Que cela soit vis à vis des autres guides-conférenciers, des interprètes en LSF, sourds ou entendants, le guide-conférencier LSF devra se démarquer et trouver sa place. Comme nous l’avons vu précédemment, l’offre est très faible comparée à la demande et l’on pourrait donc croire qu’il n’y a pas de réelle concurrence ; mais en réalité, la communauté sourde est un milieu où tout le monde se connaît et un monde dans lequel entrer en tant qu’entendant n’est pas toujours aisé.
II.2.2.1 Etre guide-conférencier LSF en étant entendant
Pour des raisons pour la plupart historiques, la relation entre sourds et entendants a longtemps été conflictuelle. Apprendre la LSF et travailler avec les sourds lorsqu’on ne l’est pas soi-même peut parfois même être mal perçu(24) : être en concurrence au niveau professionnel peut donc générer des tensions. En effet, malgré les efforts et moyens mis en œuvre par le gouvernement et les entreprises, le nombre de sourds au chômage reste bien supérieur à la moyenne nationale : environ 30% selon les estimations de l’Union Nationale des Associations de Parents d’Enfants Déficients Auditifs (UNAPEDA)(25).
Etre guide-conférencier en étant entendant peut donc être malvenu parmi les guides sourds, ou la communauté en général, en droit d’estimer qu’il y a déjà peu de métiers qui leur est accessible et qu’ils n’ont donc pas besoin d’entendants pour les exercer à leur place. La subtilité résidera alors dans le fait de ne prendre la place de personne, mais de trouver la sienne pour pouvoir travailler ensemble. Chacun aura ainsi quelque chose à apporter à l’autre.
II.2.2.2 Créer du lien en proposant des visites bilingues
Un bon compromis peut être d’organiser des visites bilingues. C’est ce que propose par exemple le Musée du Quai Branly(26), avec sa visite contée par deux guides, l’une sourde et l’autre entendante. Les conteuses travaillent en binôme : il ne s’agit pas de faire la même visite l’une à côté de l’autre dans une langue différente, mais bien d’interagir ensemble. Ces visites sont par-là donc accessibles à tous. Elles permettent à chaque guide d’apporter son savoir-faire et à la fois créent du lien entre les visiteurs sourds et les visiteurs entendants.
Pour le guide souhaitant exercer en LSF c’est également un moyen de se démarquer des autres guides en mettant en avant sa capacité à travailler en équipe. En effet, en général ce n’est pas un métier qui requiert un travail collectif, le guide étant seul lorsqu’il effectue sa visite. Mais lorsque l’on est amené à être en relation avec des groupes, il est toujours intéressant de montrer que l’on a un bon relationnel ; et être capable de travailler en binôme en est une des plus belles preuves.
Cette participation active à créer du lien soulève des réflexions sur la place qu’occupe le guide LSF dans la société : toujours dans sa mission de transmission, il digresse néanmoins vers une mission plus citoyenne, voire engagée.
24 Cf. partie I.1.3.2 “La relation sourds/entendants”.
25 Important réseau d’associations ayant pour but de faire reconnaître et défendre les droits des enfants sourds et de leurs familles.
26 Programme des visites consultable en ligne sur le site http://www.quaibranly.fr.
Page suivante : II.3 Enjeux sociétaux
Retour au menu : Quels sont les enjeux du guidage en langue des signes ?