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I- LES DIFFICULTES LIEES A LA MISE EN PLACE D’ABC / M DANS LES PME / PMI

A– Obstacles culturels :

Selon une étude(11) réalisée à partir de l’observation entre 1993 et 1995 auprès de cinquante PME françaises, il semblerait que la vision du changement soit fataliste.

Celui-ci est présenté comme imposé par les contraintes extérieures.

Malgré le fait que le changement soit perçu comme une nécessité, l’étude révèle que des freins à la réorganisation sont néanmoins générés. Le changement en générale n’est pas très bien perçu par les PME.

La méthode ABC/M implique un changement culturel dans l’entreprise puisqu’elle modifie fondamentalement les liens entre les personnes. Le personnel est amené à raisonner et communiquer de façon transversale. On assiste à un décloisonnement des fonctions.

Ces changements vont bouleverser la culture d’entreprise. Si la culture interne ne favorise pas le changement, il sera difficile de s’approprier la méthode.

Un autre obstacle culturel peut venir de l’adaptation d’une méthode d’origine américaine à des entreprises françaises. La décision de consulter le personnel pour la mise en place de la méthode est prise par le dirigeant lui-même. Cette démarche est le reflet de la culture Nord-Américaine qui véhicule une distance hiérarchique faible et qui facilite la participation du personnel.

Or dans les pays marqués par une culture ayant une large distance hiérarchique comme la France les dirigeants peuvent éprouver des difficultés à mettre en pratique ce style de management participatif.

B- Difficultés à percevoir les enjeux du changement pour la méthode de ABC / M :

Même si la culture interne de l’entreprise est plutôt favorable au changement, il n’en reste pas moins difficile de convaincre le personnel de l’intérêt d’une telle méthode pour une PME/PMI.

En effet, les PME/PMI sont souvent dépourvus d’informations budgétaires et d’outils d’aide à la décision. Elles partent de «rien» pour aller vers «ABC/M».

Tout est à faire…Dès lors, ABC/M peut apparaître à leur yeux comme un système trop complexe pour une si petite structure.

De plus, ABC/M demande du temps et une forte implication du personnel. Les salariés peuvent avoir du mal à comprendre leur rôle dans la mise en place d’un outil de gestion. Ils peuvent être réticents compte tenu des implications demandées. Ils peuvent se demander quel est l’intérêt d’une telle méthode et si elle en vaut la peine.

Si les salariés ne comprennent pas l’intérêt et n’adhèrent pas à un tel projet, il sera difficile de mettre en œuvre la méthode.

C– La dimension humaine cachée d’ABC / M :

1- Le comportement des acteurs de l’entreprise

La méthode ABC/M est basée sur la participation du personnel. L’intervention des acteurs constitue un véritable atout dans le sens où elle développe la variable participation du mix-social(12). « Participer a le sens de prendre part. On entend par « participation » l’action de faire ensemble, d’agir de concert, de coopérer dans une action exigeant plusieurs acteurs. Il s’agit d’un système dans lequel une part de responsabilité est confiée au personnel d’une organisation » (Mahé de Boislandelle, 1998).

Malgré ce fait, il existe des freins à la participation active des acteurs de l’entreprise. On peut se demander pourquoi le salarié s’opposerait au changement.

Comme nous l’avons vu précédemment, ABC/M se fonde sur une conception horizontale de l’entreprise. Il est particulièrement important de connaître et de bien détailler toutes les activités. Or, l’expérience montre que l’obtention d’un tel détail ne peut se faire sans l’implication active des salariés. C’est la dimension humaine cachée de cette démarche.

Si la participation des acteurs de l’entreprise est souhaitée et sollicitée par le dirigeant, elle n’est pas pour autant acquise par tous les membres du personnel.

La cartographie des processus et des activités peut ne pas être établie de façon fiable (inexactitude du temps consacré à une activité…) car elle dépend du bon vouloir des salariés. Si ces derniers ne donnent pas les bonnes informations cela aura des répercussions sur la validité des résultats du modèle.

L’obtention et divulgation des informations résulte en partie de la participation des acteurs.

De même, pour répertorier ses activités, les salariés doivent communiquer des informations concernant leur travail journalier. Ils doivent dire à qu’elles activités ils consacrent leur temps, combien de temps cela leur prendre… Cette phase nécessaire à la modélisation de l’entreprise peut être mal perçu. En effet, le salarié peut se sentir surveillé et menacé.

La méthode ABC/M peut aussi révéler des dysfonctionnements organisationnels. Par exemple, elle peut monter qu’un salarié consacre trop de temps à certaines activités par rapport à d’autres. Ou qu’une partie de son temps de travail n’est pas utilisée…

La connaissance des conséquences de la mise en place d’ABC/M sur l’organisation, si les salariés en sont conscients, peut être un frein. ABC/M a des répercussions sur l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise : les salariés vont devoir partager l’information, communiquer de façon transversale, être plus contrôlé… Ce décloisonnement des fonctions bouleversera totalement leurs habitudes de travail. Ils n’en ont peut-être pas envie. Leur façon de travailler leur convient peut-être très bien comme cela.

Le personnel a donc peur du changement que pourrait introduire ABC/M dans leur vie de tout les jours, mais le frein le plus fortement ressenti à la mise en place d’ABC/M reste la peur d’une réorganisation qui pourrait découler des résultats obtenus par le système ABC/ABM. Elle peut induire une réallocation des moyens humains.

En effet, si l’on veut réduire les coûts des activités non créatrices de valeur, il faut bien souvent réduire les frais de personnel :

– soit en réaffectant ces moyens humains à d’autres activités
– soit en les réaffectant à des activités dont les ressources humaines allouées sont insuffisantes
– soit en supprimant des postes

D’ailleurs, si l’on se réfère à l’étude de la DFCG, 12,6% des personnes interrogées citent comme décision prise à partir du système ABC/ABM des données relatives à une réorganisation humaine :

– 6,3% citent une réduction du personnel,
– 6,3% citent une restructuration.

Ainsi, 56,4% des chefs de projets interrogés qui retiennent en priorité un élément lié à la réorganisation humaine.

On s’aperçoit que la mise en place d’un système de gestion basé sur les activités a un réel impact sur les ressources humaines parce qu’elle implique une remise en cause des mentalités et des comportements au sein de l’entreprise.

Les acteurs clefs dont dépendent la réussite d’une tel projet peuvent aussi sans en avoir conscience être des freins à la mise en place d’ABC/M.

2- L’attitude du chef de projet

Le comportement du porteur du projet peut représenter un obstacle à sa mise en place de la méthode.

Si le chef de projet ne veut pas perdre son pouvoir d’expertise et consulte les opérationnels sans les impliquer vraiment, les appellations des activités ne correspondent pas au langage des hommes de terrain, le système manquera de simplicité et de finesse d’analyse.

Il peut aussi sombrer dans le travers professionnel de l’usine à gaz. En effet, affiner l’analyse des activités indirectes est sans limite évidente. On peut descendre jusqu’au détail le plus fin des tâches effectuées quotidiennement.

C’est ainsi qu’en demandant au personnel de définir ses activités, on peut se retrouver avec plus de 200 activités. Toute la difficulté consiste à définir la bonne maille d’analyse et cela nécessite une véritable gestion de la complexité qui renforce encore l’importance de l’implication des opérationnels.

3- La motivation et l’implication du dirigeant

Les difficultés rencontrés lors de la mise en place d’ABC/M peuvent provenir du dirigeant. Il apparaît que le comportement du personnel varie en fonction de celui de leur manager. Si celui-ci n’est pas motivé par le changement, le personnel aura du mal lui trouver un quelconque intérêt.

De même qu’il faut qu’il soit convaincu de l’intérêt d’ABC/M, il faut qu’il soit à même de conduire le changement. C’est à dire de créer une dynamique d’entreprise désireuse de faire évoluer l’entreprise.

De plus, un faible encadrement de sa part peut avoir des répercussions gênantes. Par exemple, à cause du faible encadrement, faute d’une formation spécifique, les ressources terrain peuvent parfois éprouver des difficultés à appliquer la démarche d’une façon optimale (recueil des temps consacré aux activités, recherche d’inducteurs…).

D- Problèmes de disponibilité :

Dans une petite structure, il n’est pas conseillé de s’absenter trop longtemps. En effet, chaque personne a son importance et il est difficilement remplaçable.
ABC/M demande une mobilisation de tout le personnel.

Il faut du temps pour les interroger sur les activités, leur temps et leurs contraintes. Pour les PME/PMI cette perte de temps en défaveur de la production peut être en frein majeur.

De plus, pour mener à bien le projet, il faut trouver une personne qualifiée et motivée. Le chef de projet mettra plusieurs mois à créer le modèle. Pendant ce temps , l’entreprise se passe d’une personne. Pour les PME/PMI, ABC/M représente une mobilisation importante en hommes.

E– Contraintes matérielles :

1- Outil de gestion ABC / M

La méthode de gestion par les activités peut être perçue comme une démarche très technique. Tout d’abord, parce qu’elle utilise un vocabulaire bien spécifique (DAS, FCS, activités, inducteurs…) qui peut, au premier abord paraître complexe. Ensuite, parce qu’elle apparaît souvent aux yeux des dirigeants de PME/PMI comme lourde et difficile à mettre en œuvre.

Le choix des activités et des inducteurs peut apparaître compliqué. La mécanique de ventilation des ressources peut sembler inaccessible. Enfin, les dirigeants ont peur de mettre en place une véritable usine à gaz qui serait inutilisable.

2- Manque d’information

Le manque d’informations ou de formalisation de l’information représente un obstacle.

Beaucoup de PME/PMI sont dans l’incapacité de fournir des renseignements pourtant indispensable. Si l’information n’existe pas il faudra adapter le modèle et celui-ci s’en trouvera moins juste. Par exemple, si on choisit comme inducteur le nombre de factures par DAS et que l’information n’est pas disponible, il faudra trouver un autre inducteur mais ce dernier sera moins pertinent que le précédant.

En outre, si l’information n’est pas structurée ou peu attrayante à consulter, la recherche des informations nécessaires sera plus longue et rébarbatif.

4- Nécessité d’un système informatique adaptable

La mise en place d’ABC/M introduit souvent une remise en cause des systèmes informatiques existants.

En effet, pour que la méthode perdure il faut soit adapter le système existant soit mettre en place un logiciel spécialisé qui permet de saisir et d’exploiter les informations facilement et par tous les membres de l’entreprise (notamment les opérationnels). Dans les deux cas cela implique un changement du référentiel par les utilisateurs qui devront intégrer le nouveau système.

De plus, il peut arriver qu’ABC/M fonctionne en doublon avec les systèmes classiques, sans les remplacer.

5- Obstacles financiers

Tout ceci a un coût !

Mobiliser des hommes à l’étude et à la conception du système, améliorer ou changer son système informatique, se faire aider d’experts ou former le l’équipe dirigeante du projet.

Les entreprises défavorables à ABC/M le sont principalement à cause des coûts estimés ou perçus comme rédhibitoire. Ce coût représente un frein majeur au changement de système de gestion.

La mise en place d’ABC/M dans une PME/PMI peut se heurter, comme nous l’avons vu précédemment, à plusieurs obstacles : humains, techniques et financiers.

Mais une fois le modèle créé, il reste des difficultés à surmonter dans l’utilisation du système.

11 Etude sur des entreprises françaises engagées dans des processus d’externalisation considérables de leurs activités
12 Le mix-social est un modèle global d’analyse et d’actions s’inscrivant dans le champ de la gestion des ressources humaines. Il se compose de 4 axes : la politique d’emploi, la politique de rémunération, la politique de valorisation et la politique de participation.

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