Au sein de ses collections permanentes, le musée du Quai Branly organise une visite bilingue français oral / LSF, contée par deux femmes, l’une sourde et l’autre entendante. Ce système permet de créer une véritable cohésion aussi bien entre les deux guides qu’entre les deux publics.
III.2.1.1 Le travail en binôme
C’est vêtues d’un costume africain que les deux femmes ont accueilli le groupe dans lequel je prenais part pour la visite. Elles nous ont emmenés dans les salles sombres du musée, et nous ont fait asseoir devant l’une des vitrines présentant des masques africains. Elles ont alors commencé à nous raconter une histoire, à la manière d’un conte.
La guide sourde signait en LSF tandis que la guide entendante contait l’histoire en français oral. On aurait pu croire qu’elles connaissaient leur discours par cœur et qu’elles n’agissaient pas forcément ensemble. Mais tout au contraire, elles interagissaient à deux.
Il semblait que la guide signante “menait la danse” sur laquelle s’adaptait la guide parlante. En effet, elles portaient toutes deux très attention l’une à l’autre pour être dans le même temps, et sur le même rythme, notamment pour ne pas briser les effets de surprise ou les anecdotes humoristiques, de sorte que le public, sourd ou entendant, réagisse au même moment. Ce travail en binôme était très impressionnant à regarder non seulement d’un point de vue de visiteur, mais d’autant plus d’un point de vue de guide. Elles devaient à la fois s’observer tout en observant le groupe pour ne pas perdre son attention.
III.2.1.2 Une cohésion entre sourds et entendants
L’interaction des deux guides participa inexorablement à l’interaction du public. Ainsi, le groupe composé de personnes sourdes et de personnes entendantes, de personnes signant, de bilingues ou de non-initiés à la LSF, pouvait vivre la même visite et ressentir les mêmes émotions au même moment.
Il était intéressant de constater que beaucoup d’entendants “écoutaient d’une oreille” la guide parlante tout en observant en fait la guide signante. En effet, comme il s’agissait de contes africains, elle effectuait des danses, beaucoup de mimiques, qui attiraient fortement l’attention même de ceux qui ne comprenaient pas la LSF.
En interrogeant les visiteurs à la fin de leur prestation, j’ai pu confirmer le sentiment de curiosité et l’intérêt que cette visite avait fait naître dans le groupe chez les entendants.
Pour la plupart, il s’agissait d’une première expérience : ils n’avaient jamais vu quelqu’un signer en LSF. La magie ayant opéré lors de cette visite leur a réellement donné envie de renouveler l’expérience, et au-delà, de s’intéresser d’un peu plus près à la surdité.
D’un point de vue professionnel, cette visite était très réussie puisqu’elle a rempli tous ses objectifs : faire voyager, transmettre, réunir, et donner envie d’aller plus loin. Et j’ai pu vérifier que savoir exécuter un tel exercice constituait une réelle valeur ajoutée au profil d’un guide-conférencier.
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