Gagne de la cryptomonnaie GRATUITE en 5 clics et aide institut numérique à propager la connaissance universitaire >> CLIQUEZ ICI <<

INTRODUCTION

ADIAL

A l’origine, ne pouvait être pris en charge par l’assurance que le cas fortuit, c’est-à-dire un
évènement indépendant de la volonté de l’assuré, qu’il soit purement lié au hasard ou dû à
l’intervention d’un tiers. C’est notamment ce que prévoyait l’ancien article 351 du Code de
commerce relatif aux assurances maritimes. D’après les Professeurs Picard et Besson,
cette disposition visait à prévenir les assurés de commettre impunément des actes
susceptibles de nuire à autrui. En effet, l’assurance de la faute ou de la négligence de
l’assuré était jugée déresponsabilisante, voire immorale. Mais du fait de cette interdiction,
l’assurance de chose ne revêtait qu’un intérêt marginal car en pratique les risques se
réalisent à raison d’un concours entre un fait fautif de l’assuré et un évènement extérieur.
Quant aux assurances de responsabilité civile, elles étaient purement et simplement
prohibées(1).

Toutefois, au cours du XIXe siècle, la doctrine et la jurisprudence ont suivi la pratique
assurantielle pour admettre progressivement la licéité de l’assurance de responsabilité, et
par voie de conséquence, l’assurabilité du fait personnel de l’assuré. Néanmoins, cette
évolution n’a été que progressive car la faute lourde ne pouvait en aucun cas être
assurée. Cependant, la loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail est par la suite
venue admettre l’assurabilité de la faute inexcusable des employeurs(2).
Un tournant s’est opéré avec l’entrée en vigueur de la loi du 13 juillet 1930, laquelle
dispose à son article 12 que « les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits
ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf clause formelle et
limitée contenue dans la police. Toutefois l’assureur ne répond pas, nonobstant toute
convention contraire, des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou
dolosive de l’assuré ». En conséquence, toutes les fautes de l’assuré sont assurables, à
l’exception de la faute intentionnelle ou dolosive.

La faute intentionnelle constitue alors le dernier « bastion » de l’inassurabilité car, comme
le souligne le Professeur Mayaux(3), « le mouvement amorcé avec l’admission de
l’assurance des fautes ordinaires de l’assuré, puis de sa faute inexcusable ne saurait
trouver son épilogue dans la possibilité d’assurer sa faute intentionnelle ». En effet,
d’après le rapport adressé au Gouvernement par MM. Hémard et Ancey au nom de la
commission chargée de préparer l’avant-projet de la loi du 13 juillet 1930, « l’assurance du
dol n’est pas seulement contraire à l’ordre public et à la morale, elle est impossible parce
qu’il n’y a plus de risque, c’est-à-dire plus d’éventualité fortuite. Quand il y a dol, on est en
présence d’une éventualité purement potestative que l’assureur ne peut couvrir ».

Depuis 1974, la Cour de cassation a adopté une conception particulièrement stricte de la
faute intentionnelle puisque celle-ci suppose un geste volontaire et conscient de l’assuré,
lequel a eu la volonté de commettre le dommage effectivement survenu(4). C’est seulement
si ces conditions sont réunies que l’assureur sera en droit d’opposer la faute intentionnelle
de l’article L. 113-1 du Code des assurances. Dans l’hypothèse où il ne parviendrait pas à
prouver les mauvaises intentions de l’assuré, l’indemnité d’assurance sera due.

Cette conception de la faute intentionnelle paraît adaptée en assurances de choses ou
pour les atteintes à la personne. En effet, en assurance de choses, lorsqu’un assuré
commet un acte entraînant la perte d’un bien, le caractère volontaire et conscient du geste
suppose en principe la volonté de causer le dommage survenu. Les deux conditions de la
faute intentionnelle sont donc bien présentes. Pour illustrer cette hypothèse, le Professeur
Groutel prend l’exemple de l’incendie(5) : les experts déterminent si la cause de l’incendie
est accidentelle ou criminelle, et si tel est le cas, qui en est l’auteur. S’il s’agit de l’assuré,
la garantie d’assurance n’est pas due, y compris pour le volet responsabilité. Quant aux
atteintes à la personne, exception faite du suicide qui fait l’objet de dispositions légales
dérogatoires, le raisonnement est identique car l’assuré qui se mutile volontairement
commet un geste volontaire tendu vers la réalisation du dommage souhaité. Dans ces
deux hypothèses, la recherche du dommage se déduit du caractère volontaire du geste
fautif.

La conception stricte, ou « subjective » selon l’expression du Professeur Groutel, de la
faute intentionnelle pose un certain nombre de difficultés dans le cadre contractuel. En
effet, la faute intentionnelle suppose un acte volontaire tendu vers un dommage
recherché ; mais comment imaginer qu’un assuré commette une faute dans le but de nuire
à son cocontractant ou à un tiers ? Sauf hypothèse exceptionnelle, l’auteur de la faute a
fait prévaloir ses intérêts sur ceux d’un tiers sans pour autant avoir voulu lui nuire
personnellement. Cette incohérence a été justement soulevée par les Professeurs
Mayaux(6), Kullmann(7), Groutel(8) et Bigot(9). Il en résulte que tout assuré causant délibérément
un préjudice à un tiers ou à son cocontractant sera néanmoins couvert par son assureur
de responsabilité puisque la preuve de la recherche du dommage sera très délicate à
rapporter pour l’assureur, en raison de son caractère éminemment subjectif.

C’est la raison pour laquelle une partie de la doctrine plaide aujourd’hui pour la
reconnaissance en jurisprudence de l’autonomie de la « faute dolosive », laquelle suppose
une faute commise sciemment par l’assuré, laquelle a supprimé l’aléa inhérent à
l’opération d’assurance(10).

Ainsi, l’intérêt du sujet semble s’articuler autour d’un certain nombre de questions. Dans
l’ordre : qu’est ce que la faute intentionnelle ? Quels sont ses éléments constitutifs ?
Comment est-elle appréciée en jurisprudence ? Faut-il consacrer une nouvelle faute
autonome ? La présente étude vise à apporter des éléments de réponse.
La complexité du sujet amène une réponse en deux temps. Il conviendra d’abord
d’identifier les difficultés posées par la notion de faute intentionnelle (partie 1), puis de
proposer des solutions afin de pallier les éventuelles insuffisances de cette faute (partie 2).

1 M. Picard et A. Besson, Ass. Terr., tome I, n°65, p. 112 : « Mais une telle position apparut vite insoutenable,
car elle aboutissait à la suppression même de l’assurance. La plupart des risques ne sont pas dus au seul
hasard et résultent, au moins en partie, du fait de l’assuré ».
2 M. Picard et A. Besson, Ass. Terr., tome I, n°66, p. 113 : « De même, dans d’autres branches d’assurance,
notamment dans les assurances de responsabilité, les assureurs prirent l’habitude de garantir la faute lourde
et, dans les assurances de personnes, de garantir le risque prévu (mort, accident) sans faire d’autres
réserves qu’à propos du fait intentionnel de l’assuré ».
3 L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances — La notion de faute intentionnelle de
l’assuré : quelle évolution. LGDJ 2011.
4 Cass. civ., 7 juin 1974, RGAT 1975, p. 214 ; 12 juin 1974, D. 1975, 173, note J. L. Aubert, RTD. Civ., 1975,
120, obs. Durry.
5 H. Groutel, Traité du contrat d’assurance terrestre, Litec, 2008, n°543.
6 L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances — La notion de faute intentionnelle de
l’assuré : quelle évolution ? LGDJ 2011.
7 J. Kullmann, note sous Cass. 2e civ., 20 mars 2008, n°07-10499, RGDA, p. 326 ; Cass. 3e civ., 9 nov. 2005,
n°04-11856 ; Cass. 2e civ., 24 mai 2006, 05-14942 ,1ère esp. ; Cass. 2e civ., 24 mai 2006, n°05-13547, 2e
esp. ; Cass. 2e civ., 24 mai 2006, n°03-21024, 3e esp., RGDA 2006, p. 632, RGDA 2006, p. 632.
8 Resp. civ. et assur. 2005, com. 370
9 J. Bigot, Les limites du risque assurable, RGAT 1978, p. 174
10 Cass. 2e civ. 22 septembre 2005, n° 04-17.232, RGDA 2005.907, note J. Kullmann, Resp. civ. et assur.
2005, comm. 370, note H. Groutel

Retour au menu : ÉVOLUTION DE LA FAUTE INTENTIONNELLE EN DROIT DES ASSURANCES