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FORME, FOND ET STRUCTURE DE CES GENRES MUSICAUX

1. UNE LITTERATURE IDENTITAIRE

« – A mi me gustan los corridos porque son los hechos reales de nuestro pueblo
– si, a mi tambien me gustan porque en ellos se canta la pura verdad. »

El Jefe de Jefes, Los Tigres del Norte

Le corrido est un genre musical qui tient une grande place au sein de la tradition et la culture mexicaines.

Même si ces chansons restent souvent dans la tradition orale et ne sont pas écrites, il ne fait nul doute que le corrido est un genre littéraire empreint de nombreuses caractéristiques de l’identité nationale mexicaine: on y trouve des passages de l’histoire mexicaine, des descriptions de coutumes nationales,…

Le but des corridos est bien de représenter la réalité sociale. C’est une histoire, une narration, inspirée en général par la vie réelle.

Ces chansons étaient et sont toujours interprétées par des « corridistas ».

Comme les troubadours du Moyen Age en Europe, ces derniers allaient de ville en ville pour chanter les dernières actualités : révoltes, assassinats, exécutions, catastrophes naturelles, déceptions amoureuses,….

Il s’agissait là d’une sorte de journalisme oral destiné accessible à une population pour la majeure partie analphabète.

Pour Avelino Gomez Guzman, poète et spécialiste de la littérature mexicaine, le succès des corridos est du à deux de ses particularités :

– La simplicité de la mélodie
– La manière dont le langage est utilisé

En effet, il existe une façon quasi-standard d’utiliser le langage, une façon de dire les choses.

Si dans les corridos l’emploi de métaphores, de termes typiques de la campagne, de doubles sens et de « mexicanismos » est très courant, les chanteurs de narcocorridos ont aussi eu tendance à créer un nouveau vocabulaire lorsqu’il s’agit de traiter des délits et de la violence.
Il existe souvent une unité de lieu et de temps.

La géographie est ainsi très présente, le corridista, qu’il s’agisse de corridos ou de narcocorridos, situe toujours le lieu (rose) voir le moment de l’action (jaune).

Les animaux ont souvent été mentionnés dans les corridos en particulier le cheval et tous les animaux de la ferme, utiles à la vie de tous les jours durant la Révolution.

Le symbole du cheval est ainsi très important puisqu’il représente la puissance, la victoire, la fierté et c’est le compagnon de nombreux pistoleros et combattants pendant la Révolution tels que Pancho Villa. Il est donc normal de retrouver le champs lexical de l’équitation (bleu ciel) dans de nombreux corridos.

Corrido del caballo blanco

Este es el corrido del caballo blanco
que en un día Domingo feliz arrancara;
iba con la mira de llegar al norte
habiendo salido de Guadalajara.
Su nuble jinete le quitó la rienda,
le quitó la silla y se fué a puro pelo;
cruzó como rayo tierras nayaritas
entre cerros verdes y lo azul del cielo.
A paso más lento llegó hasta Esquinapan
y por Culiacán ya se andaba quedando;
cuentan que en los Mochis ya se iba cayendo
que llevaba todo el hocico sangrando.
Pero lo miraron pasar por Sonora
y el valle del Yaqui le dió su ternura;
dicen que cojeaba de la pata izquierda
y a pesar de todo siguió su aventura.
Llegó hasta Hermosillo, siguió pa’ Caborca
y por Mexicali sintió que moría,
subió paso a paso por la Rumorosa,
llegando a Tijuana con la luz del día.
Cumplida su hazaña se fue a Rosarito
y no quiso echarse hasta ver Ensenada.
Y este fué el corrido del caballo blanco
que salió un domingo de Guadalajara.

Dans le cas des narcocorridos, les animaux ne sont plus aussi présents. Le symbole du cheval a été remplacé par la voiture et la possession matérielle tel que le téléphone portable (1).

« Dicen que venian del sur
en un carro colorado
traian cien kilos de coca
iban con rumbo a Chicago
asi lo dijo el soplon
que los habia denunciado »

La banda del carro rojo – Los Tigres del Norte

Les animaux les plus présents sont les coqs (2), les poules et les poussins mais on ne leur confère qu’un sens strictement métaphorique :

« Muchos pollos que apenas nacieron
Ya se quieren pelear con el gallo »

Jefe de jefes – los Tigres del Norte

Le coq serait le chef, la personne la plus puissante et les poussins sont tous les autres bandits bien moins forts que lui.

Tout comme dans le style ranchero, les corridos débutent par une introduction musicale plus ou moins longue et l’accordéon est omniprésent.

Les instruments de musique sont les mêmes dans les corridos et dans les narcocorridos.

Il n’y a pas vraiment de nouvel apport musical aujourd’hui, on n’insère pas de nouveaux instruments comme le synthétiseur.

La façon de jouer reste traditionnelle puisqu’ils conservent les mêmes types de mélodies.

Les corridos, tout comme les narcocorridos ont une structure musicale et littéraire particulière.

El crimen de Culiacan (3)

Chalino Sanchez

Les cantaré este corrido a dos hombres que mataron
sin tenerles compasión vilmente los torturaron
y ya muertos con un carro por encima les pasaron.
En la colonia El Palmito la ciudad fue Culiacán
andaban Francisco López, también Francisco Beltrán
ellos no se imaginaban que los iban a matar.
Francisco López tenía unas cuentas atrazadas
había matado derecho al que le robó a su amada
pero Francisco Beltrán no tenía culpa de nada.
Otro día los encontraron al amanecer el día
tenían las tripas de fuera y un perro se las comía
y unos momentos después llegaba la policía.
Con la banda sinaloense los fueron a sepultar
y dos madrecitas lloran sin poderse consolar
por sus hijos adorados que ahorita en el cielo están.
Ya con ésta me despido y les digo en mi cantar
que las malas compañías nada bueno han de dejar
lo digo por el corrido, no se les vaya a olvidar.

Le « corridista » débute avec une interpellation du public pour le saluer puis il débute avec toute la situation initiale de l’histoire qu’i va raconter : qui, quand et où se déroule l’action. Il terminera son intervention avec par une morale comme dans une fable.

Enfin, la différence la plus évidente entre ces deux types musicaux réside au niveau des protagonistes, des héros de ces narrations.

2. LA MYTHIFICATION DES PROTAGONISTES : LA ADELITA ET LA REINA DEL SUR

Les narcocorridos sont considérés comme étant la version actuelle des corridos et non pas comme un genre à part entière.

En effet comme vu précédemment, du point de vue de la structure, la technique reste la même. La vraie différence est le héros de l’histoire.

Dans les corridos dits « traditionnels », les héros sont plus ou moins bons, ce souvent des révolutionnaires, voire des bandits de grands chemins, des pistoleros mais qui sont considérés par le peuple comme ayant œuvré pour le bien de la nation mexicaine.

Ils sont considérés comme des héros car ils font face à une justice injuste pour le peuple et ont ainsi étés mythifiés dans les corridos.

Pancho Villa, Emiliano Zapata, Huerta, Obregon sont ainsi devenus des héros nationaux en grande partie grâce à cette littérature orale.

Il en est de même dans les narcocorridos excepté que le héros bandit appartient désormais au monde du trafique de drogues et des meurtres. Les narcotrafiquants ont ainsi quasi détrônés les héros de la Révolution.

Pour mieux étudier ce changement important lié aux acteurs des actions relatées dans ces chansons il convient de mettre en parallèle un corrido et un narcocorrido, La Adelita et La Reina del Sur, deux chansons qui permettront de voir le changement de perceptions du héros dans le temps et qui en outre montre le rôle de la femme dans ces chants.

LA ADELITA

En lo alto de la abrupta serrania,
Acampado se encontraba un regimiento,
Y una moza que valiente lo seguia
Locamente enamorada del sargento

Popular entre la tropa era Adelita,
La mujer que el sargento idolatraba,
Porque a mas de ser valiente era bonita,
Que hasta el mismo coronel la respetaba

Y se oia que decia
Aquel que tanto la queria:
Y si Adelita se fuera con otro,
La seguiria por tierra y por mar;
Si por mar en un buque de guerra,
Si por tierra en un tren militar

Una noche en que la escolta regresaba
Conduciendo entre sus filas al sargento,
Por la voz de una mujer que sollozaba,
La plegaria se escucho en el campamento

Al oirla, el sargento, temeroso
De perder para siempre a su adorada,
Ocultando su emocion bajo el embozo,
A su amada le canto de esta manera

Y despues que termino la cruel batalla
Y la tropa regreso a su campamento,
Por las bajas que causara la metralla
Muy diezmado regresaba el regimiento

Recordando aquel sargento sus quereres,
Los soldados que volvian de la guerra
Ofreciendoles sus amor a las mujeres
Entonaban este himno de la guerra:

Y se oia que decia
Aquel que tanto la queria:
Y si acaso yo muero en campaña
Y mi cadaver lo van a sepultar,
Adelita, por Dios te lo ruego
Con tus ojos me vayas a llorar

La Adelita est ici l’image d’une femme belle courageuse qui se bat aux côtés des hommes. C’est le symbole de la soldadera qui suivait et soutenait son mari soldat durant la révolution.

On glorifie ici les valeurs de bravoure et de fidélité de la femme ainsi que sa beauté

LA REINA DEL SUR (4)

los Tigres del Norte

voy a cantar un corrido
escuchen muy bien mis compas
para la reina del sur
traficante muy famosa
nacida alla en sinaloa
la tia teresa mendoza

el gûero le dijo a tere
te dejo mi celular
cuando lo escuches prietita
no trates de contestar
es por que ya me torcieron
y tu tendras que escapar

el gûero Davila era
piloto muy arriesgado
al cartel de ciudad juarez
les hizo muchos mandados
en un avion de tasesna
en la sierra lo mataron

dijo Epifanio Vargas
teresa vas a escapar
tengo un amigo en españa
alla te puede hospedar
me debe muchos favores
y te tendra que ayudar

cuando llego a melilla
luego le cambio la suerte
con don santiago pisterra

juntaron bastante gente
comprando y vendiendo droga
para los dos continentes

Manolo Cespedes dijo
teresa es muy arriesgada
le vende la droga a francia
africa y tambien a italia
hasta los rusos le compran
es una tia muy pesada

supo aprender el acento
que se usa por toda españa
demostro su jerarquia
como la mas noble dama
a muchos los sorprendio
teresa la mexicana
a veces de piel vestia
de su tierra se acordaba
con bota de cocodrilo y
avestruz la chamarra
usaba cinto piteado
tequila cuando brindaba

era la reina del sur
alla en su tierra natal
teresa la mexicana
del otro lado del mar
una mujer muy valiente
que no la vana olvidar

un dia desaparecio
teresa la mexicana
dicen que esta en la prision
otros que vive en italia
en california o miami
de la union americana

La Reina del Sur est le surnom donné à Teresa Mendoza Chavez, personnage du roman d’Arturo Perez-Reverte : La Reina del Sur.

L’auteur s’est inspiré de nombreux faits réels tels que les meurtres de Ciudad Juarez mais surtout de beaucoup de narcocorridos et notamment dans « Camelia la Tejana » (5). Cette chanson met en avant une femme appartenant au milieu du trafic de drogue et relate ses péripéties. Le courage et la loyauté sont encore présents dans ce corrido mais il ne s’agit plus d’une « soldadera » mais d’une trafiquante de drogue qui réussi grâce à l’illégalité.

3. THEMES PRINCIPAUX

Différents thèmes sont abordés dans ces chants. On peut en trouver sous forme de chansons d’amour voir de sérénade mais ces corridos servent surtout rappeler d’anciennes légendes et à mettre en avant les héros nationaux et notamment ceux de la Révolution tels que Emiliano Zapata.

La nouvelle tendance, aujourd’hui, est de valoriser de nouveaux héros : les criminels, des narcotrafiquants aux meurtriers.

Les narcocorridos sont la version « moderne » des corridos qui faisaient l’apologie des « gentils bandits » de la Révolution.

Aujourd’hui les héros de ces chansons sont des narcotrafiquants qui ont détrôné les héros révolutionnaires.

Dans son livre, Elijah Wald dégage les thèmes récurrents dans les narcocorridos. Il a effectué pour cela une enquête de terrain dans le milieu du narcotrafic et des narcocorridistas.

Ces chansons chantent les louanges des marginaux. En général, les narcocorridos relatent des aventures, des fuites, des trahisons tout ce qui peut avoir un lien avec le « narcocosme », el « negocio ».

Certains narcocorridos par exemple expliquent pourquoi les certaines personnes se tournent vers l’illégalité.

“el Agricultor”

los pumas del norte

Por ambición al dinero
me metí en el contrabando.
No soporté la pobreza,
las promesas me cansaron.
Me estaba muriendo de hambre
y todo por ser honrado
[…]
Hoy tengo mucho más dinero
y vivo como quería.
Sigo siendo agricultor,
nomás cambié de semilla.

Les narcotrafiquants sont perçus comme s’ils étaient de nouveaux « Zorros », des héros populaires qui lutteraient par l’intermédiaire de leurs crimes contre des autorités de plus en plus véreuses et parviendrait par ce biais à la gloire, la richesse et la prospérité. Le délit n’est jamais occulté.

Ils traitent également des autorités, des ennemis que sont la police.

Les corridistas expliquent qu’il faut s’en méfier mais aussi que parfois ils peuvent être plus véreux et corruptibles que n’importe quelle autre personne.

Les corridistas savent aussi chanter aussi la société mexicaine dans son ensemble, les histoires de famille, le rêve américain, la volonté de sortir de la pauvreté, les relations avec les états-uniens (6)….

Mais le narcocorrido, de par son nom reste et restera enfermé dans un cadre thématique contrairement à son « ancêtre », le corrido.

1 Voir CD, video « el celular » – los Tigres del Norte
2 Voir CD, Los tres gallos – los Tigres del norte
3 Voir CD « el crimen de Culiacan » – Chalino Sanchez
4 Voir CD la Reina del Sur – los Tigres del norte
5 Voir annexes
6 Voir CD el Gringo y el Mexicano – los tigres del norte

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