Les types de mesures ou catégories d’instruments varient selon les auteurs et leurs critères de classement. Selon Burgenmeier, Greppin et Perret (2007), leur nombre peut varier de trois à cinq et voire plus.
Ces variations du nombre de catégories d’instruments ne reflètent finalement que la complexité d’aborder un problème et d’essayer de le résoudre sans vouloir oublier l’interdépendance de ce même problème avec son environnement direct ou connexe selon une vision propre à son éducation, sa culture et sa sensibilité.
Aussi, dans le cadre du V.E., j’aborderai la question via les mêmes catégories identifiées par ces mêmes auteurs (Burgenmeier et al., 2007). Il s’agit donc des catégories suivantes : contrôles directs, mesures incitatives, accord volontaires, mesures d’information et d’éducation. Ces quatre catégories d’instruments me semblent convenir à la politique de mise en place du V.E. dans les agglomérations.
IV-2-a Les contrôles directs
Les contrôles directs, toujours selon B. Bügenmeier (2008), sont issus de l’expérience du passé, nous retrouvons donc les normes, les interdictions et amendes, les limites quantitatives et les mesures de police. Ces contrôles directs sont alors « le résultat d’une approche normative et juridique de la politique de l’environnement » et cette « régulation directe a été mise en place par réaction à des dégâts environnementaux déjà causés et pour les endiguer » (p.102). Ces « contrôles directs sont donc apparentés à des régulations juridiques s’opposant à une régulation obéissant à la logique économique » (p.104).
IV-2-b Les instruments incitatifs
Les instruments incitatifs, eux, « répondent aux échecs du marché. […] Ils agissent sur le prix d’équilibre d’un marché et modifient les prix entre différents marchés. Ils ont les deux effets majeurs suivant :
– l’effet de substitution du côté de l’offre conduit à changer les choix technologiques. La hausse du prix qui résulte de l’internalisation des coûts sociaux stimule la recherche et le développement de technologies « propres »
– L’effet de substitution du côté de la demande conduit à changer les préférences des consommateurs ». Les instruments incitatifs n’agissent pas seulement sur le prix, mais s’exprime également par la promotion du :
– Droit de propriété : les biens environnementaux sont privatisés dans le sens du théorème de Coase. [Droit qui sera grandement utile pour la valorisation des dommages écologiques et notamment sur la faune et la flore]
– Droit de la responsabilité individuelle : la lutte contre la pollution est soumise à l’appréciation d’individus agissant librement. C’est donc l’individu et non pas l’Etat, qui sait le mieux ce qui est dans son intérêt. » (p.107). Dans les instruments incitatifs, nous retrouvons aussi, toujours selon Burgenmeier (2008), les redevances et subventions, les informations et les certificats d’émissions.
IV-2-c Les accords volontaires
Les accords volontaires eux « désignent donc un ensemble de démarches, publiques, impliquant directement ou indirectement un ou plusieurs acteurs (entreprises, pouvoirs publics, ONG), en vue d’améliorer le bilan environnemental d’activités productives, sur base d’un engagement unilatéral ou d’un accord‘librement’ négocié. » (Defeyt, Boulanger et Lussis, 2004, p.2). « L’accord volontaire est une invention des acteurs économiques et politiques eux-mêmes et non le produit de l’ingénierie économique » (Defeyt et al., 2004, p.17).
IV-2-d Les instruments d’information et d’éducation
Quant aux instruments d’information et d’éducation, ils « ont pour objectifs premiers d’informer et de former la population ou des groupes d’acteurs bien définis.[…] Ces instruments ont également pour objectif de modifier la hiérarchie des valeurs des individus […] afin de modifier les comportements » (Burgenmeier et al., 2007, p.159).
IV-2-e Efficacité et acceptabilité
Si ces instruments sont intrinsèquement plus ou moins contraignants, il est nécessaire d’évaluer leur efficacité respective mais aussi nécessaire de composer avec leur acceptabilité sociale. Bref, des mesures certes mais avec mesure…
Ainsi, dans les quatre catégories d’instruments, on note que selon Burgenmeier et al. (2007), les instruments d’information et d’éducation sont faciles à mettre en œuvre car ils ne nécessitent pas de base légale importante et ils ont une acceptabilité forte de la part de tous les acteurs économiques grâce à leur nature non-contraignante. Toutefois leur efficacité reste à prouver et semble plutôt à considérer sur le long terme. Leur efficacité peut être cependant renforcée si ces instruments sont combinés à des mesures plus contraignantes. Cependant il faut aussi se méfier d’un possible détournement de ces instruments comme propagande…
En ce qui concerne les approches ou accords volontaires, selon Burgenmeier et al. (2007), « leur efficacité environnementale dépend dans une large mesure du type de combinaison qui est faite entre, d’une part la liberté d’action des entreprises, et d’autre part, la mise en place crédible et automatique d’un instrument de nature plus contraignante (par exemple l’introduction d’un taxe) qui face figure de menace efficace et permanente afin de porter les efforts volontaires à terme (Baranzini & Thalmann, 2004) » (p.157). Notons aussi que, comme Defeyt et al. (2004) le soulignent, « […] face à des partenaires dont l’intérêt est de faire croire – quitte à y croire eux-mêmes – à l’efficacité des accords conclus, seule une évaluation indépendante et rigoureuse des résultats réellement engrangés permet d’offrir les garanties voulues à l’opinion publique, condition sine qua non pour que l’accord volontaire puisse s’imposer comme un instrument au service du développement durable » (p.20)
Les contrôles directs, comme on peut s’en douter et selon Burgenmeier et al. (2007) n’ont pas une « acceptabilité sociale très élevée (restriction des libertés individuelles) et procèdent d’une modalité d’action réactive qui ne correspond pas à la logique de la problématique. Par ailleurs, les contrôles directs sont théoriquement moins efficients que les instruments économiques dans la mesure où ils n’utilisent pas le signal prix […]. Les contrôles directs ne sont pas conformes à la logique du marché, mais sont des instruments statiques qui ne permettent pas de maintenir une incitation permanente sur les acteurs et, de ce fait, n’incitent pas au progrès technologique. Par contre, les résultats environnementaux des contrôles directs sont prouvés si les mécanismes de contrôles et de sanctions sont efficaces. […] [Ils] souvent rares et les sanctions insuffisantes […] ont souvent un «temps de retard» dû à la lourdeur administrative […] [et ils] se prêtent également au marchandage politique – ce qui, par ailleurs, est le cas de tous les instruments – pour l’obtention de traitements de faveur (régime des exceptions)» (p.158).
En ce qui concerne les mesures incitatives et leur efficacité. « La théorie économique a démontré d’une manière convaincante que l’internalisation des coûts des effets externes est plus efficace par des mesures incitatives que par des contrôles directs ». (Burgenmeier et al. (2007) p.143).
Les instruments incitatifs ont une efficacité supérieure aux contrôles directs pour plusieurs raisons. « […] ils tiennent mieux compte des incertitudes et des problèmes d’information […] car ils utilisent pleinement les changements de prix relatifs comme signal. Ils permettent d’atteindre les objectifs […] par différentes voies, que les acteurs peuvent choisir eux-mêmes, et n’imposent pas la même technologie à tout le monde. Ils stimulent le progrès technique et incitent à un changement de préférences des consommateurs. Ils sont orientés vers une politique préventive et leur efficacité peut être démontrée empiriquement. » Burgenmeier (2008, p.125-126).
En ce qui concerne leur acceptabilité sociale, elle apparaît comme supérieure aux contrôles directs car « […] les instruments incitatifs préservent la liberté de choix des acteurs économiques et utilisent l’effet « signal » exercé par la variation des prix ».
Burgenmeier (2008, p.125).
Mais il est certain que lorsqu’on parle de signal prix ou variation des prix, on ne peut omettre d’appréhender l’impact sur les classes sociales dont le revenu ne permet que très peu de marge de manœuvre et donc plus globalement, on ne peut oublier d’appréhender la question d’équité sociale face aux différents types de mesures.
Quand bien même leur acceptabilité sociale est supérieure aux mesures de contrôles directs, Burgenmeier (2008) souligne qu’il y a bien sûr un certain nombre d’obstacles à la mise en place de mesures incitatives et notamment, l’obstacle non négligeable des groupes d’intérêts. « Les groupes d’intérêts parviennent à influencer les modalités des instruments de contrôle et de police plus facilement que les instruments incitatifs. Il est donc plus difficile de trouver une majorité politique pour les promouvoir. Par ailleurs, différents groupes d’intérêts existent au sein des instances gouvernementales non seulement tiraillées entre la promotion de la croissance économique et la protection de l’environnement, mais également entre les entrées fiscales accrues dues aux taxes et les objectifs de protection de l’environnement. » Burgenmeier (2008, p.127).
Bien évidemment, il apparaît clairement qu’on ne peut choisir qu’un seul type de mesure face à n’importe quelle problématique environnementale. Ainsi comme le soulignent Burgenmeier et al. (2007) « la combinaison optimale des actions à entreprendre résulte de politiques technologiques, économiques et sociales » (p.145). Et cette combinaison optimale d’actions à entreprendre ne peut qu’aboutir à une combinaison d’instruments à mettre en place pour soutenir ces politiques technologiques, économiques et sociales.
Ce qui implique, selon toujours les mêmes auteurs (Burgenmeier et al., 2007) que « ces différents instruments de la politique environnementale doivent être pondérés afin de déterminer leur combinaison optimale. Cette pondération est forcément un processus normatif. Si les pratiques régulatrices actuelles ont tendance à accorder plus de poids aux instruments économiques conformes au marché, elles reflètent les préférences de notre société accordant une priorité à l’économie par rapport au social et à l’environnement.
Seuls des mécanismes délibératifs issus de procédures démocratiques et citoyennes auront le pouvoir de légitimation nécessaire pour rééquilibrer les poids respectifs accordés aux différentes mesures de la politique environnementale à l’avenir. » (p.146).