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Section 2 : La notion d‟aléa judiciaire

ADIAL

Dans une conception stricte de l‟aléa, l‟incertitude doit concerner l‟ensemble des éléments du risque. Dans une conception plus assouplie de l‟aléa, l‟application du risque composite induit la présence d‟un aléa dès lors qu‟un seul des événements est incertain. Le risque est tout à fait admis par la jurisprudence même s‟il reste trop peu usité.

Cependant, il arrive que la Cour de cassation en fasse un usage abusif. Sa décision rendue le 7 octobre 2010(79) en est un parfait exemple.

La Cour a été saisie d‟une affaire concernant des maladies liées à l‟exposition à l‟amiante. Il s‟agissait de savoir si ces maladies font disparaitre l‟aléa du contrat d‟assurance de responsabilité civile professionnelle garantissant les fautes inexcusables de l‟employeur.

La société souscriptrice du contrat d‟assurance a assigné l‟assureur qui refusait d‟indemniser les victimes attestant le défaut d‟aléa. La société souhaitait mettre en oeuvre la garantie subséquente de son contrat pour les sinistres constitués par les réclamations des assurés. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond en retenant la présence d‟un aléa au motif que la condamnation de l‟employeur suite à la mise en oeuvre de sa responsabilité est incertaine. Cette décision confirme la confusion entre l‟aléa judiciaire et l‟aléa conventionnel. Cette confusion avait déjà été opérée par la Cour de cassation dans une décision rendue le 14 juin 2006(80).

L‟aléa judiciaire s‟explique par le fait que l‟issue de tout procès est par sa nature même aléatoire. Peu importe que l‟assuré ait effectivement connaissance de la réalisation du dommage pouvant le mettre en cause, la décision finale appartenant aux juges. Dans l‟arrêt du 7 octobre 2010, si le fait générateur est effectivement réalisé au moment de la conclusion du contrat, en revanche les conséquences dommageables sont incertaines ce qui permet de déduire la présence d‟un aléa. En d‟autres termes, si l‟exposition à l‟amiante est effective, il n‟en reste pas moins que la contamination des salariés est incertaine. Or, on peut douter de cette incertitude puisque la probabilité de contracter une maladie à la suite d‟une exposition à l‟amiante est de l‟ordre de 30%.

Cependant, l‟aléa judiciaire tombe dès lors que la première condamnation a eu lieu, ne laissant de fait plus de place à l‟incertitude. C‟est en ce sens que cette théorie trouve sa faille. En effet, la même affaire jugée devant une autre juridiction peut très bien connaitre une issue tout à fait différente. Un procès étant aléatoire, une décision rendue ne devrait pas remettre en cause les autres affaires concernant le même assuré.

L‟application de la théorie du risque composite est poussée à l‟extrême dans le cadre de la théorie de l‟aléa judiciaire. Ce n‟est pas la condamnation de l‟employeur qui permet de déterminer l‟assurabilité du risque mais sa condamnation définitive.

Si la solution devait être généralisée, l‟aléa serait réduit à l‟aléa judiciaire. Or l‟aléa judiciaire est l‟incertitude imprégnant toute issue d‟un quelconque procès. Il serait dès lors possible de souscrire un contrat d‟assurance de responsabilité alors même de la plupart des éléments du risque, c’est-à-dire du fait dommageable, du dommage et de la réclamation, se sont déjà réalisés. Cependant, cette solution est contraire à l‟article L.124-5 du Code des
assurances établissant l‟absence d‟aléa en cas de connaissance par l‟assuré du fait dommageable à la date de souscription de la garantie.

Cette solution finaliste ne peut perdurer car elle ne peut être valable que pour les contrats conclus avant la loi du 1er août 2003 qui prévoit expressément que le passé doit être inconnu au moment de la resouscription d‟un contrat. L‟assureur ne couvre pas l‟assuré qui avait connaissance du fait dommageable à la date de la souscription de la garantie.

Avant la loi du 1er août 2003, aucun texte ne l‟exprimait de cette façon. Il est à espérer que le contentieux se cantonne à l‟amiante pour les contrats non soumis à la loi de 2003.

79 Cass. 2ème civ. 7 octobre 2010 10-30233.
80 Cass. 2ème civ. 14 juin 2006, n°05-13090 RGDA 2006 p.711.

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