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I.3. L’étant

Aristote est sans doute celui qui, pour la première fois, parle d’une science qui étudie l’étant en tant qu’étant et les attributs qui lui appartiennent essentiellement. L’étant se dit de tout ce qui a l’être : « ens dicitur quasi esse habens (21).» Il n’y a d’étant qu’en tant que celui-ci possède l’être. On voit déjà poindre d’une certaine façon le problème de la différence ontologique. L’être est inhérent à l’étant, il est, aux dires de Thomas, « ce par quoi une réalité existe (22)» . Comme le souligne A. Léonard, l’être, « n’étant pas lui-même le sujet qui exerce l’acte d’être, il n’est pas lui-même quelque chose qui est, à savoir un étant, mais plutôt ce par quoi tout étant est. (23)»

Pour parler de cette différence, le Docteur Angélique utilise le schéma sujet-forme où l’être serait la forme, et l’étant, le sujet qui recevrait, à la manière d’un réceptacle ou mieux, d’un substrat indifférencié, cette forme qu’est l’être (24). Mais c’est un schéma erroné dans la mesure où le sujet est lui-même de l’être, puisque rien ne peut être ajouté à l’être qui ne soit pas encore de l’être. L’étant ne peut donc pas être isolé de l’être, quitte à le rendre inintelligible et inconnaissable. La compréhension, la connaissance de l’étant en appelle au concept de l’être, car l’être est justement ce par quoi l’étant est tel, c’est-à-dire « étant ». L’étant est une réalisation, une manifestation de l’être (qui n’épuise pas l’être), dans la mesure où il possède l’être, et en tant qu’il en participe. Heidegger, qui a savamment étudié la différence ontologique, affirme ainsi que « dire l’étant comme tel, cela implique : comprendre d’avance l’étant comme étant, c’est-à-dire son être. (25)» L’étant se définit donc par l’être sans pourtant être l’être.

Dans un étant concret, il convient de distinguer ce qu’il est (quid est), c’est-à-dire « l’ensemble de notes qui le déterminent et en font un quid, ceci ou cela, permettant à la pensée de le cerner intelligiblement et de le classer (…) (26)» et son acte même d’être, c’est-à-dire ce qui le fait apparaître « comme existant, se posant là et s’imposant, excluant le néant, émergeant du possible, de ses causes, etc. (27)» Ce double aspect de l’étant exprime en réalité une distinction, celle existant entre l’essence et l’existence.

21 THOMAS D’AQUIN, In Metaphysicam Aristotelis commentaria, 2419, cité par G. PLANTE, Umberto ECO et la question de l’être, in www.thomas-d-aquin.com/Pages/Articles/UMBERTO_ECO.pdf, visité le 20 novembre 2012.
22 THOMAS D’AQUIN, Somme théologique, I, q. 75, a. 5, solution 4.
23 A. LEONARD, op. cit., p. 47.
24 Cf. ibid., p. 49.
25 M. HEIDEGGER, Introduction à la Métaphysique, Paris, Gallimard, 1967, p. 91.
26 J. DE FINANCE, op. cit., p. 45.
27 Ibid., p. 46.

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