Les modes de financement islamique proposés présentent beaucoup de limites dans leur exécution, d’où le souci de faire l’inventaire des risques financiers islamiques.
Les produits islamiques, vus leurs caractères spécifiques, présentent d’abord des risques spécifiques c’est-à-dire des risques qu’on ne rencontre pas généralement dans la finance conventionnelle. Selon V. Sundarajan : « la gestion des risques doivent être renforcée au niveau de ces institutions… C’est parce que les IFI sont face à une mélange unique de risque qui se pose à la fois de la conception contractuelle de base sur le partage ».(26)
Selon le directeur de l’Institut Islamique de Recherche et de Formation (IIRF), Mabid Ali Al-Jarhi, tout en reconnaissant que « le concept de finance islamique contient des caractéristiques propres qui renforcent la discipline de marché et la stabilité financière », avance que « l’industrie de la finance islamique génère un certain nombre de risques systémiques »(27). Selon lui cette exigence s’explique par la nouvelle microstructure des modes de financement islamiques et des caractéristiques particulières du risque unique lié aux ressources et aux emplois. L’IIRF (2002), à travers ses études, présentent les risques encourus par les IFI en deux catégories : les risques communs avec les banques traditionnelles en tant qu’intermédiaires financiers et les risques propres aux banques islamiques liés à leur conformité aux règles de la Charia.
Parmi les risques communs avec les institutions financières traditionnelles, il y a le risque de crédit, le risque de marché, le risque d’illiquidité, le risque opérationnel. Cependant « le degré d’importance de certains de ces risques diffère pour les banques islamiques à cause de leur conformité à la Charia ».
En plus de ces risques, les IFI ont leurs propres risques qui « émanent des caractéristiques propres de la structure actif-passif des banques islamiques ».(28)
L’IIFR met en exergue le mécanisme de partages des profits et des pertes qui engendre des risques supplémentaires tel le risque de retrait, le risque fiduciaire et des risques commerciaux déplacés.
Le risque commercial déplacé est très important en finance islamique. Ce risque émane des comptes d’investissement (Profit Sharing Investisment Account) qui nécessite le partage des profits entre la banque et les titulaires de ces comptes. Si en théorie les profits sont partagés en ratio préaccord et que les pertes sur les actifs sont à la charge des titulaires des comptes PSIA, en pratique le concept de partage des bénéfices réels avec les titulaires des comptes d’investissement est loin d’être la commune pratique des banques islamiques (Kaouther TOUMI, 2009). L’analyse des rendements sur les dépôts bancaires montre qu’il ya un lissage considérable sur les comptes PSIA car les banques absorbent une partie des pertes et coûts normalement supportés par les titulaires de ces comptes (Sundararajan, 2008 ; Toumi, 2009).
D’après une étude de l’IIFR (2002, p.67), le risque de marge (semblable à celui du taux d’intérêt) est plus importante avec un score de 3,07 suivie du risque opérationnel (2,92) et du risque d’illiquidité (2,81). Alors que le risque de crédit est le risque le plus répandu au niveau des institutions financières, les établissements financiers islamiques ne le perçoivent pas comme étant un risque aussi important (2,71) et le risque de marché est considéré comme étant la moins grave (2,50).
En ce qui concerne les risques liés aux différents modes de financement, la Moucharaka est le plus risqué parmi les modes de financement participatif (suivi par Moucharaka dégressive et la Moudaraba) avec des scores suivants : risque de crédit (3,69), risque de marge (3,4), risque d’illiquidité (2,92) et risque opérationnel (3,18) (BID, 2002, p. 68). Pour les modes de financement avec coût plus marge Mourabaha est le moins risqué parce qu’il est conçu comme le prêt à intérêt classique. Ceci s’explique par le fait que les normes internationales du Comité de Bâle II peuvent s’appliquer sur le contrat Mourabaha en ce qui concerne la gestion des risques. Contrairement aux produits plus proches de la philosophie musulmane tels que la Moucharaka qui nécessite des clauses spécifiques vu le degré élevé du risque.
Selon l’IIFR la plupart des spécialistess considèrent que les normes proposées par le Comité de Bâle sont applicables aux banques islamiques (BID, 2002, p.82). « Cependant, la difficulté apparait au niveau de l’application des normes de risque pondéré aux banques islamiques, à cause des caractéristiques différentes des modes de financement islamiques.
Ce problème peut-être surmonté par l’adoption de l’approche basée sur le rating interne prévue par le Nouvel Accord de Bâle. » (BIB, 2002, p.169). Pour O. ELKETTANI (2010)(29), il a développé les règles de gouvernance managériale qui ont pour objectif de concilier entre la gestion et la minimisation des risques et l’objectif de performance de rentabilité c’est à dire le choix prioritaire sur les financements à caractère commercial comme la Mourabaha tandis que la Moucharaka étant plus risquée, vient en second lieu. Pour Mouhamed EL KORCHI (2005), il a de façon générale montré quelques problèmes de règlementation particuliers que rencontrent les banques islamiques, à savoir l’absence de normes communes de déclaration et de comptabilité. Il a souligné aussi l’effort considérable des organismes de règlementation financiers islamiques sur le contrôle des produits financiers islamiques basés sur le principe des 3P (partages des pertes et des profits) qui sont la Mousharaka et la Moudaraba.
La Moucharaka comporte une variété de risques qui sont le risque sur le capital et le risque de crédit. Les banquiers islamiques subissent beaucoup de pertes financières dans un tel produit.
Sa gestion est très complexe et méritent plus d’ingéniosité de leur part. Ainsi pour réduire les pertes sur le capital M’rad (2011, p.94) propose de combiner le contrat initial de Moucharaka avec une vente différée. Ainsi au lieu de fournir le capital en numéraire à la société, l’investisseur vend une partie de sa participation à un prix différé donné et couvre partiellement son risque financier tout en gardant une participation aux gains de la société.
Cette approche reflète le principe du partenariat de la Charia qui permet aux partenaires de ne pas gérer eux-mêmes la Moucharaka s’ils ne le souhaitent pas.
De nos jours les banques islamiques utilisent davantage des techniques classiques comme la Var ou le RAROC pour mieux gérer les risques sur leurs produits. Par exemple le RAROC qui est utilisé à 47,1 % par les banques islamiques constituent une technique fiable et efficace pour atténuer le risque de crédit et les pertes financières (BID, 2002). Le RAROC est utilisé pour déterminer le capital propre assigné aux différents modes de financements qui ont des profils de risques différents.
La Mourabaha par exemple est considérée comme le mode de financement le moins risqué par rapport aux autres modes de financement comme la Moucharaka.
A côté de cette documentation, notre travail permettra de répondre à quelques questions liées à la finance islamique notamment sur une bonne gestion de risques.
De même elle constituera une référence pour les étudiants de la Faculté des Sciences économiques et de Gestion (FASEG) qui s’intéresseront d’avantage sur la finance islamique.
26 V. Sundararajan, 2003
27 BID, IIFR, 2002.
28 BID, IIFR, 2002.
29 O. ELKETTANI, « Les services financiers et la gestion des risques des banques islamiques ». Avril 2010.