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II) Recherche inéluctable de palliatifs

ADIAL

La contradiction des paragraphes 1 et 2 de l’article 5 a conduit la CJUE dans une impasse.
Dorénavant, les statistiques établies en fonction du sexe ne sont plus admises pour fonder des
différences de primes et prestations entre les assurés.

Le critère du sexe constitue certes un facteur d’évaluation des risques mais ne peut plus
juridiquement fonder des différences de primes et prestations entre les assurés. En d’autres
termes, seules les discriminations fondées systématiquement sur le sexe sont condamnées :
l’arrêt Test-Achat n’implique pas que les femmes devront toujours payer les mêmes primes
d’assurance automobile que les hommes. La Commission européenne souligne par exemple
qu’un jeune conducteur ne pourra plus payer une prime supérieure à celle d’une jeune
conductrice au seul motif qu’il est un homme. « Les primes facturées aux conducteurs
prudents, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, continueront de baisser en fonction de leur
conduite individuelle » et « le prix continuera de refléter le risque », assure la Commission.

Le critère du sexe a ainsi été prohibé. L’égalité entre les sexes est à présent strictement
proclamée. Dès lors, aucune différenciation de primes ou de prestations ne serait tolérée
compte tenu de ce critère, et ce quand bien même il serait démontré objectivement via des
statistiques que le degré d’exposition au risque des femmes peut être, selon les risques, plus
ou moins élevé par rapport à celui des hommes. Ainsi, la segmentation fondée sur le sexe
n’est plus admissible. Le sexe ne figure plus au rang des critères qu’il est permis d’utiliser
pour la segmentation tarifaire. Rien n’empêche de lui substituer d’autres critères de
segmentation. Tel que le préconise Monsieur Mayaux ou G. Parléani, il faut concevoir
d’autres « causes objectives de discrimination »(66), recourir à d’autres critères de distinction
que le sexe, et qui seraient pour leur part insoupçonnables. Il est alors possible d’établir des
catégories en dehors du sexe, dès lors que la constitution de la catégorie s’opère en se fondant
sur un critère qui n’exclut que les personnes qui sont dans une situation objectivement
distincte de celles qu’elle inclut. Un soin particulier doit être porté au choix du critère
employé pour la définition de la catégorie. Il doit être choisi méticuleusement, de sorte qu’il
n’aboutisse pas à une discrimination indirecte prohibée, en excluant principalement les
personnes appartenant à l’un ou l’autre sexe.

L’arrêt Test-Achats s’est borné à examiner l’utilisation du sexe comme facteur d’évaluation
des risques, il n’a pas abordé la recevabilité d’autres facteurs utilisés ou qui peuvent l’être par
les assureurs. Conformément à l’article 2, point b), de la directive, il y a discrimination
indirecte lorsqu’un facteur de risque apparemment neutre désavantage en particulier les
personnes d’un sexe. Cependant, contrairement à la discrimination directe, la discrimination
indirecte peut être justifiée si le but est légitime et si les moyens d’y parvenir sont appropriés
et nécessaires. Selon la Commission européenne, l’utilisation de facteurs de risque
susceptibles d’être corrélés au sexe reste par conséquent possible, dès lors qu’il s’agit bel et
bien de facteurs de risque réels. Par exemple, une différenciation des prix fondée sur la taille
du moteur de la voiture dans le domaine de l’assurance automobile doit rester possible, même
si statistiquement les hommes conduisent des voitures au moteur plus puissant. Tel ne serait
pas le cas d’une différenciation, en matière d’assurance automobile, fondée sur la taille ou le
poids du conducteur.

Par conséquent, en assurance sur la vie, laquelle repose sur des tables de mortalité établies en
fonction du sexe, pour les nouveaux contrats conclus à compter du 21 décembre 2012 et bien
que ces tables de mortalité fournissent des indications statistiques claires en fonction du sexe,
il sera à terme impossible d’y recourir. Il faut donc trouver de nouveaux critères de
segmentation de substitution, qui permettront la constitution de groupes d’individus exposés
de façon similaire au risque de mort.

Une segmentation selon l’âge des assurés au moment de la souscription de leur contrat semble
alors acceptable. Tel que l’indique dans ses conclusions l’avocat général Kokott, l’âge d’une
personne est soumis à des modifications naturelles, contrairement à son sexe.

Selon ce raisonnement, l’âge ne serait pas remis en cause, puisque tout individu a vocation à
devenir vieux. Par analogie, il en serait de même, pour le critère de l’état de santé, dès lors
que personne n’est à l’abri de rien, et chaque bien portant est un malade potentiel.

On peut aussi imaginer des critères sociaux, ou des critères professionnels. À ce titre, on
constate que les contrats collectifs par profession, entreprise, ou branche d’activité, sont
construits à l’évidence sur d’autres paramètres objectifs que le sexe, même si, dans les faits, la
proportion d’hommes et de femmes peut être variable selon les secteurs d’activité.

On pourrait alors songer à des tables de mortalité établies sans distinction de sexe, selon la
catégorie socioprofessionnelle. Ces dernières pourraient a priori être utilisées licitement dans
la mesure où la catégorie socioprofessionnelle ne figure pas parmi les motifs discriminants
prohibés. Aussi, les statistiques montrent clairement que les cadres ont une espérance de vie
plus élevée que les ouvriers, ce qui s’explique par ailleurs socio-économiquement.
La constitution de groupes mixtes n’est pas impossible, pourvu qu’ils ne dépendent pas en fait
de l’un ou de l’autre sexe, ce qui implique qu’ils soient véritablement constitués sur d’autres
critères objectifs et non prohibés. La voie la plus simple consistera sans doute à rassembler les
hommes et les femmes au sein de mêmes catégories.

La prime devra alors être dépendante du degré moyen d’exposition au risque d’une catégorie
d’assurés mixtes ou « asexuée».

Quoi qu’il en soit, il est indéniable que le passage à une méthode de calcul des prix sur la base
d’une règle unisexe engendrera des conséquences individuelles avec des rectifications à la
hausse comme à la baisse. Ainsi, en matière d’assurance vie, les hommes dont l’espérance de
vie est moins importante que celle des femmes paient aujourd’hui des cotisations d’assurance
décès plus élevées, dans la mesure où leur probabilité de mourir prématurément est plus forte.

La décision de la Cour de justice leur sera donc favorable. À l’inverse, la rente viagère servie
aux hommes après transformation d’un capital en rente par les assureurs devrait baisser au
profit de celle accordée aux femmes. De même, en assurance automobile, les femmes verront
le montant de leurs primes augmenter. Les statistiques montrent que les femmes provoquent
moins d’accidents graves que les hommes, surtout jeunes. En conséquence, les sinistres
automobiles causés par les femmes coûtent moins cher et celles-ci bénéficient de tarifs
d’assurance automobile plus avantageux. Un alignement des prix et prestation s’annonce.

Et, nouvelle application de la théorie des dominos, cette prohibition d’user du critère du sexe
en vue de la sélection et de la segmentation tarifaire ne pourrait-elle pas, un jour, être étendue
à d’autres critères, jugés à leur tour discriminatoires ? (Titre II)

66 G. PARLEANI, Droit européen, droit fondamentaux, RGDA 2011p 851.

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