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Section 2 – Réparation des Manquements du suivi politique d’exécution budgétaire :

Du moment que dans la plupart des régimes parlementaires, l’initiative législative des députés s’est dégradée, notamment en matière financière. Les parlementaires ont essayé de développer leur combativité à partir de la panoplie des moyens que le contrôle parlementaire peut offrir(334). A cet égard, le parlement marocain dispose d’un pouvoir général de contrôle qui lui est reconnu par la constitution(335) et les textes organiques(336) ; différents moyens sont mis au service de cette mission fondamentale puisque le rôle du parlement en matière financière à l’ère du parlementarisme rationalisé n’est pas de gouverner en légiférant mais de contrôler l’action du pouvoir exécutif qui gouverne effectivement(337).

La mission de contrôle reconnue au parlement rencontre des difficultés d’ordre politique et institutionnel qui font que, dès le départ, elle a été confiée dans des limites qui dénotent la volonté d’empêcher l’instauration d’un véritable contrôle politique et une véritable démocratie parlementaire. Cette volonté se manifeste quand il s’agit de mettre en marche les mécanismes de contrôle reconnus au parlement. Que ce soit au niveau des mécanismes d’audition (§1), la disparition du rôle de la commission chargée des finances (§2), ou encore quand il s’agit de l’intervention des commissions d’enquête (§3).

§1- Mécanismes d’audition non ciblés :

Les questions sont apparues pour la première fois en Grande Bretagne au milieu du 18ème siècle puisque la première question a été posée au conseil des Lords en 1721.

Et depuis, les questions sont entrées dans les coutumes parlementaires et ont été adoptées par les autres démocraties occidentales338, puis par les autres pays(339) qui ont été influencés par ces dernières. Ainsi, chaque parlementaire a le droit de poser des questions à n’importe quel ministre dans tout ce qui concerne les activités de son ministère. L’objectif étant d’avoir une réponse sur un sujet pour lequel il n’a pas été possible de l’obtenir autrement(340). Elles sont l’instrument de contrôle le plus utilisé.

C’est une arme fondamentale de l’arsenal des contrôles parlementaires. Technique de contrôle d’abord, elles constituent une source d’information pour les parlementaires et l’opinion publique et d’investigation pour le gouvernement(341).

La question est un éclaircissement demandé par un parlementaire au ministre concerné à propos d’un point relevant de ses compétences et ayant un rapport avec son ministère(342). Elle permet aussi d’instaurer un dialogue entre les gouvernants et ceux qui les contrôlent, de même qu’elles permettent au parlementaire de renforcer les liens qu’il a avec les électeurs de sa circonscription, dans la mesure, où il pose des questions traitant de leurs soucis et de leurs préoccupations(343). Les questions peuvent être aussi un moyen d’obtenir une consultation juridique gratuite car les fonctionnaires qui préparent les réponses aux questions sont le plus souvent très compétents et ont de grandes qualifications.

La question peut être définie comme l’acte par lequel un membre d’une assemblée demande à un ministre des explications sur un sujet déterminé. Cependant, cet acte est dépourvu de sanction politique immédiate comme la motion de censure ou la question de confiance même s’elles constituent une source de renseignement d’ordre pratique et offrent une véritable occasion de discussion entre le législatif et l’exécutif.

La procédure des questions se justifie amplement par ce qu’elle trouve une application assez aisée(344). Cependant, l’usage des questions qui a une valeur constitutionnelle(345) est délimité par les règlements intérieurs des chambres parlementaires(346), même si les conditions de recevabilité de ce moyen facilitent dans une large mesure son usage. Cela se justifie au niveau des questions orales (A), ainsi que les questions écrites (B).

A- LES QUESTIONS ORALES :

Ce type de questions suscite un grand intérêt chez les parlementaires dans leur quête du suivi du travail gouvernemental. Dans ce sens, les règlements intérieurs précisent qu’il ya lieu de suivre une procédure précise pour poser des questions. Ainsi, le parlementaire qui veut poser une question orale présente un texte écrit au président du conseil avant que la question ne soit transmise au gouvernement pour une réponse dans un délai de 20 jours à compter de la date de rédaction de la question conformément à ce qui ressort de l’article 100 de la constitution de 2011 qui stipule que: « …Le gouvernement doit donner sa réponse dans les vingt jours suivant la date à laquelle il a été saisi de la question ».

La question à poser doit répondre à un certain nombre de critères tels que : traiter un seul sujet, ne pas contenir des redondances ou des répétitions, sinon elle peut être transformée en question écrite après accord de celui qui a été initiateur de la question et après la réunion de tous les éléments de la question(347). Le bureau du parlement inscrit les questions prêtes dans l’ordre du jour des réunions des deux chambres(348), et ce à condition de distribuer les questions programmées au moins 24 heures avant la séance.

Pour ce qui est de ce procédé, les députés peuvent poser les questions qu’ils veulent à l’un des ministres, à l’exception de celles concernant la politique de l’Etat qui doivent s’adresser au chef du gouvernement(349). Les questions doivent être adressées au président de la chambre, accompagnées d’un exposé écrit(350), qui assure la responsabilité d’en informer les ministres intéressés. Les questions reçues par le bureau de la chambre sont publiées au bulletin officiel du royaume. Les questions qui se rapportent à « des problèmes imprévues ou urgents» sont inscrites avant les autres et doivent prioritairement recevoir une réponse(351). Une fois que la liste des questions est ainsi arrêtée, elle est distribuée aux parlementaires trois jours avant la tenue de la séance de leur discussion. Le bureau de la chambre dispose du pouvoir de transformer une question orale en question écrite, mais après accord du député intéressé(352). Dans ce cas, le député dispose d’un délai de huit jours pour faire connaître son acception sur cette transformation ou son refus. Le défaut de réponse au terme de ce délai signifie son acceptation(353).

En ce qui concerne la discussion de ce type de questions, toutes les questions inscrites à l’ordre du jour de la séance parlementaire qui leur est consacrée doivent recevoir une réponse et permettre une discussion. Cependant, ce principe subit des aménagements aussi bien du point de vue procédural que du point de vue pratique.

Ainsi, les bureaux des chambres parlementaires par le biais des compétences conférées par les règlements intérieurs, en concertation avec les présidents des groupes parlementaires, peuvent classer les questions en deux catégories :

-les questions non suivies de débat : dans ce cas la question se limite au parlementaire et au ministre avec la possibilité de commentaire ou de réplique par le député qui a la possibilité de proposer un débat général(354). Et c’est la chambre elle-même saisie par son président qui se prononce par vote sur l’opportunité d’un débat général. Ainsi, l’esprit des questions orales qui doivent être suivies normalement d’un débat, parfois contradictoire, se trouve gravement altéré. En plus, cette procédure risque de privilégier les députés de la majorité au détriment de ceux de l’opposition(355).

– quant aux questions suivies de discussion avec élargissement du débat à d’autres parlementaires, elles sont inscrites à l’ordre du jour avec une liste ou pourront s’inscrire les députés désireux de participer à cette discussion(356). Au commencement de la séance, la parole est donnée à l’auteur de la question qui doit faire un exposé. Après cet exposé le ministre répond à la question posée et la discussion s’engage.

Quant aux délais de réponses aux questions orales posées aux membres du gouvernement, il est de vingt jours mais il est rarement respecté(357).

Ce qu’il faut noter à ce stade, c’est l’engouement(358) des parlementaires marocains pour les questions orales, ce qui constitue un effet négatif car on constate qu’il ya un nombre élevé des questions orales restées sans réponses ou transformées en question écrites.

B- LES QUESTIONS ECRITES :

Les questions écrites sont des demandes de renseignement adressées par un parlementaire à un ministre déterminé(359) qui dispose d’un délai fixé par les règlements intérieurs des deux chambres pour y répondre et qui est le même pour les questions orales , à savoir 20 jours (360), qui est accordé au gouvernement pour répondre aux questions écrites qui lui ont été transmises.

Les réponses des ministres à ces questions doivent être écrites(361), contrairement aux questions orales auxquelles il est répondu oralement en séance publique.

En effet, la question écrite doit répondre à deux conditions : une condition de forme qui exige qu’elle soit rédigée par celui ou ceux qui veulent la poser et remise au président de la chambre intéressée qui annonce en séance plénière son contenu général, et une condition de fond qui implique qu’elle ne doit pas contenir d’accusation personnelle à l’encontre des ministres questionnés(362). Les réponses à ces questions sont publiées au Bulletin Officiel au cours du mois suivant la publication de ces questions.

La question écrite est utilisée par les parlementaires dans des domaines très diverses pour contrôler l’action du gouvernement, demander des explications sur la marche de tel ou tel service de l’Etat, sur la gestion des crédits etc. Elle permet, selon KHOUDRY. (D), « de contrôler la politique budgétaire de l’Etat, et d’avoir accès à la documentation financière du ministère des finances(363)».

Le succès de la question écrite est à rechercher d’abord dans la procédure simplifiée de leur recevabilité, et ensuite, dans leur utilisation par tous les parlementaires qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.

Par ce qu’elles n’ont pas de valeur juridique elles sont pour, certains auteurs, plus un moyen d’information qu’un moyen de contrôle qui permet d’exprimer les préoccupations des électeurs(364). Elle remplit selon le professeur FIKRI. (A) une fonction de service public et devient une source d’interprétation des textes(365).

Qu’il soit des questions orales ou écrites ce procédé constitue un moyen de contrôle de l’action de l’exécutif en matière des finances publiques. Elles sont aussi un moyen d’information précieux pour les parlementaires et à travers ce procédé c’est tout l’esprit du parlementarisme qui se révèle.

§2 – Disparition du rôle de la commission chargée des finances :

A côté de l’examen des projets de lois de finances et toutes les mesures qui ont une incidence financière, ce qui lui réserve un domaine large et important. La commission des finances demeure le seul interlocuteur valable du gouvernement dans le domaine économique et financier. Elle est chargée d’une mission d’information pour apporter tous les éclaircissements nécessaires au parlement. A ce titre, deux compétences lui sont reconnues. Elle est d’abord chargée de préparer la discussion en séance du projet de loi de finances, et assure ensuite, un contrôle sur l’exécution de la loi de finances au nom du parlement(366).

La Commission des Finance et de développement est chargée de la mission de suivre, de contrôler l’exécution de la LF et de procéder à l’évaluation de tous les sujets relatifs aux Finances publiques. Elle doit disposer d’un droit d’accès renforcé à l’information, et du droit d’audition(367) à l’égard de toute personne déliée du secret professionnel conformément aux spéculations de l’article 102 de la constitution marocaine actuellement en vigueur qui dispose que : « Les commissions concernées dans chacune des deux Chambres peuvent demander à auditionner les responsables des administrations et des établissements et entreprises publics, en présence et sous la responsabilité des ministres dont ils relèvent ». Cela doit octroyer au Parlement une transparence de l’information, et en cas de réticence de l’administration, un référé auprès du juge administratif est prévu. Des délais de réponse s’imposent aux administrations qui doivent répondre aux questionnaires des rapporteurs des commissions des Finances.

La Fonction de contrôle exercée par la commission des finances(368) et de développement sur l’exécution des lois de finances (369) apparaît comme le complément nécessaire à sa fonction d’étude et d’examen des textes. Ainsi, elle suit d’une manière permanente et continue l’état d’exécution de la loi de finances votée par le parlement et elle se tienne informée de la gestion des finances des organismes publics ou semi-publics soumis au contrôle financier de l’Etat.

La permanence du contrôle, assurée par la commission des finances et de développement, est gage de son efficience et de l’étendue de l’influence de l’organe qui l’exerce(370). Ainsi, le contrôle parlementaire ne peut se cantonner dans un examen formel des textes au moment de leur adoption. Il doit en suivre la bonne exécution.

Comme le note VEDEL G. « l’information détaillée et quotidienne sur l’action gouvernementale est nécessaire »(371). Cette information relève du droit des représentants de la nation à connaître le suivi de l’exécution des textes adoptés.

Cependant, le rôle du contrepoids politique que la commission des finances doit assumer se trouve lui aussi limité par les règles parlementaires et, notamment, par les règlements intérieurs des deux chambres du parlement qui ne traitent guère du rôle de la commission des finances en matière de suivi et de contrôle en cours d’exécution de la loi de finances. Tout en sachant que le règlement intérieur de l’institution parlementaire délimite d’une façon précise les compétences de ladite commission en ce qui concerne l’examen et la discussion du PLFA(372). S’ajoute à cela, le phénomène de la majorité docile qui réduit parfois le rôle des commissions permanentes(373), et inclus la commission des finances et de développement, à un rituel formel sans potée politique. Il faut ajouter à ces problèmes le caractère secret des travaux des commissions et la faiblesse de leurs moyens d’information car la seule source d’information à leur disposition est le gouvernement qui n’est pas toujours disposé à leur fournir les informations dont elles ont besoin(374).

De ce fait, n’aurait-il pas été préférable d’avoir une commission exclusivement chargée du budget, qui travaille toute l’année sur les seules questions qui s’y rapportent, que d’avoir une commission dont les finances ne représentent qu’une partie de ses attributions à exercer pendant une durée limitée de l’année?

Cela implique que son rôle devrait être la supervision et la révision des prévisions budgétaires, ainsi que le contrôle et le suivi concomitant des réalisations.

C’est dans cet esprit que s’inscrit la réforme de la loi organique en France de 2001 qui a redéfini le rôle de la commission chargée des finances, en la chargeant de suivre et de contrôler l’exécution des lois de finances et de procéder à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques(375). Ce faisant, elle a accès à tout renseignement et document d’ordre financier et administratif(376), un pouvoir d’audition élargi ainsi que la possibilité de provoquer des enquêtes et des investigations. En plus, la commission des finances de chaque assemblée reçoit du ministère des finances des situations mensuelles de dépenses par titre et par ministère, des relevés des rentrées fiscales mensuelles détaillées par type d’impôt et des situations trimestrielles des dépenses engagées. De surcroît, ladite commission peut demander une enquête à la cour des comptes ou auditionner son président. Elle peut également auditionner le ministre des finances ou d’autres ministres en vue d’explications sur l’exécution de la loi de finances.

La même situation se présente en Pologne où la commissions des finances et les autres commissions permanentes « présentent à la diète un projet de budget complètement remanié » ; aux Etats unis d’Amérique où elles ont des pouvoirs très importants ; il en est de même en Italie où l’on reconnaît à la minorité d’une commission le droit de nommer un rapporteur distinct qui présentera à l’assemblée un rapport différent de celui de la majorité(377).

§3 – Intervention mitigée des Commissions d’enquête :

Les commissions parlementaires d’enquête peuvent être définies comme des commissions temporaires constituées par le parlement pour enquêter et réunir les informations autour des faits précis et transmettre les conclusions de ses travaux à la chambre qui les a constituées. Ce sont des commissions temporaires qui ont pour objectif de mener une enquête et d’examiner un sujet ou une politique donnée menée par le gouvernement et ce afin de mettre en évidence leurs manques ou leurs dérives.

Elles sont un moyen de contrôle et d’investigation dont dispose le parlement pour suivre l’action du gouvernement car les parlementaires sont très nombreux pour pouvoir exercer utilement leur fonction de contrôle si cette mission n’est pas dévolue à un organisme plus restreint. Le droit d’enquête résulterait de l’idée que le parlement doit pouvoir être informé sur tout événement ayant appelé des mesures de la part du gouvernement(378). Dans ce sens, l’enquête politique d’une commission parlementaire d’enquête est menée afin de découvrir les infractions politiques commises par des organes de l’autorité exécutive à propos de sujets liés de façon directe au travail politique et administratif du gouvernement(379).

L’existence de ces commissions est liée à l’histoire du parlementarisme(380), dans la mesure où l’une des caractéristiques majeures de ce régime réside dans le contrôle du gouvernement par le parlement. Leur création est souvent liée à la survenance d’événements politiques, économiques ou financiers. De ce fait, leur mission se limite dans le temps à l’éclaircissement des affaires pour lesquelles elles ont été créées, ce qui constitue un critère de distinction entre elles et les commissions parlementaires créées pour une législature et spécialisées dans leur domaine d’activité(381).

Si ces commissions sont dotées en finances comparées(382), particulièrement celles de tradition parlementariste, de réels pouvoirs de contrôle, d’investigation voire de pouvoir judiciaire, au Maroc, elles ont été longtemps frappées d’inconstitutionnalité383en l’absence de référence constitutionnelle franche durant les trois premières expériences constitutionnelles (1960-1970-1972)(384).

Cet état de fait, va être dépassé avec la constitution de 1992 qui a stipulé clairement le droit du parlement à constituer des commissions d’enquête pour voir ce mécanisme d’enquête se transformer d’un simple article du règlement intérieur de la chambre des représentants en une disposition constitutionnelle. Cette pratique gardée par la constitution de 1996 est renforcée par la constitution du 1er juillet 2011(385).

Ces commissions ,qui peuvent être créées à l’initiative du roi ou à la demande de la majorité des membres de l’une des deux chambres, sont constituées sur la base de la représentation proportionnelle des groupes parlementaires(386) et ne peuvent être créées que s’il s’agit de faits qui n’ont pas donné lieu à des poursuites judiciaires(387) conformément aux spéculations de l’article 67 de la constitution de 2011 qui stipule dans son troisième alinéa que: «Il ne peut être créé de commission d’enquête lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours».

Dans cette optique, elles sont par nature provisoires et leurs missions se terminent avec le dépôt de leurs rapports conformément aux spéculations du quatrième alinéa de l’article 67(388) de la constitution en vigueur. Lesdits rapports sont déposés auprès du président de la chambre concernée dès la fin des missions qui lui ont été confiées. Et c’est la chambre concernée qui donne suite aux dits rapports conformément aux dispositions(389) de la loi organique n° 5-95 relative aux modalités de fonctionnement des commissions d’enquête, les différentes règles régissant le travail de celles-ci, la durée de vie de ces commissions, le caractère secret de leurs travaux, l’élaboration, puis le dépôt de son rapport(390). Dans ce sens, l’article 67 (troisième alinéa)(391) de la constitution actuellement en vigueur dispose que la mission de la commission d’enquête prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits qui ont motivé sa création, mais aussi, par le dépôt de son rapport auprès du président de la chambre qui l’a créé.

Mais en réalité, c’est le président de la chambre parlementaire qui détermine le délai maximum du travail de toute commission d’enquête(392). Cependant, la durée de travail de ces commissions est limitée à six mois conformément à ce qui ressort de l’article 18 de la loi organique n° 54.00 qui modifie et complète la loi n° 5-95 relative à ces commissions. Pourtant cette limitation n’est pas stricte puisque les délais peuvent être prorogés.

Le travail de toute commission s’achève par l’élaboration d’un rapport contenant toutes les constatations effectuées lors de ses investigations ainsi que ses propositions afin d’aider à la prise de la décision finale qui est du ressort de la chambre. Certes, l’élaboration dudit rapport est affectée par la composition de la commission, ce qui constitue une opportunité pour la majorité d’exercer sa domination. Cette situation est exprimée par D.G.LAVROF lorsqu’il dit : « Si l’élaboration des rapports des commissions d’enquête nous semble, de prime abord, une opération normale, elle pose, néanmoins, des problèmes dans la mesure où elle n’expose pas l’avis de la minorité, ce qui ôte à ces commissions leur valeur de contrôle (393)».

Afin d’éviter ce genre de problèmes, certains régimes politiques, comme c’est le cas pour le régime français, exigent que soit mentionné dans le rapport l’avis de la minorité quand il est contraire aux conclusions(394) de la commission. La même position est adoptée par le constituant marocain de 2011 qui a octroyé à l’opposition un rôle important quant au contrôle de l’action gouvernementale conformément à ce qui ressort de l’article 10 de la loi fondamentale de 2011 qui dispose que : «La Constitution garantit à l’opposition parlementaire un statut lui conférant des droits à même de lui permettre de s’acquitter convenablement de ses missions afférentes au travail parlementaire et à la vie politique ». Ainsi, l’article 34 du règlement intérieur de la chambre des représentants met l’accent sur la participation effective de l’opposition dans le contrôle de l’action gouvernementale par le biais de la motion de censure, la motion d’interpellation, les questions orales et écrites ainsi que par les commissions d’enquête.

Il reste juste de mettre en application ces dispositions.

Il est à noter que le recours aux commissions d’enquête durant l’expérience parlementaire marocaine ne dépasse pas huit cas(395), ce qui démontre la faible utilisation de cet instrument en comparaison avec d’autres parlements comme le sénat français qui a constitué 45 commissions d’enquête uniquement sous la cinquième république(396).

Quels que soient les résultats auxquelles parviennent les commissions d’enquête, elles n’ont pas le pouvoir de prendre des décisions car leur travail de contrôle se limite à l’information prédiquée à la chambre ou à l’ouverture du débat dans une séance plénière au sujet des conclusions et des résultats de l’enquête. Cependant, leur importance se manifeste dans leur champ d’activité du moment qu’elles osent aborder des sujets qui peuvent embarrasser le gouvernement et dont l’exploration des tenants et aboutissants peut démontrer les erreurs de celui-ci(397). D’où l’importance de constituer des commissions d’enquête en matière financière pour contrôler l’exécution des différentes lois de finances et la fiabilité des dépenses publiques(398), ainsi que pour mettre l’accent sur les malversations et les détournements des deniers publics afin de protéger l’argent des contribuables que les députés sont censés représenter.

334 FIKRI (Abdelkbir), « le parlement marocain et les finances…. », op.cit, p.121.
335 L’article 70 de la constitution marocaine du 1er juillet 2011.
336 Loi organique des finances ainsi que les règlements intérieurs des chambres du parlement.
337 OUJMAA (Saïd),” les contrôle des finances publiques …», op.cit, p.47.
338 Dans le même ordre d’idées, l’article 48 de la constitution française de 1958 stipule que : « une séance par semaine est réservée aux questions des membres et aux réponses du gouvernement ».
339 Comme le Koweït où l’article 129 du règlement intérieur du parlement a réservé une demi-heure de chaque séance aux questions parlementaires.
340 BOUTALEB (Hanae), « le contrôle parlementaire sur le gouvernement au Maroc … » , op.cit, p.09.
341 FIKRI (A), « le parlement marocain et les finances… », op.cit, p.136.
342 KHOUDRY (Driss), « Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc », op.cit, p.84.
343 BOUTALEB (Hanae), « le contrôle parlementaire sur le gouvernement au Maroc … » , op.cit, p.10.
344 BOUTALEB (Hanae ), «le contrôle parlementaire sur le gouvernement au Maroc … » , op.cit, p.10.
345 Ainsi l’article 100 de la constitution du 1er juillet 2011 stipule que : «Une séance par semaine est réservée dans chaque Chambre par priorité aux questions des membres de celle-ci et aux réponses du gouvernement ».
Les réponses aux questions de politique générale sont données par le Chef du Gouvernement. Une séance par mois est réservée à ces questions et les réponses y afférentes sont présentées devant la Chambre concernée dans les trente jours suivant la date de leur transmission au Chef du Gouvernement ».
346 Voir à ce niveau les articles 157 et 158 du RICR et les articles 284 et suivant du RICC.
347 Article 159 du RICR et l’article 284 du RICC.
348 Voir les articles 159 et 160 du RICR, ainsi que l’article 285 et suivant du RICC.
349 Dans ce sens, le deuxième alinéa de l’article 160 du RICR dispose que : « une séance par mois est consacrée aux réponses du chef du gouvernement aux questions concernant les politiques publiques ».
350 KHOUDRY (Driss), « Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc », op.cit, p.85.
351 CHABIH (Jilali), « les finances de l’Eta au Maroc », op.cit, p 321.
352 Le but assigné à cette prérogative du bureau est d’éviter l’encombrement des débats par des questions au caractère électoraliste et propagandiste manifeste, ce qui est justifié par le nombre élevé des questions orales qui connaissent un grand retard pour les réponses ou qui restent sans réponses.
353 OUJMAA (Saïd), « le contrôle des finances publiques au Maroc », op.cit, p.49.
-Voir les article 160 du RICR et 292 du RICC .
354 Articles 161 et 162 du RICR et 293 et suivant du RICC.
355 HAOUARI (Sanae), « le pouvoir financier du parlement au Maroc/cas des bureaux d’analyse du budget à la lumière des expériences étrangères », op.cit, p.79.
356 Articles 164 du RICR et du RICC.
357 OUJMAA (Saïd), « le contrôle des finances publiques au Maroc », op.cit, p.50.
358 Cet engouement est le corollaire de l’inefficacité des autres moyens de contrôle, ainsi que l’enthousiasme manifesté par les députés à ce type des questions, qui seront diffusées à la radio et à la télévision, pour montrer aux électeurs qu’ils défendent leurs intérêts.
359 El GHAZI (Sobhallah), « les attributions du parlement : L’institution parlementaire au Maroc », REMALD, 2000, p.53.
360 Les articles 168 et 169 du RICR et 306 du RICC.
361 Les réponses des ministres aux questions écrites sont publiées au bulletin officiel, ce qui constitue une source d’information considérable pour les parlementaires et l’opinion publique.
362 BOUTALEB ( Hanae), « le contrôle parlementaire sur le gouvernement au Maroc … » , op.cit, p.24.
363 KHOUDRY (Driss), « Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc », op.cit, p.86.
364 FIKRI (A), « le parlement marocain et les finances… », op.cit, p. 137.
365 Ibid.
366HARAKAT (Mohamed), « les finances publiques et les impératifs de la performance : Le cas du Maroc », op.cit, p.238.
367 L’article 102 de la constitution marocaine du 1er juillet 2011.
368 Cf. CAMBY (Jean-Pierre), « la réforme du budget de l’Etat. La loi organique… », op.cit, p.335 et s.
369 On entend par lois de finances ici la loi de finances initiale, la loi de finances rectificative et la loi de règlement conformément a ce qui ressort de l’article 2 de la loi organique n° 7/98 de finances qui précise : « sont réputées loi de finances au sens du présent texte : la loi de finances de l’année ; la loi de finances rectificative ; la loi de règlement ».
370 OUJMA (Saïd),” les contrôle des finances publiques …”, op.cit, p .44.
371 VEDEL (G.), « situation de l’institution parlementaire en 1968 », in France forum n°68, mai, 1968.in FIKRI (A), « le parlement marocain et les finances… », op.cit, p.123.
372 Voir à ce niveau les articles 130-134DU RICR et 69 et suivant du RICC.
373 Article 103 de la constitution marocaine de 2011.
374 OUJMA (Saïd),” les contrôle des finances publiques …”, op.cit, p.41.
375 Cette mission est confiée au président, au rapporteur général ainsi qu’aux rapporteurs spéciaux conformément à ce qui ressort de l’article 57 de la LOF du 1er août 2001 qui stipule que : « Les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l’exécution des lois de finances et procèdent à l’évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un plusieurs membres d’une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu’ils jugent utiles ».
376 CHOUVEL (François), « finances publiques 2007 », Gualino éditeur, EJA, Paris, 10ème édition, 2007, p.211.
377 CF.CHAVRIN (Robert), « L’évolution du rôle des commissions des finances », R.S.F, 1969.
378 MADANI (Mohamed), « les commissions parlementaires d’enquête », publications de la revue marocaine d’administration locale et développement- l’institution parlementaire au Maroc, Thèmes Actuels, 2000, p.159.
379 BOUTALEB (Hanae), «le contrôle parlementaire sur le gouvernement au Maroc : étude des trois premières années de la huitième législature », op.cit, p.43.
380 Le recours à ce moyen de contrôle est apparu en Grande Bretagne, au 17ème siècle, avant de se propager dans l’ensemble des autres démocraties. Leur début fut formel car leurs fonctions n’étaient inscrites ni dans la constitution, ni dans les règlements intérieurs des parlements.
381 OUJMA (Saïd),” les contrôle des finances publiques …”, op.cit, op.cit, p.56.
382 Cf. KHOUDRY (Driss), « Le contrôle des finances de l’Etat au Maroc », op.cit, pp.75-77.
383 CHABIH( Jilali), « les finances de l’Eta au Maroc », op.cit, p 321.
384 A ce stade, il convient de signaler que la chambre constitutionnelle de la cour suprême les a-t-elle déclarées à deux reprises non conforme à la constitution. L’inconstitutionnalité de ces commissions a été fondée sur le fait, qu’elles « ne figurent pas parmi les moyens de contrôle de l’activité gouvernementale, tels que définis par la constitution et les lois organiques en vigueur »384.
Une autre décision n° 182 a été prononcée à leur encontre le 22 aout 1985. Malgré ces décisions deux commissions d’enquête ont été créées par la chambre des représentants : il s’agit de celle relative à « l’affaire du baccalauréat » déclenchée le 30 mai 1979 sur demande de la chambre et avec accord du gouvernement suite à la fuite des épreuves du baccalauréat. Et par lettre royale a été constituée la deuxième commission d’enquête le 11 janvier 1991 au sujet des événements de Fès et de Tanger.
385 L’article 67 de la constitution de 2011 dans son deuxième alinéa dispose que: «Outre les Commissions permanentes mentionnées à l’alinéa précédent, peuvent être créées à l’initiative du Roi ou à la demande du tiers des membres de la Chambre des Représentants, ou du tiers des membres de la Chambre des Conseillers,
au sein de chacune des deux Chambres, des commissions d’enquête formées pour recueillir les éléments d’information sur des faits déterminés ou sur la gestion des services, entreprises et établissements publics, et soumettre leurs conclusions à la Chambre concernée ».
386 Article 170 du RICR.
387 BOUTALEB (Hanae), «le contrôle parlementaire sur le gouvernement au Maroc… », op.cit, p.47.
388 Cet alinéa dispose que : «Les commissions d’enquête ont un caractère temporaire. Leur mission prend fin par le dépôt de leur rapport auprès du Bureau de la Chambre concernée, et, le cas échéant, par la saisine de la justice par le Président de ladite Chambre. Une séance publique est réservée par la Chambre concernée à la discussion des rapports des commissions d’enquête ».
389 Dans ce sens, l’article 18 de la loi organique n° 5-95 dispose que : « lorsque le ou les rapporteurs estiment que l’enquête est achevée, ils présentent au président de la commission un projet de rapport qui est délibéré par la commission avant d’être transmis au président de la chambre concernée…. ».
Le deuxième alinéa dudit article continue : « la chambre concernée peut décider que le contenu du rapport fera l’objet d’un débat en séance publique ou sera examiné lors d’une séance à huis clos. Elle peut également décider que le contenu du rapport fera l’objet d’une publication partielle ou totale au bulletin officiel ».
390 L’article 18 de la loi organique n° 5-95 relative aux modalités de fonctionnement des commissions d’enquête.
391 Ledit article dispose que : «… Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits qui ont motivé sa création.
392 Article 3 de la loi n° 5-95 dispose que : «A défaut de réception par le président de la chambre concernée du rapport du ministre de la justice dans le délai imparti, le président convoque les membres de la commission afin de procéder à l’élection du président, de ses suppléants, du secrétaire du ou des rapporteurs. La convocation rappelle les faits sur lesquels l’enquête doit porter, la composition de la commission et le délai maximum imparti à celle-ci pour déposer son rapport ».
393 LAVROF (D.G), « le droit constitutionnel de la cinquième république », 2ème édition, Dalloz, Paris, 1977, p.824.
394 Juridiquement, les conclusions des commissions d’enquête ne constituent pas des décisions. Elles ne sont que des éléments d’information à l’usage de l’institution parlementaire.
395 De telles commissions ont été créées au Maroc comme ce fut le cas en 1979 pour l’affaire du baccalauréat, en 1991 au sujet des événements de Fès et de Tanger, au sujet de la problématique des drogues le 28 décembre 1995, dans l’affaire C.I.H ( crédit immobilier et hôtelier)le 12 juin 2000, la cinquième commission a été constituée par la chambre des conseillers le 27 novembre 2001 au sujet de la caisse nationale de la sécurité sociale, la sixième a été constituée à l’occasion des émeutes de sidi Ifni en juin 2008, la septième commission a été créée en 2010 aux suites des incidents de GDIEM IZIK à Laayoune et la huitième commission parlementaire d’enquête est constituée par la chambre des conseillers en 2011 au sujet de l’office d’import et d’export.
396 www.sénat.fr.
397 BOUTALEB (Hanae), “le contrôle parlementaire sur le gouvernement au Maroc… », op.cit, p.60.
398 C’est le cas de la commission parlementaire d’enquête, constituée par la chambre des conseillers en 2011, relative à l’office d’import et d’export et dont le rapport a été présentée et discuté en 2012.

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