Comme nous l’avons signalé précédemment, environ 200 000 personnes utilisent aujourd’hui la LSF comme langue principale. Mais pourtant, seulement 15 écoles sont destinées aux enfants sourds et dispensent des cours en LSF. Cela préfigure la difficulté que peut rencontrer un entendant qui souhaite apprendre cette langue, si les sourds eux-mêmes y ont difficilement accès… Cette difficulté ne réside pas seulement dans la formation, mais dans l’apprentissage lui-même de cette langue aux codes hors du commun.
I.3.2.1 Une expérience personnelle enrichissante
Tout d’abord, on peut affirmer que la découverte est encore plus grande lorsqu’on apprend la LSF que lorsqu’on apprend n’importe quelle langue étrangère : en effet, ce ne sont pas seulement de nouveaux mots ou sonorités mais c’est tout un rapport au corps et de nouveaux codes inhabituels qu’il faut (ré) apprendre.
Certaines règles de base de la LSF paraissent logiques et pourtant elles ne sont pas forcément naturelles et évidentes pour les entendants. Comme par exemple le fait de devoir impérativement se tenir face à son interlocuteur, et dans un espace éclairé, pour pouvoir converser. De même, pour appeler quelqu’un, il sera nécessaire de se placer devant lui ou d’établir un contact physique pour lui signaler notre présence si l’on se trouve derrière lui.
Contrairement au vocabulaire de la langue écrite dont on n’a pas nécessairement besoin de connaître l’origine pour en comprendre le sens, l’origine des signes doit être expliquée. Elle peut être variée : une caricature, un visuel, une explication historique…
Par exemple, le mot “blanc” se signe par un geste de poing fermé qui s’éloigne du coup en s’ouvrant (voir ci-dessous) : il rappelle en fait la fraise (vêtement) portée par les hommes au XVIe siècle. Si l’on ne connaît pas l’origine de ce signe on peut difficilement le reconnaître.
Cette approche de la langue est donc une expérience très enrichissante d’un point de vue personnel puisqu’elle fait appel à la fois à la mémoire, la coordination, l’imagination ; tant de compétences qui sont utiles au quotidien. Pourtant, peu de gens font la démarche de l’apprendre, elle est encore bien souvent considérée par les entendants comme uniquement utile pour discuter avec une personne sourde de leur famille.
I.3.2.2 Se former en tant qu’entendant
Au-delà des considérations d’ordre relationnel que nous avons évoquées plus haut, se former à la LSF en tant qu’entendant peut aussi présenter des difficultés d’ordre pratique.
En effet, pour apprendre cette langue il faut beaucoup de temps et de persévérance : une année d’apprentissage permet seulement d’amorcer un dialogue en utilisant quelques signes génériques. On estime à 150 heures le minimum d’apprentissage permettant d’avoir une première conversation. Il faut donc y consacrer du temps, et pour progresser vite, il est en plus conseillé d’aller à la rencontre des sourds, dans les cafés, centres ou foyers spécialisés.
Il existe de nombreux lieux de formation accessibles aux entendants. Ces centres peuvent être de différentes natures : associatifs, culturels, professionnels ou universitaires.
Les principaux lieux de formation sont : l’Académie de la Langue des Signes Française(15)(ALSF), l’International Visual Theatre(16) (IVT) et l’association Deux Langues Pour une Education(17) (2LPE). Ces formations ont bien entendu un coût, qui peut parfois être élevé.
Dans tous les cas, l’apprentissage de la LSF requiert une réelle motivation, un certain goût pour la découverte et une sincère sensibilité altruiste. En plus d’être une expérience enrichissante d’un point de vue personnel, elle peut bien entendu également soulever des enjeux professionnels.
15 Première association de cours de LSF à Paris, créée en 1979, Paris 19e.
16 Laboratoire de recherches artistiques, linguistiques et pédagogiques sur la langue des signes, les arts visuels et corporels, Paris 9e.
17 Association pour l’éducation bilingue LSF/Français des enfants sourds en immersion dans les classes de l’éducation nationale.
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