en dernier lieu, le proche évoque parfois l’avenir, ses perspectives, sa capacité ou non de survivre à cette disparition de l’être aimé.

La teneur de cette discussion entre l’infirmier et le proche se révèle être très riche, de par la diversité des sujets abordés, mais aussi leur profondeur.

Des mots, difficiles à trouver :

La grande majorité des infirmiers (97%) estime que les mots employés ont une portée non négligeable sur les proches, et 61% d’entre eux peinent à trouver le mot juste.

Beaucoup évoquent la difficulté à trouver les mots face à celui qui vient de perdre un être cher.

« Pourquoi faudrait-il savoir quoi dire à celui qui devient veuf ou orphelin, quand toute l’intelligence de la mort nous vient de partager notre incapacité à savoir ce dont il s’agit ? (114)»

La quête de sens est largement relatée par les infirmiers. Quel discours avoir face à celui qui cherche un sens à la douloureuse perte qu’il vient de vivre ? Doit-on donner sens à cette perte, quelle attitude adopter ?

D’après Elisabeth Kubler-Ross, il n’est pas nécessaire de trouver un sens, et d’élaborer une réponse à ce questionnement :

« Selon moi, ce phénomène procède de notre besoin de rationnaliser et de donner un sens à la mort d’un être cher pour masquer notre manque de préparation et notre difficulté à parler à une famille endeuillée. C’est pour la consoler que nous tentons de trouver une explication précise à la mort. Il me semble que pour vous, la meilleure forme de consolation consisterait à tenir la main d’un membre de la famille dans la votre et à lui faire sincèrement partager vos sentiments. (115)»

Face à ces difficultés, plusieurs infirmiers expliquent laisser place au silence, et permettre aux proches de verbaliser leurs ressentis en premier lieu. Les mots de l’infirmier se posent ensuite, se faisant l’écho de ce qui a été exprimé dans cet échange. L’usage de la reformulation ayant été beaucoup cité.

Qualifiant cette écoute, les infirmiers estiment devoir faire preuve de douceur, de calme, être posés, sereins, se montrer disponible, sans paraitre envahissant. Rester professionnel et respectueux.

Certains rassurent les proches, réconfortent, atténuent les regrets. Cet aspect peut être source de questionnement. Est-il juste d’atténuer la douleur, par le biais du discours tenu aux proches. Devant la souffrance, il peut être tentant de vouloir livrer au proche les mots rassurants qu’il souhaite entendre. Or bien que compréhensible, cela peut parfois manquer de justesse. D’après Marie Sylvie Richard, « L’aide proposée aux endeuillés n’a pas pour visée de minimiser ou d’atténuer leur souffrance mais de les aider à l’accueillir, à la ressentir. (116)»

Et cette écoute, qui limite les mots, qui évite les pièges, est très difficile à établir. Délicat exercice que d’écouter une souffrance sans pouvoir y apposer de mots qui adoucissent, apaisent, rassurent. Ecouter dans un instant d’une telle intensité ne peut être si évident, l’infirmier pouvant être partagé entre ses connaissances théoriques et la réalité de ce qu’il vit en cet instant. Cet écart entre le mental et l’émotionnel est une réalité inhérente à cet instant. D’où sans doute la nécessité de travailler sur cette écoute, afin de trouver une certaine justesse dans les prises en charges ultérieures. L’écoute serait sans doute comparable à un art qui se travaille, se construit, se dessine, évoluant au gré du travail personnel effectué par le soignant.

Une juste place :

Evoquer ce que peut apporter la présence de l’infirmier après le décès ne doit pas nous faire oublier l’humilité inhérente à cette démarche. Cet aspect a été souligné à très juste titre par plusieurs infirmiers. En effet, cette aide est avant tout une proposition, une invitation. Elle ne peut en aucun cas s’imposer :

« Malheureusement, la vulnérabilité de la fin de vie alimente la sensation de pouvoir que certains soignants pensent avoir, et qu’ils justifient par un discours instrumenté de soins de qualité, ramenant les patients et leurs familles à des objets de soins. Ainsi les soignants doivent savoir garder leur place, toute leur place, mais rien que leur place. (117)»

Elle est avant tout définie par le besoin des proches, et saura se conformer, s’adapter, se plier à la tonalité et la couleur de l’instant.

L’intervention de l’infirmier n’a pas vocation à façonner, formater l’instant, selon l’image idéale qu’il peut en avoir, au regard de ses connaissances, de ses expériences.

Ainsi, sa vision des choses reste personnelle, et ne demeure être que sa vérité. Chaque membre de la famille doit être présent à cet instant, en accord avec ses ressentis, ses capacités, ce qu’il se sent capable d’accueillir, de voir, d’entendre. Libre de rester, ou de fuir. De voir, ou de fermer les yeux. Aucune contrainte ne saurait être acceptable et juste vis à vis d’un proche confronté à la mort d’un être cher.

A chacun d’accepter et de respecter ses limites. L’infirmier peut sans doute veiller à maintenir cette autonomie si précieuse :

« Être autonome, c’est être libre de décider à chaque instant ce qui est bon pour soi, le cadre et les règles auxquelles ont se soumet (118)»

Intuitivement, chacun sait mieux que personne ce qu’il peut ou non vivre de cet instant.

Cette ambiance, si particulière

L’ambiance de l’instant est au centre de l’attention. 71% des infirmiers pensent avoir un rôle à jouer concernant l’ambiance qui régnera dans la pièce ou se trouve le défunt, ou plus largement, au domicile.

97% des infirmiers estiment que leur attitude globale est importante.

Plusieurs mots clés qualifiant l’ambiance idéale ont été largement cités : Le calme, l’apaisement, la sérénité.

Les infirmiers s’en référent aux différents sens permettant de percevoir cet instant clé :

La vision sur la scène est envisagée : l’apparence du défunt, son installation, l’aspect de la pièce, la disparition des objets médicaux, la luminosité, semblent autant d’éléments qui prennent de importance lorsqu’ils sont soumis aux regards des proches. L’odeur régnant dans la pièce est citée à quatre reprises. Le bruit est également pris en compte, avec le souci de le limiter au maximum, et la volonté de certaines familles d’associer une musique particulière à cet instant.

La relation au défunt est entrevue : Beaucoup d’infirmiers relatent le fait de dégager le pourtour du lit, et d’y placer plusieurs assises. Un détail ayant son importance, permettant aux proches de s’approcher du défunt, à différents niveaux, et de s’asseoir à ses cotés.

Enfin apparaît l’accompagnement des proches, avec la notion d’écoute : De la famille, des amis, présents ou juste arrivés. Les infirmiers ayant le souci d’accueillir les proches au fur et à mesure de leur arrivée au domicile. La juste place de l’infirmier est évoquée, avec un souci de disponibilité, tout en sachant faire preuve de discrétion.

Un instant empreint d’engagement

Les commentaires infirmiers concernant cet instant laissent percevoir un réel engagement. Leur disponibilité, leur présence, le souci porté aux proches sont des éléments qui révèlent une volonté d’être pleinement engagés dans cet instant clé de la vie des familles.

Cet aspect, largement mis en lumière par l’enquête exploratoire peut susciter un questionnement.

Cet engagement important de l’infirmier libéral pourrait être mis en lien avec la rareté d’une telle situation dans sa pratique. En effet, les décès à domicile étant occasionnels, nous pourrions émettre l’hypothèse que l’investissement au sein d’une situation ponctuelle, isolée, soit plus important que si celle ci se présentait fréquemment. Autre facteur pouvant influencer cet engagement, la connaissance ancienne du patient, et le fait d’avoir établie une relation de longue date. Les liens tissés avec la famille peuvent être un élément déterminant cette volonté de l’infirmier à répondre présent.

Au delà de ces simples suppositions, quel peut être le mouvement psychique qui presse l’infirmier à se déplacer, à donner de son temps ?

Au delà de sa conception du métier, du strict cadre de ses compétences, pourquoi cette présence ?

Le philosophe Damien Le Guay évoque à ce propos le concept de vocation humaine :

« Ce qui se révèle dans cette vocation humaine, c’est bien ce moment particulier ou quelque chose en nous nous dit que la souffrance de l’autre est au dessus de nos propres intérêts. (119)»

Quelque chose bascule, et les priorités ne sont plus identifiées de la même manière.

Cette vocation humaine est convoquée lorsque le soignant se retrouve face au mourant, mais nous pouvons penser qu’une telle conception soit engagée dans l’instant qui suit le décès.

La souffrance vécue par les proches peut être un appel profond et cette présence s’impose, se pose, indiscutable, incontournable. Levinas quand à lui, parle d’une épreuve d’humanité.

Face à la souffrance des proches, l’infirmier pourrait passer en quelque sorte cette épreuve d’humanité.

D’après André Comte-sponville, « il y a place ici pour un nouvel humanisme, qui ne serait pas jouissance exclusive d’une essence ou des droits qui y sont attachés, mais perception exclusive_ jusqu’à preuve du contraire d’exigences ou de devoirs que la souffrance de l’autre, quel qu’il soit, nous impose. (120)»

Damien Le Gay explique cette vocation proprement humaine, qui est celle du désintéressement et du souci de l’autre. L’homme, interpellé dans son humanité, a la faculté de se décoller de lui-même, vivre pour l’autre, prendre en charge celui qui est davantage dans l’épreuve qu’il ne l’est lui même. Cela passe par le visage, ce visage qui appelle, qui regarde.

Cette vocation réquisitionne le soignant, et semble dépasser le raisonnement.

Ce mécanisme à lieu, même « en position d’inconfort, et même si la reconnaissance sociale n’est pas là » Damien le Gay.

Cet aspect qu’est la reconnaissance sociale est à souligner. L’infirmier libéral n’étant pas forcement reconnu dans ses actions discrètes, singulières, et souvent peu ébruitées. Cet aspect a d’ailleurs été relaté par plusieurs infirmiers.

Les infirmiers interrogés évoquaient différentes valeurs semblant teinter leurs actions : le souci du prochain, la gentillesse, la compassion.
Ces valeurs sont individuelles, et sont plus ou moins développées, en fonction du parcours de chacun. Le Dalaï-lama définit ce qu’il appelle « la spiritualité élémentaire » :

« Il s’agit des qualités humaines de base, la bonté, la gentillesse, la compassion, le souci des autres…En tant qu’êtres humains, en tant que membres de la famille humaine, nous avons tous besoin de ces valeurs spirituelles élémentaires. (121)»

Cette compassion a été largement citée par les infirmiers. En effet, comment approcher celui qui souffre sans être sensible à ce qui l’atteint, le touche ? Ce sentiment est sous doute un moteur fort de l’engagement en cet instant :

« Une fois admis que la compassion n’a rien d’infantile ou de sentimental, qu’elle est réellement digne d’intérêt, une fois perçue sa valeur profonde, alors cela vous donne immédiatement la volonté de la cultiver. (122)»

Sans doute l’approche infirmière est elle empreinte de cette compassion.

Gratuité : Pour une majorité de soignant, l’aide apportée aux familles ne donne lieu à aucune rémunération. C’est le cas pour 68% des infirmiers interrogés, qui agissent toujours gratuitement. 26% répondent assez souvent à cette même question. Certains d’entre eux considèrent cela comme tout à fait normal, cette démarche étant volontaire et ne répondant à aucune prescription. En effet, le soutien effectué auprès des familles ne donne lieu à aucune prescription médicale. Effectuer cette aide demeure un choix personnel, qui se veut être en lien et en accord avec certaines valeurs. Cette logique de don présente dans la démarche infirmière peut susciter la curiosité, faisant indéniablement écho aux fondements historiques de la profession, initiée par les religieuses.

Mais cette démarche peut être en partie expliquée par la grande réciprocité de l’échange ayant lieu en cet instant.

« L’idée de générosité n’est jamais très loin lorsqu’on évoque le don. Et elle peut être objet de gratitude, perçue comme étant un supplément d’âme ajouté au professionnalisme, elle est aussi objet de méfiance : quand elle s’accompagne par exemple d’un débordement affectif suscitant un positionnement professionnel déviant. (123)»

Bien que le don puisse sembler suspect dans une société qui valorise bien plus le profit ou l’échange de bons procédés, il peut aussi sembler louable, dans une situation si délicate et douloureuse.

L’empathie vis à vis des familles, l’hommage rendu au défunt semblent être des moteurs forts à cette forme d’entraide et de soutien. Cet acte gratuit évoque une forme de don de soi, dans un instant d’une intensité que l’on peut qualifier d’exceptionnelle.

Le plaisir

La question « aimez vous être présent auprès des proches à cet instant » a fait réagir certains soignants. Quelques uns m’ont interpellée au sein du questionnaire, précisant que ce mot n’était pas celui qu’ils auraient choisi. En effet, le choix de cette formulation n’est sans doute pas neutre, et la question soulevée par leurs commentaires est tout à fait légitime. Certains d’entre eux ont spécifié préférer l’usage d’autres termes: plaisir d’un travail bien fait, devoir vis à vis des proches, être en accord avec ses valeurs.

Un devoir, sans doute, au regard de la majorité des interrogés : 78% d’entre eux estiment que l’aide apportée aux proches en cet instant fait partie intégrante de la profession d’infirmier.

Bien que divisés concernant la sémantique de la question, « aimer vous être présent » auprès des proches en cet instant », 70% d’entre eux ont répondu oui, et 24% non. 6% se sont abstenu de répondre. Une abstention à considérer avec grand intérêt, en lien direct avec l’aspect déstabilisant de la question, et sans doute de sa formulation.

Pour autant, la notion de plaisir, bien que nuancée, est semble t il à prendre en compte dans l’exercice de la profession.

L’infirmier peut il aimer, ressentir du plaisir au travers de son exercice, et plus particulièrement dans un moment si difficile pour son prochain ?

Dans l’affirmative, peut il l’admettre sans être suspecté de se réjouir du malheur d’autrui ?

Face à la souffrance, apporter une aide, un réconfort, donne du sens à la présence soignante. Cette quête de sens est intimement liée au cheminement intérieur des infirmiers, qui sont au plus près du patient, de ses proches.

Ce rapport perpétuel et récurent à la mort, la maladie, ne peut être que le terrain fertile d’un questionnement permanent sur le sens, et la qualité de la relation entretenue avec les patients.

Avoir plaisir à soutenir le prochain, l’aider, porte parfois une large connotation négative, le regard critique pouvant n’y voir qu’une forme de perversion, ou de don suspect.

« Le plaisir des soignants à donner de soi fût largement perverti par l’histoire religieuse dont la profession a encore bien du mal à s’émanciper. (124)»

En effet, l’implication soignante est sans doute corrélée au plaisir de donner, d’aider, d’accompagner. Donner de la valeur, du sens à son métier, ses mots, ses gestes.

Face aux patients en fin de vie, puis aux proches endeuillés, l’infirmière, au cœur d’une intensité affective, émotionnelle, plus forte que jamais, donne du sens à sa profession.

« Même s’il est rarement évoqué, il faut bien parler de ce plaisir sans lequel la profession infirmière ne serait qu’un métier épouvantablement ingrat et probablement impraticable. (125)»

Mais il peut y avoir une forme malsaine à cette approche, décrite par J.D Causse :

« Le geste moral peut avoir quelque chose du rapace qui se nourrit de la détresse et de l’angoisse de l’autre en y trouvant une consistance ou une légitimité. (126)»

Il est possible que cet aspect soit un élément ayant suscité les remarques des infirmiers. Le terme de plaisir, d’amour du métier, au cœur de cet instant, évoque sans doute autant ce qu’il peut révéler de noble que de pervers. Ces notions, n’étant pas neutre, peuvent prêter à toutes sortes d’interprétations diamétralement opposées.

Cet aspect met d’autant plus en lumière la nécessité de clarifier ses intentions, sa démarche, en faisant preuve d’une réelle introspection.

Un instant source de questionnements

Une formation plébiscitée :

71% des infirmiers interrogés pensent qu’une formation concernant « l’après décès » pourrait les aider. Ils sont donc une majorité à vouloir parfaire leurs connaissances dans ce domaine bien précis.

L’intérêt de la formation serait de donner des repères intellectuels, éthiques, psycho affectifs aux infirmiers.

« La formation est un des moyens essentiels, socialement organisé, pour nous permettre ou nous imposer l’élaboration ou le réaménagement des repères dont nous avons besoin pour nous situer dans chacune des positions sociales que nous occupons ou pour effectuer des taches dont nous avons la responsabilité. (127)»

Face à la mort, les soignants sont amenés à se questionner sur leurs croyances, leurs connaissances, leur système de valeur, leur savoir être.

« La fréquentation de la maladie, de la souffrance et de la mort suppose des systèmes de défense efficaces et souples que la formation peut contribuer à enrichir et à nuancer, aussi bien sur le plan intellectuel que sur le plan psychologique ou organisationnel. (128)

Toute activité permettant la réflexion, l’apport de connaissances peut être d’un intérêt inégalable pour le soignant. Les groupes de paroles, d’échange et d’analyse de la pratique, les formations, sont autant de moyens d’y parvenir.

« La pratique des soins palliatifs est donc, à l’évidence, doublement concernée par la formation, l’éducation et le conseil. D’une part dans la mise en œuvre des soins, vis à vis du patient et de leur entourage ; d’autre part à l’égard des soignants et des institutions de soin qui ont besoin de soutien et de conseil pour agir, évoluer et supporter les souffrances qui leur sont adressées. (129)»

La formation, au delà des connaissances qu’elle véhicule, aurait sans doute la possibilité de donner quelques clés pour mieux vivre ces situations si singulières, intégrant le fait que l’infirmier à domicile soit relativement isolé. Cet isolement a par ailleurs été cité par plusieurs d’entre eux, évoquant la solitude inhérente à l’exercice libéral. Partager ses expériences serait donc un apport intéressant.

Supervision :

De nombreux infirmiers regrettent de ne pas avoir accès à un groupe de parole pour analyser leurs pratiques. Les termes supervision, débriefing ont été cités. Cette volonté de réfléchir au sujet de ses pratiques est clairement apparu au sein des réponses. Plusieurs d’entre eux expliquent se réunir entre collègues pour évoquer leurs difficultés, et échanger à ce sujet.

« La supervision semble être un bon moyen de décoder les situations permettant de modifier certains comportements envers les patients. (130)»

Elle pourrait être un moment de partage riche, permettant de distinguer les différents comportements face à une situation similaire.

La solitude des soignants s’y effacerait, permettant la circulation de l’information, l’analyse des pratiques, des attitudes.

Le partage des expériences au sein d’un groupe peut être intéressant et permettre une remise en question constructive. Partager ses questionnements, ses difficultés, mais aussi ses solutions, ses astuces, peut être grandement valorisant et riche pour chacun. En effet, de nombreux infirmiers ont une expérience de l’instant qui suit le décès fort instructive et enrichissante.

Le questionnaire, et les réactions qu’il a suscitées l’ont bien démontré. De grands développements écrits ont été relatés, avec un réel désir de partager à ce sujet.

Cette supervision peut manquer à certains infirmiers à domicile, du fait de l’exercice au sein d’une équipe restreinte, ou en solitaire.

Un instant difficile à évaluer

Comment évaluer la qualité de l’aide apportée par l’infirmier en cet instant ? Quelles attitudes peuvent être considérées comme positives, ou négatives ? Et serait-il possible d’évaluer cela de manière fiable ?

Comme le dit Albert Einstein : « Ce qui peut être compté ne compte pas toujours, et ce qui compte ne peut pas toujours être compté. »

La qualité du soin, de la prise en charge, aux yeux de l’infirmier, peut être considérée au delà des chiffres et des statistiques :

« La qualité dont parle ces infirmières, c’est celle de leur quotidien, c’est le plaisir de faire un bon travail, reconnu par sa hiérarchie, ses pairs, et ses patients. C’est le plaisir de faire un travail qui a du sens, d’en maitriser les méthodes et de les changer si nécessaire…C’est une qualité non mesurable par des échelles, des scores. C’est une qualité qui s’insère mal dans les présentations PowerPoint ou les tableaux Excel. C’est une qualité intimement liée à des échanges humains nombreux, permanents, informels. C’est une qualité qui privilégie l’action, l’innovation, l’autonomie réelle associée à un bon relationnel avec les autres groupes comme celui des médecins ou des administratifs. (131)»

En effet, la complexité de ce qui se joue en cet instant peut être approchée, évoquée, discutée, mais son évaluation, si celle ci doit être envisagée, ne peut être si évidente.

En revanche, obtenir le regard des familles pourrait être un moyen de percevoir l’utilité de l’intervention infirmière. La justesse d’une action devant sans doute être l’objet d’un feed-back.

Un instant bien éloigné des protocoles

Evoquer les différentes perceptions, pratiques, habitudes concernant l’instant qui suit le décès, ne peut empêcher de se poser une question, si contestable soit elle :

Voulant faire au mieux, serait il envisageable et salutaire de définir une sorte de conduite à tenir idéale ? Plusieurs infirmiers ont soulevé ce thème, et tous ont fait part de leur exaspération face à ces protocoles qui inhibent toute autonomie et responsabilité.

D’après le Dr Dominique Dupagne, le fait d’établir des procédures figées retire toute latitude et paralyse l’action soignante :

« Avec une définition de ce qui est autorisé, ou tout au moins vivement recommandé, la liberté d’action est brutalement restreinte à un dénominateur commun sclérosant. L’homme est transformé en machine dépendante de celui qui la programme. La perversion de la qualité apparaît dès son nom. (132)»

Rechercher la qualité des soins est tout à fait louable, et comme le dit bien Franck Lepage : « qui oserait être contre la qualité ? (133)»

Cette recherche de la justesse est indispensable. Or celle ci ne passe pas forcement par l’apprentissage d’un descriptif détaillé, cadré, et rigide de ce qui doit être mis en œuvre.

Ce cadre de référence externe n’est pas toujours celui qui s’avère être le plus efficace, ou même le plus juste. Il peut être parfois bien loin de la réalité.
Le bon sens ne risque t il pas de s’effacer, au détriment d’un protocole trop rigide ?

« Nous n’avons besoin que d’une chose : du bon sens. Bien souvent, hélas, l’abus de connaissances philosophiques ou scientifiques appauvrit le bon sens. Les excès de connaissances rendent parfois aveugles aux vérités les plus simples. (134)»

L’introspection, la remise en question, le partage d’expériences, sont des outils qui non seulement valorisent le soignant, mais donnent des résultats dont la portée et la profondeur seront bien plus intéressantes.

De même, il est impossible de prévoir chaque situation, devant la richesse et l’unicité des individus : singularité de l’entourage, des conditions du décès, de l’histoire de la famille, de la relation soignant soigné.

« Dans l’action humaine et les services, comme dans le monde vivant en général, l’imprévu est la règle. (135)»

La recherche de la qualité peut être étroitement liée à l’épanouissement professionnel, au libre arbitre, à l’autonomie, à la juste et créative expression de ce qu’est chaque infirmier, au sein de sa pratique.

Une procédure adaptée à l’instant si singulier qui suit le décès ôterait sans doute la subtilité et la richesse qui font l’essence même de cet instant.
Comme l’évoque Eric Fourneret, « Attention, les cheik up tuent l’humanité.»

Un instant, et après ?

Le suivi des proches :

Durant les soins palliatifs, les proches sont écoutés, soutenus, entourés avec la plus grande attention. La démarche soignante les intègre à juste titre jusqu’au décès de celui qu’ils ont accompagnés.

Or la survenue du décès marque la fin des passages infirmiers, qui souvent étaient pluri quotidiens.

Ces temps d’échanges informels autour d’un café, dans un coin de salon, sur le pas de la porte, malgré leur simplicité apparente, avaient une importance non négligeable.

La relation tissée, les mots, l’écoute faisait pleinement partie de la prise en charge des proches.

Les familles sont coupées aussi subitement de cette relation qu’elles le sont du défunt.

Coupure brutale des visites, confrontation à une maison devenue vide, la solitude des survivants est à prendre en compte.

Or aucune place n’est faite à l’infirmière après le décès. Le suivi des proches endeuillés n’existe pas au niveau de la nomenclature des actes infirmiers, dressée par la sécurité sociale. Seul le patient est considéré, et lorsqu’il n’est plus, ses proches ne sont en aucun cas objet de soin.

Il est donc impossible de réaliser ce suivi après le décès, n’ayant plus d’actes infirmiers à prodiguer au sein du foyer. Aucun dispositif ne permet à l’infirmier d’exercer un quelconque rôle auprès des familles à domicile.

Cela pourrait sembler regrettable, sachant la connaissance que celui ci a de la famille, des éléments passés, des différentes problématiques et interactions familiales.

Ce partage commun des événements au sein du foyer aurait été sans doute un atout dans la relation.

Malgré cela, les infirmiers sont souvent amenés à revoir les proches. 48% d’entre eux les revoient assez souvent, 42% parfois, 10% toujours. Les rencontres fortuites sont largement évoquées au sein des commentaires libres. Les infirmiers étant intégrés au paysage urbain, ils exercent dans un secteur géographique bien restreint et défini. Les occasions sont donc fréquentes de croiser les proches endeuillés. Mais au delà des rencontres aléatoires, un grand nombre d’infirmiers affirment se rendre volontairement auprès de la famille à distance du décès.

Certains précisent programmer cette visite deux semaines, ou un mois plus tard.

Celle ci a sans doute un intérêt partagé, et les infirmiers évoquent deux raisons principales la justifiant :

La première est motivée par la nécessité de boucler la relation, dans la sérénité. Elle permet en quelque sorte de finaliser la prise en charge, à distance de l’intensité émotionnelle suscitée par le décès.

La deuxième est centrée sur l’intérêt du survivant : Dépister sa détresse, son isolement ou ses difficultés éventuelles. Le proche ayant souvent besoin de partager ses ressentis, d’être entendu et reconnu dans sa souffrance, sa légitimité, prenant à témoin celui qui sait, qui a vu, qui ne peut que reconnaître cette réalité. Cela permet de reparler de la période palliative, du décès, du manque.

Nombreux sont les proches ayant besoin de clarifier des éléments précis de la prise en charge antérieure. Ayant parfois des questions restées sans réponses, il est important pour eux de trouver des éléments leur permettant d’apaiser certaines inquiétudes.

Les infirmiers évoquent à maintes reprises le soulagement de la douleur, ou encore l’acceptation de la mort par le patient.

La culpabilité des survivants est souvent présente lors de ces échanges. Certains ayant besoin d’être confortés, rassurés sur le fait d’avoir agit au mieux.
Le tissu familial et amical parfois très pauvre ne leur permet pas toujours d’exprimer suffisamment leurs difficultés.

« La solitude de l’endeuillé privé de l’aide des autres est préjudiciable pour son équilibre psychologique. (136)

Le proche a besoin de parler du passé, de faire revivre devant témoin ce qu’était la personne qui s’est éteinte :

« Comme l’irréversible ne sera jamais revécu, la conscience, souffrant de ce vide qui se creuse derrière elle, cherche à redonner un corps et une consistance au passé vaporeux. (137)»

Face à la solitude des endeuillés, il est possible que certains soignants veuillent remplir un rôle qu’il leur est impossible de tenir :

« La loi du 9 juin 199 …peut parfois renforcer l’illusion chez certains « palliatologues » d’être investis d’une mission de prise en charge du patient et de son entourage avant et après la mort. (138)»

Cela peut être le cas lorsque l’infirmier est face à un proche isolé. Il est compréhensible qu’il s’investisse au delà de son champ d’action, percevant la grande difficulté de certains proches. Où se situe la frontière entre le rôle infirmier et le rôle social. Puisque de toute évidence, l’infirmier rempli une tâche pour laquelle personne n’est officiellement assigné ?

Palier à un manque, hors du contexte de son domaine de compétence, devient un problème de société. Cela met l’accent sur certaines insuffisances, la société peinant peut être à prendre en compte les proches endeuillés.

« L’accompagnement des familles, c’est aussi de la responsabilité de la société. Entraide, compréhension, solidarité envers celui qui souffre et se sent différent, sont à développer et à faire entrer dans la culture, voir l’éducation. (139)»

A distance du décès, les infirmiers relatent l’isolement des proches, certains ayant le sentiment que la société ne prête guère attention au suivi du deuil et aux difficultés qui en découlent.

Les associations existantes peuvent être d’une aide précieuse, permettant à l’endeuillé d’être soutenu et accompagné dans son cheminement. Restent plusieurs questions qui peuvent être la base d’une réflexion à plus long terme :

Ces associations sont elles suffisamment connues du grand public ?

Notre société devrait elle prendre davantage en compte le suivi des personnes endeuillées ?

Devrait-elle aller au devant de leurs besoins, les solliciter, leur tendre la main, ou au contraire attendre que cela soit une démarche purement volontaire de leur part ?

Est-ce le rôle de la société dans son ensemble, devant définir une prise en charge précise, rigoureuse, administrative ? Ou cela doit il rester une démarche solidaire, individuelle, basée sur l’entraide mutuelle, et assurée par le réseau relationnel du survivant ?

Quelle place pourrait être faite à l’infirmier, qui, une fois les soins terminés, ne peut plus exercer aucune aide auprès de ceux qu’il a soutenus et qu’il connaît parfaitement ?

111 Mattheeuws.A, Accompagner la vie dans son dernier moment, op.cit., p.65.
112 Richard Marie-Sylvie, Soigner la relation en fin de vie, Dunod, 2004, p.111.
113 Jankélévitch, L’irréversible et la nostalgie, op.cit., p.326.
114 Baudry, P, La place des morts, op.cit., p.163.
115 Kubler-Ross Elisabeth, Accueillir la mort, Editions du Rocher, Paris, 2002, p.110.
116 Richard M-S, Soigner la relation en fin de vie, op.cit., p.115.
117 Richard Christian, Accompagnement de l’entourage, valeurs et limites, Objectif Soins, Janvier 2004, n° 122, p.20.
118 Bensaid.C, La musique des anges, s’ouvrir au meilleur de soi, op.cit., p.75.
119 Le Gay Damien,
120 Comte-Sponville André, Petit traité des grandes vertues, presses universitaires de France, Paris, 1995,p.149.
121 Le Dalaï-lama, et Cutler .H, L’art du bonheur, op.cit., p.273.
122 Ibid. p.68.
123 Marmilloud.L, Soigner, un choix d’humanité, op.cit., p.77.
124 Perraut-Soliveres Anne, Infirmières, le savoir de la nuit, Presses universitaires de France, 2002, p.243.
125 Ibid., p243.
126 Causse.Jean-Daniel, L’instant d’un geste. Le sujet, l’éthique et le don, Labor et Fides, 2004, p.27.
127 Hirsch Emmanuel (dir). Rédaction Patrice Dubosc, Face aux fins de vie et à la mort. Espace éthique / AP-HP, Vuibert, 3°édition, 2009, p
128 Ibid, p
129 Ibid, p100, Alain Bercovitz.
130 Daydé Marie-Claude, La relation d’aide en soins infirmiers, aspects réglementaires et conceptuels, SOINS n°731- Décembre 2008, p.31.
131 Dupagne Dominique, La revanche du rameur, Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine, 2012, p.247.
132 Ibid., p.122.
133 Lepage Franck, Incultures, tome1, Editions du cerisier, 2007.
134 Egli René, Le principe LOLA, Le dauphin blanc, 2003, p.13.
135 Dupagne D, La revanche du rameur, op.cit., p .127.
136 Thomas-V, Que sais-je, la mort, op.cit., p.108.
137 Jankélévitch, l’irréversible et la nostalgie, op.cit., p.271.
138 Richard Christian, Accompagnement de l’entourage, valeurs et limites, Objectif Soins, art.cit., p.20.
139 Plon F, Questions de vie et de mort. Soins palliatifs et accompagnement des familles, op.cit., p.106.

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