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II) Dérogations obtenues

ADIAL

Le secteur de l’assurance a réussi à obtenir des dérogations à la prohibition de toute
discrimination fondée sur l’état de santé (A) ainsi que sur le sexe (B), bien que cette dernière
soit mise sur la sellette.

A) Etat de santé

L’article 225-3 du Code pénal pose l’exception à l’interdiction de principe de toute
discrimination fondée sur l’état de santé. Le législateur a donc pris le soin de préciser que le
délit de discrimination fondé sur l’état de santé n’était, pour les assurances de personnes, pas
applicable, lorsque ces discriminations « consistent en des opérations ayant pour objet la
prévention et la couverture du risque décès, celle des risques portant atteinte à l’intégrité
physique de la personne ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité »(38). Les
assureurs de ces différents risques ont donc le droit, sauf à y renoncer de leur propre initiative,
de s’intéresser à l’état de santé des candidats à l’assurance et de leur poser des questions à ce
sujet avant de décider de les assurer ou de les classer dans telle ou telle catégorie tarifaire.
Le délit pour cause de discrimination étant inapplicable à ces opérations d’assurance, les
assureurs peuvent donc, dans ces cas, légalement opposer des refus d’assurance. Des refus qui
auraient été, dans tout autre secteur, sanctionnés pénalement car objectivement et
indiscutablement discriminatoires, ne le sont pas en assurance.

Il ne faut toutefois pas se méprendre sur la portée de cette exception. La discrimination
concernant d’autres couvertures que celles décrites précédemment tombent sous le coup de la
loi pénale. En revanche, en matière d’assurance prévoyance complémentaire, les assureurs
son assujettis aux dispositions de la loi Evin, lesquelles posent des limites à la faculté de
sélection de l’assureur.

Outre l’état de santé, le sexe bénéficie également de dérogation, mais cette fois uniquement en
matière de segmentation tarifaire (B).

B) Sexe

Une politique de promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’accès et la
fourniture de biens et services a été lancée au niveau communautaire. Elle s’est notamment
traduite par l’adoption de la directive 2004/113/CE du 13 décembre 2004(39), qui instaure le
principe d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes tant dans l’accès que la
fourniture d’un bien ou d’un service, et interdit donc toute discrimination fondée sur le sexe
en matière d’accès aux assurances comme de politique tarifaire, tel qu’énoncé aux articles 21
et 23 de la Charte des droit fondamentaux auxquels la directive fait expressément référence.
Cette directive établit ainsi à son article 5, paragraphe 1, la règle des « primes et prestations
unisexes » qui repose sur l’interdiction de prendre en considération le critère du sexe pour
calculer les primes et les prestations d’assurance des contrats d’assurance conclus après le 21
décembre 2007.

Sous l’impulsion du droit communautaire, le critère du sexe a donc aussi été interdit pour la
segmentation tarifaire (considérée comme une discrimination indirecte dans la fourniture d’un
service)(40).

Toutefois, faisant valoir que dans certains cas le sexe était un facteur déterminant dans
l’évaluation des risques couverts (Considérant 19 de la directive) et que l’utilisation de
facteurs actuariels liés au sexe était très répandue dans la fourniture de services d’assurance,
l’industrie européenne des assureurs a obtenu une dérogation. À ce titre, la directive a prévu la
faculté pour les États membres de décider, avant le 21 décembre 2007, « d’autoriser des
différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque
le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données
actuarielles et statistiques pertinentes et précises ». La possibilité de déroger n’était ouverte
que lorsque le droit national n’a pas déjà appliqué la règle des primes et des prestations
unisexes. On relève ainsi que la Belgique, la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, la Lettonie, la
Lituanie, les Pays-Bas et la Slovénie appliquaient déjà des primes d’assurance unisexes dans
l’assurance automobile(41).

Cette directive a été transposée en droit interne par l’article 12 de la loi n° 2007-1774 du 17
décembre 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans les
domaines économique et financier. Il insère un article L 111-7 dans le Code des assurances,
lequel dispose que : « toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la prise en compte
du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations ayant pour effet des
différences en matière de primes et de prestations est interdite.»

De nombreux États membres ont fait usage de cette dérogation au principe de l’égalité de
traitement pour un ou plusieurs types d’assurance. Ce fut notamment le cas de la France.
Ainsi, l’arrêté du 19 décembre 2007(42) a introduit un article A. 111-4 au Code des assurances
qui énonce que « tant que les données mentionnées à l’article L. 111-7 le justifient, la prise en
compte du sexe peut entraîner en matière de primes et de prestations des différences
proportionnées aux risques [dans le domaine de l’assurance automobile]. »

Le législateur français a également fait usage de cette faculté de dérogation aux articles L.
111-7 et A.111-1 à A 111-5 du Code des assurances et à l’article L. 112-1-1 du Code de la
mutualité. Il s’agit notamment des opérations visées dans les branches suivantes : l’accident, la
maladie, l’assurance des véhicules terrestres, la responsabilité civile automobile, la vie-décès,
l’assurance liée à des fonds d’investissement, les tontines, le régime particulier d’opérations
collectives.

Compte tenu des techniques de l’assurance, cette dérogation se justifie aisément.
« Collectivement considérés, en fonction de leurs sexes, les hommes et les femmes sont
évidemment et objectivement inégaux en termes d’espérance de vie. Les tables de mortalité
indiquent partout que les femmes vivent dans leur ensemble plus longtemps que les hommes.

L’assurance ne consiste-t-elle pas, depuis toujours, à différencier les assurés selon le risque, et
selon le degré d’exposition au risque ? Et la mutualisation conduit nécessairement à une
tarification collective pour la catégorie d’assurés définie objectivement. De ce point de vue, si
les hommes et les femmes sont tous exposés au risque de mort, ils ne le sont pas également en
ce qui concerne la date de survenance du risque. Cela a des conséquences sur les prestations
dues par les assureurs, et donc sur les primes. »(43)

Parmi les pays ayant utilisé la faculté de dérogation au principe d’égalité figure la Belgique,
dont la loi du 21 décembre 2007 concernant les contrats d’assurance sur la vie déclencha le
procès remettant en cause la validité de la dérogation.

Parallèlement à ces critères de segmentation ou de sélection qui sont tolérés, d’autres restent
interdits (chapitre 2).

38 Art. 225-3-1° du Code pénal.
39 Directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en oeuvre le principe de l’égalité de
traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et des services et la fourniture de biens et
services (JOUE du 21 décembre 2004).
40 Article 2 de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit
communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
41 Annexe 1 Lignes directrices Commission.
42 JO du 20 décembre 2007.
43 G. PARLEANI, « Droit européen, droit fondamentaux », Revue Générale du droit des assurances, 2011, p 851.

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