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I- UNE MENACE PERMANENTE : LES INONDATIONS

Selon Laganier (2007), les inondations correspondent à un phénomène de submersion temporaire, naturelle ou artificielle d’un espace terrestre. Ils constituent l’un des problèmes le plus courants et défiants de l’urbanisation dans la ville de Douala (Fogwe et Tchotsoua, 2007).

Le risque d’inondation peut être classiquement défini comme un évènement dommageable, doté d’une certaine probabilité, lié à la conjonction des pluies torrentielles et de la vulnérabilité des enjeux exposés. Dans la ville de Douala, l’on peut distinguer deux catégories d’inondations :

– Les inondations par débordement du lit des cours d’eau, généralement dans les zones de basse altitude et les vallées à fonds plats. C’est le cas dans les bassins versants du Tongo-Bassa, du Mbanya, du Bobongo, de Bonaberi et du Ngoua.
– Les inondations par engorgement des caniveaux bétonnés et buses dans les périmètres fortement urbanisés et imperméabilisés, due à la difficulté d’évacuation des eaux pluviales.

C’est le cas dans les quartiers d’Akwa (Carrefour Bonakouamouang, immeuble Dékage, Hôtel le Ndé…), Bonanjo et chefferie Bonapriso.

Les inondations menacent ainsi un grand nombre de quartiers dans la ville. Elles touchent aussi bien les quartiers spontanés (Zone Nylon, Bepanda, Bonaloka, Carrière, Dibom, Makepe Missoke, Longmayangui…) que les quartiers à fonction économique (Akwa, Bali, Mboppi). La série d’inondations qui a affecté la ville depuis les années 2000 témoigne de quoi la ville toute entière est exposée et peut être sujette aux inondations sous certaines conditions particulières telles que l’occurrence des jours d’averses de fortes intensités. Le relief de la ville y contribue considérablement, dans l’ensemble le site est quasi-monotone avec des zones hydromorphes et un réseau hydrographique très fourni, favorables aux inondations (Figure 6). Le tableau 4 présente un descriptif du réseau de drainage de la ville par bassin versant.

Tableau 22 : Descriptif du réseau de drainage

Source : Adapté d’après CUD, Novembre 2008

I.1. Les causes majeures

Sur la période 1951-2007, la moyenne interannuelle de précipitations est de 3864 mm. Cette moyenne relativement élevée qui fait de la ville un pôle pluviométrique par excellence n’explique pas seule la fréquence des inondations dans la ville de Douala. D’autant plus qu’après 1971 la ville de Douala se caractérise par une série d’années déficitaires en dépit de quelques années pluvieuses qui ne rompent pas la tendance générale et s’accompagne d’une baisse du
nombre de jours de pluies (Tchiadeu et Ketchemen, 2010). Ces anomalies négatives prêteraient à croire que les précipitations actuellement enregistrées n’ont pas d’impacts sur le cadre de vie des populations. En effet, si les volumes des précipitations, y compris celles des pluies extrêmes ont incontestablement baissé, il n’en serait pas de même pour leurs intensités. La ville de Douala est chargée d’enjeux et connaît une forte pression anthropique. De ce fait, les inondations sont essentiellement liées à un ensemble de causes qui accentuent le caractère endémique du risque d’inondation dans la ville.

I.1.1. L’occupation anarchique de l’espace urbain

L’occupation anarchique de l’espace urbain est consécutive à la tendance générale d’urbanisation de la ville, sujette à l’extension rapide du périmètre urbain et l’occupation spontanée de l’espace. Elle est alimentée par une croissance démographique moyenne, de l’ordre 3,46% et un important apport migratoire (27% d’émigrants contre 66% d’immigrants(7)).

L’occupation de l’espace urbain se matérialise par l’occupation des zones non eadificandis englobant les marécages, et les lits majeurs des nombreux cours d’eau qui parcourent la ville. La ville de douala a une densité de population très élevée avoisinant les 383 habitants au Km².(8)

Le problème majeur de la ville de Douala est qu’il faut canaliser la poussée démographique en perpétuelle croissance (Mainet, 1985). La ville qui s’étale aujourd’hui sur une superficie de 886 km² environ fut bâtie autour d’un noyau initial englobant les quartiers dit centraux du plateau Joss (quartier administratif et résidentiel), Akwa (essentiellement commercial), Bali, Deido (quartiers autochtones Douala), puis Bonaberi (villages autochtones, centre administratif et gare ferroviaire de Bonassama) et Bassa, centre industrielle en gestation à l’époque colonial (Mainet, Op.cit.). Des années 1960, à nos jours, la ville à évoluée en deux phases aux caractéristiques différentes mais ayant contribué à l’occupation anarchique de l’espace urbain :

D’abord par coalescence auréolaire des nouveaux quartiers autour des anciens, afin de bénéficier des avantages des services urbains de base dont ceux-ci disposent (eau potable, soins de santé, électricité, établissements scolaires). Il s’agit notamment des quartiers New-Deido, Bepanda, Ndoghem, Nylon et Tergal. Cette phase marque également l’occupation extrêmement rapide des secteurs encore vacants parce que impropres aux constructions (Nkolmintag, Babylone et Ngangue), proches et intérieur d’anciens quartiers (New-Bell). Tous ces sols hydromorphes furent colonisés par un habitat spontané extensif. Mais la ville restait jusque là, confinée dans les limites de la zone aéroportuaire au Sud-est, de la zone industrielle de Bassa Nord-est et celle de Bonaberi à l’Ouest. (Figure 5).

Ensuite par éclatement centrifuge dans tous les sens, notamment vers le Nord (Bepanda voirie, Yoyong, Makèpè Missokè) vers le Sud-est (Madagascar, Brazzaville, Soboum.). La progression du quartier Nylon s’est faite par la récupération de tous les espaces libres (Bilongué, Dibom, Ndogpassi). Enfin tout le long de la route Nationale N°3 (Douala-Yaoundé) et de l’axe urbain du Carrefour Ndokoti à Logbessou. De même que dans la sortie Ouest de la ville, le long de la route Nationale N°5 (Douala-Nkongsamba).

L’extension spatiale des espaces construits à largement débordé tous les sites initiaux peu ou moins dangereux et envahie les zones à risque, (lits majeurs, plaines inondables) amplifiant de manière démesurée l’exposition permanente aux phénomènes menaçants. De telle sorte que les quartiers sous intégrés au tissu urbain abritant pour la plupart les migrants venus de toute part s’avèrent être les plus vulnérables aux risques naturels. La démographie galopante n’est pas canalisée du fait de l’absence d’instruments juridiques de planification urbaine, révélatrice de la non maîtrise de l’espace urbain par la collectivité. Il en résulte un habitat désordonné et décousu, caractérisé par l’entassement des constructions désorganisées. Le seul plan directeur de référence pour la ville de Douala date de 1959 (Plan Dorian). Ceci est renforcé par l’insuffisance d’une politique de planification stratégique appropriée d’accès à la propriété foncière et d’octroi des permis de bâtir, du contrôle de terrains domaniaux et du suivi de la conformité des constructions. Cette situation témoigne en partie de la vulnérabilité plus forte aux risques d’inondations du fait de l’augmentation des constructions désorganisées.

Figure 6 : Evolution du périmètre urbain de la ville de Douala de 1916 à 2007

I.1.2. La mauvaise gestion des ordures ménagères et le non curage régulier des drains

Le réseau hydrographique de la ville s’organise en 9 bassins versants principaux qui sont du Nord au Sud : le Tongo Bassa, le Mbanya, le Mboppi, la Besseké, le Bobongo, le Ngoua, le Longmayangui et le Kambo sur la rive gauche du Wouri et l’Epolo sur la rive droite.

Les bassins versants de la ville s’organisent en deux zones :

– Une première zone à l’Ouest, où les pentes sont plus marquées et le lit mineur bien individualisé (Ngoua, Kambo, partie Nord du Tongo Bassa, Papas, Nsapé).
– Une deuxième zone à l’Est, aux pentes quasi-nulles constituant une zone d’épandage des crues dans un lit majeur plus vaste et marécageux, (Sous bassins sud du Tongo Bassa, Mbanya, Béssèkè, Bobongo, Mboppi, Epolo et autres bassin versants situés sur la rive droite du Wouri).

C’est essentiellement dans cette partie que s’installent les habitations spontanées sujettes à des inondations régulières en période de pluies.

L’accent est porté au réseau de drains puis aux ouvrages de franchissement. L’on compte 3 types d’ouvrages assurant le drainage des eaux pluviales: Les canaux bétonnés, les caniveaux et buses et les ouvrages de franchissement. D’après le rapport de la phase diagnostic sur les services urbains, infrastructures et équipements sociaux, les drains primaires et secondaires peuvent être divisés en 3 catégories :

• Les drains primaires aval : Ils présentent de faibles pentes, les habitations se sont développées dans ces zones et elles se situent pour certaines à moins de 0,5 m au dessus du terrain naturel.
• Les drains secondaires amont : Ces drains recueillent des débits relativement faibles et sont caractérisés par une pente assez forte et des dimensions réduites (largeur de 1 à 2m, hauteur de 0,5 m). Ils traversent des zones d’habitats denses et peuvent être localement encombrés par des habitations.
• Les drains secondaires et primaires des parties centrales des bassins versants : Ils collectent l’eau des drains précédents, ils recueillent donc des débits plus élevés et leurs dimensions sont variables (largeur de 2 à 5 m, hauteur de 0,5 de 1 m).L’emprise existante est plus large que pour les drains secondaires amont.
• Le réseau de drainage tertiaire : Il s’agit de caniveaux et de buses situés le long des voiries bitumées dans certaines zones dont le rôle est de collecter les eaux pluviales et de les acheminer dans les drains secondaires amont. La figure 6 présente le réseau hydrographique et ensemble des bassins versants de la ville de Douala.

Figure 7 : Réseau hydrographique et ensemble des bassins versants de la ville de Douala

(Source : CUD, Observatoire Urbain, Novembre 2007)

Les ouvrages de franchissement désignent les ouvrages permettant au réseau routier de franchir les drains. La majorité de ces ouvrages sont des dalots. On retrouve les buses dans les sites aménagés par la MAETUR et sur une partie des plateaux de Joss et Akwa, elles sont en béton armé de diamètre allant de 600 à 1800 mm.

L’une des causes des inondations habituellement avancée dans la ville de Douala est le sous dimensionnement des ouvrages de franchissement et de drainage. Les enquêtes de terrain et les entretiens avec le chef de service assainissement de la Communauté Urbaine de Douala révèlent que les ouvrages aujourd’hui considérés comme sous dimensionnés ne l’étaient pas initialement, bien que certains présentent déjà des sections insuffisantes.

En effet, d’une part les ouvrages construits il y a plus de 20 ans pour certains se trouvent obsolètes aujourd’hui car le fort taux d’urbanisation à conduit à l’augmentation de la proportion des espaces imperméabilisés (habitations, chaussées…), en réduisant du même fait l’infiltration et en accentuant le ruissellement des eaux pluviales. D’autre part le rejet de déchets dans les cours d’eau entraîne leur obstruction, empêchant l’écoulement libre dans les drains en amont et provoquant d’importantes inondations. Les dalots et les buses prévus pour l’écoulement des eaux se trouvent donc généralement obstrués par les alluvions et les ordures ménagères charriées par la rivière. D’où l’impossibilité pour ces ouvrages de permettre un bon écoulement des eaux.

C’est le cas du dalot de St Thomas, en amont du Kondi sur le tronçon routier de Logbaba à PK8 où les inondations et la stagnation des eaux pluviales entraîne régulièrement la rupture partielle du trafic et la dégradation de la chaussée. Il en est de même pour le dalot situé à l’entrée de la cité SIC des palmiers, en amont du Kondi, sur l’axe urbain allant de Ndokoti à PK14 et du dalot situé au niveau de la Chefferie Bonapriso, drain New Bell Sud (Photos 1 et 2). C’est fort de ces constats que nous préférons parler de l’obsolescence des ouvrages de franchissement et de drainage plutôt que de leur sous dimensionnement.

Les Photos 1 et 2 présentent respectivement le dalot situé au niveau de la Chefferie Bonapriso et celui situé au niveau du collecteur du Longmayangui, tous deux obstrués par les alluvions et les ordures ménagères qui empêchent un écoulement efficace des eaux pluviales. Les flèches en rouge indiquent les dalots et les buses d’écoulement des eaux. D’où les fréquentes inondations dans ces localités.

Photo 1 : Obstruction du dalot situé au niveau de la Chefferie Bonapriso © OLINGA, 09/2010

Photo 2 : Obstruction du dalot situé au niveau d’un collecteur du Longmayangui à Logbaba © J.OLINGA, 09/2010

Le tableau 5 présente les ouvrages de drainage dont le dysfonctionnement est à l’origine des inondations dans la ville de Douala.

Tableau 23 : Ouvrages de drainage dégradés à l’origine des inondations

Source : Enquêtes de terrain, et documentation CUD, Service Assainissement (2010)

Les cours d’eau constituent le plus souvent l’un des moyens d’évacuation des déchets domestiques solides dans la ville. Compte tenu de la faible quantité d’ordures ménagères collectées quotidiennement par la société Hygiène et salubrité du Cameroun (HYSACAM), 400 à 500 tonnes, contre environ 1100 tonnes produites. Liée coût élevé de cette activité (environ 2,3 milliards FCFA/an(9)), de l’inaccessibilité de plusieurs quartiers, et de l’absence du système de pré collecte. La pré collecte consiste à collecter les déchets des domiciles au lieu de dépôt de collecte agrée pour le transport final vers les décharges. Elle est fonction de la distance domicile – point de collecte, plus cette distance est grande moins les ménages y achemine leurs déchets (Tchuikoua, 2010). C’est ainsi que naissent des décharges sauvages. A cet effet, Tchuikoua (Op.cit.) propose une analyse par découpage de la ville en « territoire de salubrité urbaine » suivant des considérations morphologiques, liées aux voies d’accès et au type d’habitat. On a ainsi :

– Les territoires de salubrité entretenue: Il s’agit des plateaux propices à l’urbanisation (quartiers du plateau Joss, cités de la SIC, zone de recasement de Ndogpassi et les quartiers de Douala Nord), disposant d’un réseau de desserte interne bien structuré, entretenu et facilitant la circulation des camions de collecte. Ces quartiers sont tous inscrits dans le cahier de charge des prestations d’HYSACAM.

– Les territoires de salubrité intermédiaire: Ils sont à cheval entre les plateaux et les bas fonds impropres à l’habitat. Il s’agit des quartiers présentant d’une part des zones desservies par des voies carrossables et d’autres par des zones enclavées et difficilement accessibles aux véhicules de collecte. Ces quartiers sont pour certains inscrits dans le cahier de charge des prestations d’HYSACAM.

– Les territoires insalubres: Ils sont constitués essentiellement de bas-fonds constitués de zones non aedificandis, disposant quasiment pas d’un réseau de desserte interne. Par conséquent, ils ne sont pas pris en compte dans le cahier de charge des prestations d’HYSACAM.

Le noeud du problème réside dans le manque de synergie d’action entre la Communauté urbaine de Douala (CUD) et les communes d’arrondissement (CUAD) dans l’identification et la gouvernance des projets urbains. L’ambiguïté des relations entre ces acteurs participe à amenuiser l’efficacité de la gestion moderne des déchets, car les communes d’arrondissement participent faiblement au suivi des actions d’HYSACAM dans leurs territoires, en raison de la concentration des décisions en la matière par la Communauté urbaine de Douala et la faiblesse des moyens à disposition.

De ce fait, la capacité hydraulique de la quasi-totalité des collecteurs est réduite par ces déchets solides retenus dans leur course par les alluvions et colluvions et aussi par une végétation de « Phragmites australis », famille des Graminées, communément appelé roseau. Cette plante hygrophile envahissante ayant la capacité de stagnation est très commune le long des cours d’eau de la ville et constitue un véritable obstacle naturel. Il s’en suit l’obturation du lit des cours d’eau et des dalots de passage des eaux de pluies par les déchets solides (bouteilles plastiques, chaussures, vêtement usés et autres objets encombrants) piégés par la végétation. Cette situation participe à conférer aux cours d’eau et aux drains des mauvaises conditions d’écoulement. Les inondations parfois violentes par débordement du lit des cours d’eau qui en résultent sont accentuées par l’augmentation des débits de ruissellement due à l’accroissement des surfaces imperméabilisée par la densification de l’habitat et la construction de routes asphaltées telles que l’axe urbain allant de Bepanda Yonyong à Bonamoussadi, l’axe urbain allant de Makepe Missoke à Makepe St Tropez et l’axe urbain allant du Carrefour Zachman (Ndogbong) à Makepe Missoke.

Cependant, le curage des drains et des cours d’eau se fait à une fréquence très irrégulière. Pour des raisons d’insuffisance budgétaire, le curage des drains et des cours d’eau se fait à une fréquence d’une fois tous les trois ans. Cependant, une exception est faite pour les bassins versants dans lesquels en cas d’inondation, les crues sont susceptibles d’occasionner d’importants dommages.

Ainsi les drains et les cours d’eau parcourant des espaces chargés d’enjeux humains (forte concentration humaine), d’enjeux économiques (investissements, moyens de production et de distribution) ou d’enjeux infrastructurels (axes routiers stratégiques dans le transport urbain, patrimoine culturels, architectural, historique…) sont curés à une fréquence annuelle. Ceci explique le fait que certains drains tels que les collecteurs bétonnés d’Akwa, New Bell, Bonanjo et certaines portions des cours d’eau traversant un axe routier sont inscrits à l’ordre des priorités et d’autres pas.

Photo 3 : Obturation du drain New Bell Sud par les déchets solides, Bonapriso © OLINGA 09/2010

Photo 4 : Obturation du drain en amont du Kondi, route de Ndokoti à PK10 © OLINGA 09/2010

Les photos 3 et 4 mettent en évidence l’obturation du drain New Bell Sud (Chefferie Bonapriso) par les déchets solides, (Photo 3) et de la servitude de passage des eaux du drain en amont du Kondi, route de Ndokoti à PK10 (Photo 4). Les flèches en rouge indiquent les dalots et les buses d’écoulement des eaux. Il s’en suit habituellement le débordement du cours d’eau qui envahi environ 20 à 50 mètres de part et d’autre de ses berges en épandant les déchets sur la
même distance.

Lorsqu’il est effectué, le curage se fait habituellement de deux manières: Soit par une pelleteuse positionnée sur les berges et déblaie le lit du cours d’eau en évacuant les produits curés sur les berges. Soit manuellement lorsqu’il s’agit des drains bétonnés et des caniveaux. En ce qui concerne les cours d’eau le curage ne se fait pas tout le long du collecteur à cause d’une part de la présence des habitations jusque dans le lit majeur des cours d’eau. Ce qui limite le déplacement de l’équipement de curage sur tout le long de la rivière. Ainsi, seulement quelques portions des cours d’eau sont dégagées et approfondies.

La réalisation des divers travaux d’assainissement ne se fait pas sans conséquence, l’une des conséquences est la déstabilisation du profil hydrique (profil d’équilibre) de la rivière, c’est le cas de Bessèkè, et de Bessoussoukou. Par ailleurs, les produits sortis de ces secteurs curés ne pas immédiatement enlevés. Ils sont entreposés sur les berges et y séjournent parfois plusieurs jours, ce qui fait qu’ils retournent par gravité ou par ruissellement dans le lit.

I.2. Constat de l’endommagement

L’approche par le constat de l’endommagement des éléments vulnérables constitue une composante de l’approche systémique de la vulnérabilité et consiste à l’estimation de l’endommagement des enjeux exposés. Pour D’Ercole et Thouret (1996), il s’agit des préjudices spatio-temporels consécutifs aux inondations en termes de conséquences humaines, sur les activités socio-économiques, sur les moyens de production et sur l’emploi (en grande partie informel dans la ville de Douala).

Les dommages observés suite aux inondations dans la ville de Douala sont essentiellement les effets « tangibles », il s’agit des effets survenant durant ou immédiatement après l’inondation. Notamment les dommages causés aux personnes (pertes en vies humaines comme ce fut le cas lors des inondations du 2 et 3 août 2000 et celles de juillet 2009) aux biens, et aux infrastructures, ainsi que la pollution des puits.

Actuellement, il n’existe pas une base de données contenant les inondations antérieures (date, ampleur, hauteur d’eau, dégâts humains et matériels et actions entreprises). Les données et informations recueillies à l’échelle de la Commune sont présentes de façon éparse, collectées sur la base de celles disponibles auprès des Directions et services techniques de la Communauté Urbaine de Douala (Direction des Grands Travaux, Direction des Etudes, de la Planification Urbaine et du Développement Durable, Cellules des Risques Urbains) et des Communes Urbaines d’arrondissement.

Du fait des insuffisances généralement observés en matière de données et d’informations, la presse locale (y compris les systèmes d’information en ligne) a joué un rôle non négligeable dans la collecte des informations, de même que les travaux de terrain qui ont permis de combler ces insuffisances grâce aux souvenirs d’acteurs (personnes sinistrées ou proches de celles-ci, personnes ressources de la Communauté Urbaine de Douala).

Les photos 5 et 6 présentent les dommages observés suite aux inondations. D’une part nous avons la pollution des puits par les eaux souillées et les déchets solides, (Photo 5) et d’autre part des véhicules et des habitations littéralement immergées (Photo 6). La stagnation de ces eaux peut parfois durer plusieurs jours.

Photo 5 : Puits pollué suite aux inondations au quartier Carrière. © OLINGA 07/2010.

Photo 6 : Véhicules et habitations immergés au quartier Akwa © www.bonaberi.com, 09/2009

Le tableau 6 présente la nature des dommages des inondations majeures enregistrées dans la ville de Douala de 1990 à 2009 :

Tableau 24 : Inondations majeures enregistrées dans la ville de Douala de 1990 à 2009

Source : Travaux de terrain, et documentation CUD (2010)

Photo 7 : Chaussée totalement inondée au quartier Bonapriso © www.bonaberi.com, 09/2009.

Photo 8 : Chaussée et habitations inondée au quartier Bonapriso, aucune trace de bitume visible © www.bonaberi.com, 09/2009

Les photos 7 et 8 présentent la chaussée et les habitations inondées à Bonapriso, un des quartiers centraux de la ville. Avec pour conséquence le blocage de la circulation, la perturbation du trafic, le ralentissement des transports et l’arrêt momentané des activités économiques. On a également observé l’épandage des déchets après le départ des eaux.

En plus des effets « tangibles » des inondations que sont les dommages causés aux biens, aux personnes, aux activités et aux infrastructures, on prend de plus en plus conscience de l’importance des effets « intangibles », à la fois physiques et psychologiques, qui ont été habituellement sous-estimés lors de l’évaluation des conséquences. Il s’agit des effets à plus long terme, susceptibles d’apparaître après des mois ou des années et/ou durer des mois voire des années (OMS, 2002). Cependant la difficulté ici est liée à la complexité d’effectuer une estimation réelle de ces derniers effets. D’autant plus que lorsqu’ils ont lieu, ils ne sont pas recensés et déclarés. Ils incluent :

• Les maladies infectieuses (maladies gastro-intestinales, dermatites, conjonctivites, cholera) et quelques cas de maladies transmises par vecteur. L’incidence des maladies présentes avant une inondation peut augmenter en raison des dysfonctionnements subis par le réseau d’assainissement des eaux ou des conditions de vie des personnes sinistrées.
• L’état de stress post-traumatique, ce qui inclut l’angoisse et la dépression liée au déplacement géographique, les dégâts subis par les habitations ou la perte d’objets personnels.
• Les atteintes au patrimoine écologique, culturel et esthétique sont également importantes mais restent difficile à évaluer avec précision.

De façon globale, dans la ville de Douala la lutte contre les inondations n’a connu que de succès éphémères et par endroits (Fogwe et Tchotsoua, 2007). En plus des risques d’inondation, le site de la ville de Douala est soumis à une évolution morphologique de plus en plus rapide qui se justifie par la prolifération des ravins et des glissements de terrain dans la ville.

La figure 7 présente la répartition des zones inondables dans la ville de Douala. Les zones à risques d’inondation ou zones inondables désignent dans le cadre de ce travail les espaces de la ville susceptibles de faire l’objet de submersion naturelle, temporaire ou durable. Cependant, un distinguo mérite d’être fait. Un espace peut être situé en zone inondable mais n’est pas habituellement inondé. Il apparaîtra ainsi des espaces où aucune trace d’inondabilité n’est perceptible d’après l’interprétation géomorphologique mais qui pourtant ont fait l’objet d’inondation et vis versa. L’on constate aisément que les zones inondables se localisent globalement dans les zones de faible altitude Ouest (Bonaberi) et Sud de la ville. Cependant, les vallées des plateaux Nord Est de la ville, notamment du Tongo Bassa font également l’objet de fréquentes inondations.

Figure 8 : Répartition des zones inondables dans la ville de Douala (2011)

7 Études socio-économiques régionales au Cameroun, province du Littoral, Yaoundé 1999.
8 Données de la Direction de la statistique et de la comptabilité nationale (DSCN) du MINEFI.
9 Source : Communauté Urbaine de Douala.

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